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Olga Okouneva
LA «FRANCE ANTARCTIQUE» AU BRÉSIL: LE PROLOGUE DES GUERRES DE RELIGION EN FRANCE?
L'histoire de la «France Antarctique» au Brésil, la première colonie française sur le territoire de l'Amérique portugaise, fondée en 1555 et qui a tenu quelque cinq ans, a été très fortement marquée par une opposition des catholiques et des huguenots. Les querelles idéologiques et les tensions qui en ont résulté ont affaibli la colonie et l'ont en grande partie conduite à sa chute. Cette opposition entre les catholiques et les protestants se distingue par le lieu où elle s'est manifestée, car les querelles religieuses européennes ont eu pour théâtre le Nouveau Monde et plus particulièrement le Brésil, que les voyageurs français connaissaient déjà depuis quelques décennies. Une autre particularité de cette France Antarctique est le fait que cette opposition religieuse puis politique — qui inclut un complot, une persécution, une trahison — a pris des formes si concrètes. C'est cette dernière considération qui conduit à considérer la «France Antarctique» comme une répétition générale des Guerres de Religion ou comme le prologue de ces guerres civiles.
La courte mais riche histoire de la France Antarctique et les écrits des auteurs français sur cette colonie sont devenus en France un objet d'études au croisement de l'histoire coloniale, de l'histoire des guerres de Religion et de la littérature géographique de la Renaissance. Parmi les plus grands spécialistes du sujet il faut nommer Frank Lestringant, auteur de plusieurs ouvrages1 et celui qui a publié et commenté les témoignages de première main sur la colonie brési-
1 Pour n'en citer que quelques uns: Lestringant, F. Le huguenot et le sauvage: L'Amérique et la controverse coloniale en France, au temps des guerres de religion (1555— 1589). Genève, 2004; Lestringant, F. Une sainte horreur ou le voyage en eucharistie: XVIe-XVIIIe siècle. Paris, 1996; Lestringant, F. L'expérience huguenote au nouveau monde (XVIe siècle). Genève, 1996. © Olga Okouneva, 2016
lienne, notamment celui du catholique André Thevet2 et du protestant Jean de Léry3. Les recherches de longue date de F. Lestringant ont contribué à ce que l'œuvre de ces auteurs devienne plus connue auprès des spécialistes et du grand public4. Finalement, la célébration de l'Année du Brésil en France en 2005 a également attiré attention des chercheurs et du grand public sur cet épisode important de la présence française au Brésil au XVIe siècle.
Le Brésil comme lieu de destination pour les expéditions françaises n'a pas surgit au milieu du XVIe siècle: les marins et les marchands français ont fait connaissance avec le littoral brésilien dès le premier quart du XVIe siècle, peut-être dès 1515, et on connaît des documents attestant des départs en 15185. Pour les périodes antérieures les indices sont indirects et les hypothèses formulées à la fin du XIXe siècle, selon lesquelles les Français ont devancé sur le chemin du Brésil Pedro Alvares Cabrai, le découvreur du pays en 1500, sont restées plutôt des suppositions6.
2 Le Brésil d'André Thevet. Les Singularités de la France Antarctique [1557] / Ed. F. Lestringant. Paris, 1997; Histoire d'André Thevet Angoumoisin, cosmographe du Roy, de deux voyages par luy faicts aux Indes australes et occidentales / Éd. J.-C. La-borie, F. Lestringant. Genève, 2006.
3 Lestringant, F. Jean de Léry ou L'invention du sauvage: Essai sur l'«Histoire d'un voyage faict en la terre du Brésil». Paris, 1999.
4 Un exemple intéressant du passage du niveau universitaire au niveau scolaire (avec une adaptation nécessaire) est une édition des extraits du livre de Jean de Léry avec un dossier-lecture et dossier-jeu dans une série «Etonnants classiques» de Flammarion (Jean de Léry. Le Nouveau Monde: Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil par Jean de Léry / Éd. C. Trotot. Paris, 1998 (récits de voyage I)); Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil: Jean de Léry. Journées d'études (10 et 11 décembre 1999). Pessac, 2000.
5 Un de ces documents concernant le navire «La Martine» de Jumièges et «le voyage encommencé à faire par ledit navire au Brésil» est cité dans: Machado, M. A. G. Guia de fontes para a histôria franco-brasileira: Brasil colônia, vice-reino e reino unido: acervos de manuscritos em arquivos franceses. Recife, 2002. P. 164.
6 Un des partisans de cette hypothèse est Paul Gaffarel qui défendait le personnage de Jean Cousin en tant que précurseur non seulement de Cabrai mais même de Colomb: Congrès International des Américanistes. Paris, 1878. Vol. 1. P. 251; Histoire du Brésil français au XVIe siècle / Éd. P. Gaffarel. Paris, 1878. P. 1-30.
Pour une synthèse des arguments «pour» et «contre» cette théorie voir: Okouneva, 0. Frantsuzy — pervootkryvateli Brazilii? [Were Frenchmen discoverers of America?], in: LatinskayaAmerika. 2003. Vol. 4. P. 66-78 [Французы — первооткрыватели Бразилии?, в кн.: Латинская Америка. 2003. Вып. 4. С. 66-78].
Pendant assez longtemps on a attribué la prise de connaissance des Français avec le Brésil au voyage du capitaine Binot Paulmier de Gonneville en 1503-1505, grâce à son journal de bord parvenu jusqu'à nos jours, mais dans les années 2000 l'authenticité de ce document a commencé à être remise en question7.
Au cours des années 1520, les voyages au Brésil deviennent plus nombreux et commencent à inquiéter les ambassadeurs portugais qui dénoncent la violation des droits du Portugal sur ses territoires américains8. La politique de la couronne française reste alors contradictoire: d'un côté François Ier n'a pas reconnu le partage du monde d'après le traité de Tordesillas et demande ironiquement de lui montrer le testament
7 Lettres royaux en forme de compulsoire portant mandemant pour la délivrance d'extrait ou vidimus de la Déclaration du voyage du capitaine de Gonneville, in: Les Français en Amérique pendant la première moitié du XVI" siècle:. Paris, 1946. P. 46-49; Déclaration du voyage du capitaine de Gonneville et ses compagnons ès Indes et recherches faites audit voyage baillées vers justice par il capitaine et ses dits compagnons jouste qu'ont requis les gens du Roy nostre Sire et qu'enjoint leur a été, in: Les Français en Amérique pendant la première moitié du XVI' siècle:. Paris, 1946. P. 28-45. La tradition d'assimiler le lieu d'escale de capitaine Gonneville avec le Brésil plonge ses racines encore au XIXe siècle Campagne du navire l'Espoir de Honfleur, 1503-1505: Relation authentique du voyage du capitaine de Gonneville és nouvelles terres des Indes / Ed. M.-A.-P. d. Avezac. Paris, 1869 (Extrait des «Annales des Voyages», juin-juillet 1869). A partir de cette époque le début des voyages françaises au Brésil semblait être établi; encore dans les années 1990 les livres sur le voyage de Gonneville paraissaient en France et au Brésil: Bonnemains, J., Chaline, J.-P. 1492-1992, des Normands découvrent l'Amérique. Rouen, 1992; Perrone-Moisés, L. Vinte luas: Viagem de Paulmier de Gonneville ao Brasil, 1503-1505. Sâo Paulo, 1992. Edition française: Perrone-Moisés, L. Le voyage de Gonneville (1503-1505): Et la découverte de la Normandie par les Indiens du Brésil. Paris, 1995.
Une opinion «dissidente» a été exprimée pour la première fois en 1993; elle a provoqué une polémique dans la presse lors de laquelle les arguments «contre» le voyage de Gonneville et l'authenticité de son journal de bord se sont cristallisés dans une édition suivante: Pontharouart, L. d. Paulmier de Gonneville: Son voyage imaginaire. Beauval en Caux, 2000.
Leila Perrone-Moisés qui défend la thèse de l'authenticité du document et du voyage a réagit à cette publication à plusieurs reprises: cf. son intervention au colloque international «Voyageurs et images du Brésil» (Maison des sciences de l'homme, Paris, le 10 décembre 2003) intitulé «Le voyage de Gonneville a-t-il vraiment eu lieu?». Voir également: Pontharouart, L. d. Essomericq, l'heureux Carijô, in: L'autre rive de l'Occident/Éd. A. Novaes. Paris, 2006. P. 375-392.
8 Gomes de Carvalho, M. E. D. Joâo III e os francezes. Lisboa, 1909.
d'Adam interdisant à ses sujets d'aller outre-mer, mais d'autre part il édicté une série d'interdictions de visiter les côtes du Brésil et de Guinée9. Chaque publication ou réitération de telles interdictions provoque une résistance de la part des marchands normands et le Conseil de Rouen envoie des dépu-tations pour déclarer les pertes et les dommages que subit le commerce. Et comme il arrive souvent, la rigueur de l'interdiction est compensée par le caractère sélectif de l'application de cette interdiction: on connaît une expédition qui a apporté du Brésil du bois précieux pour la décoration du château de Fontainebleau, ce qui veut dire que la prohibition officielle n'était pas respectée10. Un ambassadeur vénitien rapporte à peu près à la même époque que «les Français qui sont là [au Brésil] et d'autres qui y arrivent, tiennent à conserver leur droit [de visiter le Brésil]: c'est pourquoi une négociation est depuis longtemps entamée; l'amiral [Chabot] traite pour la France, l'ambassadeur de Portugal pour son roi mais les riches présents que celui-ci donne à l'amiral traînent l'affaire en longueur»11.
Vers les années 1550, le Brésil et les produits exotiques qu'on y trouve (le bois précieux, les matières végétales pour teindre les tissus, le coton, les animaux et les oiseaux exotiques, aussi bien que leurs peaux et plumes) commencent à être plus connus. D'un côté une connaissance concrète des marins et des marchands ne dépasse pas en général le niveau régional ou, selon l'expression de l'historien français Ph. Bonnichon, «une frange côtière» de Normandie, de Bretagne et d'autres provinces maritimes12. Mais par ailleurs, les cartographes normands commencent
9 Pour la chronologie des décrets royaux à ce sujet, voir Vergé-Franceschi, M. Chronique maritime de la France d'Ancien Régime: 1492-1792. Paris, 1998. 129; 153; 168; Machado, M. A. G. Guia de fontes para a histôria franco-brasileira. P. 157-160. San-tarem, M. F. d. Quadro elementar das relaçôes politicas e diplomaticas de Portugal. Pariz, 1843. Vol. 3. P. 359.
10 Le fait que le remboursement des frais de ce voyage par le roi François Ier flgure parmi ses dépenses secrètes est éloquent. Laborde, L. d., Guiffrey, J. Les comptes des bâtiments du roi (1528-1571): Suivis de documents inédits sur les châteaux royaux et les beaux-arts au XVIe siècle. Paris, 1877-1880. Vol. 2. P. 272, 413.
11 Relation de Marino Giustiano, ambassadeur en France en l'année 1535, in: Relations des ambassadeurs vénitiens sur les affaires de France au XVI" siècle /Éd. N. Tomma-seo. Paris, 1838. Vol. 1. P. 87.
12 Bonnichon, P. Image et connaissance du Brésil: Diffusion en France, de Louis XII à Louis XIII, in: Naissance du Brésil moderne, 1500-1808: Colloque de l'Institut de Recherches sur les civilisations de l'Occident, les 4 et 5 mars 1997 en Sorbonne / Éd. K. de Queiros Mattoso. Paris, 1998. P. 24. P. 24.
à élaborer des cartes du littoral américain, en s'inspirant bien sûr des modèles portugais, mais en manifestant ainsi une certaine prétention symbolique sur le Brésil (en plaçant par exemple les armes de France sur la carte du Brésil13.
En 1550 le Brésil et ses habitants figurent dans la cérémonie d'entrée solennelle d'Henri II à Rouen: un des tableaux est un ainsi nommé «spectacle brésilien» et le bord de Seine est décoré en jungle brésilienne avec les sauvages — des vrais Indiens amenés du Brésil et des marins français qui les imitent — qui montrent les scènes de vie quotidienne: les danses, le commerce de troc avec les marins français, la chasse et même une bataille avec une tribu ennemie. Ce spectacle a également une signification politique qui est une démonstration de la familiarité des Français avec le Brésil qui est considéré par le Portugal comme son domaine inaliénable. Une série de textes qui accompagne la description de la cérémonie, éditée la même année, renforce encore cet enjeu politique: «Vous les verrez [les Indiens] le cœur à notre égal faire fuir l'ennemi Portugal»14.
Pendant ce temps-là les expéditions particulières continuent de visiter le Brésil comme en témoignent les observations des colons portugais15 et
13 Pour les reproductions en couleur des cartes marines normandes voir Montaigne, J.-M. Le traflc du Brésil: Navigateurs normands, bois-rouge et cannibales pendant la Renaissance. Rouen, 2000. Vol. 1-2.
Pour une étude de la légitimation de la présence française au Brésil à travers la cartographie et les toponymes voir: Okouneva, О. I Vachim imenem potchtit' bezvestnyi krai': Toponimika как sposob legitimatsii frantsuzskogo prisutstvia v Brazilii XVI — natchala XVII veka [Und by your name you honour the unknown land: Toponymy as an instrument of legitimization the French presence in Brazil in the 16th — beginning of the 17th century], in: Amerikanski ezhegodnik. 2012. P. 317-326 [И вашим именем почтить безвестный край: Топонимика как способ легитимизации французского присутствия в Бразилии XVI — начала XVII в., в кн.: Американский ежегодник. 2012. С. 66-78].
14 La joyeuse entrée de Henri II à Rouen (poème de 714 vers, précédé d'une dédicace «Au Roy» et composée à l'occasion de l'entrée royale à Rouen le 1er octobre 1550) — Cité d'après: Heulhard, A. Villegagnon: Roi d'Amérique, un homme de mer au XVIe siècle (1510-1572). Paris, 1897. P. 88. Voir également: France et Brésil: Catalogue d'une exposition organisée par les Archives Nationales de France (24 mai — 27 juin 1955). Paris, 1955. P. 32.
15 Cf.: Carta de Tomé de Sousa, desta sua cidade de Salvador nas partes do Brasil a 18 de Julho de 1551, in: Alguns documentes sobre a colonizaçâo do Brasil (século XVI) / Ed. by L. d. Albuquerque. Lisboa, 1989. P. 171; Carta de Pedro de Gois, de Salvador, 29 abril de 1551, in: Alguns documentes sobre a colonizaçâo do Brasil (século XVI) /Ed. by L. d. Albuquerque. Lisboa, 1989. P. 117.
des voyageurs étrangers, dont un soldat allemand, Hans Staden, devenu prisonnier des Indiens et échappé de la captivité en prétendant être un Français16. Tout cela montre que le Brésil comme lieu d'implantation d'une colonie n'est pas apparu par hasard et qu'il ne s'agissait pas d'une contrée totalement inconnue.
La préparation de l'expédition qui est partie pour le Brésil en novembre 1555 sous le commandement de Nicolas Durand de Villega-gnon et qui a jeté les bases de la France Antarctique a laissé moins de traces concrètes que des «reconstructions» et des suppositions partiales et partielles apparues après les faits. C'est après la chute de la colonie et le sort malheureux de certains des colons que l'histoire de sa création a commencée à être véhiculée dans les milieux protestants comme une arme dans un débat idéologique.
Parmi les informations «neutres» sur l'expédition de 1555, signalons une prescription du roi Henri II de délivrer une somme d'argent à «nostre amé et féal le chevalier de Villegaignon...» pour «certaine entreprinse que ne voulions estre cy aultrement speciffiée ne declarée»17. Lorsque Villegagnon a dû revenir en France pour demander des renforts à la colonie qu'on ne savait pas encore prise par les Portugais, le successeur d'Henri II, François II, a fait allusion dans une lettre à une «conquête» dans un certain endroit au Brésil nommé ensuite France Antarctique qui a été conduite par «notre lieutenant général»18. Tout cela montre que l'entreprise, même voilée d'un certain secret et sans publicité supplémentaire, se faisait sous l'égide royale. D'ailleurs, cette réalité est clairement évoquée dans les pamphlets protestants du début des années 1560 où, en s'adressant à la reine-mère Catherine de Médicis, l'auteur anonyme parle des temps «du viuant du Roy Henry de bonne mémoire, vostre seigneur & mari, qui...ordonna [à Villegagnon] ceste notable commission de la
16 Hans Staden. Nus, féroces et anthropophages / Éd. H. Ternaux-Compans. Paris, 2005.
17 Cité d'après: Machado, M. A. G. Guia de fontes para a historia franco-brasileira. P. 122; 163.
18 Lettre de François II au Père Gardien des Cordeliers de Paris (Fontainebleau, 15 août 1560), reproduite dans: Poulenc, J. Tentatives de Nicolas Durand de Villegaignon en vue d'obtenir un envoi de missionnaires en France Antarctique (1560), in: Archivum Franciscanorum historicum, 1967. Vol. 60. P. 404.
conqueste d'vn royaume de quatre aprens»19. L'idée que la fondation de la France Antarctique était une initiative royale et visait les objectifs géopolitiques est développée de nos jours par l'historien américain John McGrath dont la démarche consiste à s'éloigner, dans son analyse, des écrits engagés du XVIe siècle sur le sujet20.
Or, ces écrits engagés sont nombreux. Il ne faut pas oublier qu'à l'époque, l'idée de fonder une colonie outre-mer est indissoluble du devoir d'y propager la religion chrétienne; une conquête du territoire et des âmes est un objectif tout à fait légitime lors des Grandes Découvertes et de la Conquista. Les contemporains qui parlent de l'entreprise de Villegagnon le disent et lui-même le confirme: «i'estoye allé au Brésil, en intention d'y planter la parolle de Dieu»21. Cependant, cette phrase ne précise pas s'il s'agit de la religion catholique ou réformée, ce que les adversaires idéologiques ne manquaient pas d'interpréter dans un sens ou dans un autre.
En outre, dans le cas de Villegagnon, une nouvelle circonstance s'ajoute: on présente la fondation de la France Antarctique comme une réalisation du dessein de créer un lieu de refuge pour les protestants persécutés en France. Cette version est exprimée par les protestants et en premier lieu par Jean de Léry, membre de la colonie à partir du 1557, lorsqu'elle acquiert un caractère nettement calviniste. Le problème est que la situation de 1557 est projetée sur la période antérieure et que le témoignage de Jean de Léry, en dehors de son importance capitale, est très engagé; il écrit sur la France Antarctique vingt ans après la chute de la colonie et sa «bête noire» en est le commandant, Nicolas de Villegagnon. Celui-ci a d'abord manifesté de la sympathie pour le culte reformé,
19 Nicolas Durand. La Suffisance de Maistre Colas Durand, diet Cheualier de Ville-gaignon, pour sa retenue en lestât du Roy. Item L'espoussete des armoires de Vil-legaignon pour bien faire luire la fleur de lis, que l'Estrille n'a point touchée. S. 1., 1561. P. 3. Je tiens à remercier sincèrement Tatiana Debaggi-Baranova qui m'a aidée à accéder au texte de ce document, ainsi qu'aux autres écrits du début des années 1560 concernant Villegagnon.
20 McGrath, J. Polemic and History in French Brazil, 1555-1560, in: Sixteenth Century Journal, 1996. Vol. 27. N. 2. P. 385-397.
21 Les Propositions contentieuses entre le chevallier de Villegaignon, & maîstre Iehan Caluin, concernant la vérité de l'Eucharistie. A la Royne, mere du Roy. S. 1., 1562. P. 4.
mais au cours de son séjour brésilien, il a changé d'avis, est revenu au catholicisme et a combattu lors des guerres de religion contre les protestants les armes à la main. L'enjeu de Léry est de mettre en relief l'hypocrisie et la trahison de Villegagnon qui, d'abord sous prétexte de fonder une colonie outre-mer qui deviendrait un refuge, a gagné les sympathies de Gaspard de Coligny qui a convaincu le roi Henri II. C'est ainsi que Villegagnon a reçu des recours pour l'expédition et la colonie:
L'an 1555 un nommé Villegagnon...fit entendre en divers endroits de royaume de France à plusieurs notables personnages de toutes qua-litez, que dès long temps il avoit non seulement une extrême envie de se retirer en quelque pays lointain, où il peust librement et purement servir à Dieu selon la reformation de l'Evangile: mais aussi il desiroit d'y préparer lieu à tous ceux qui s'y voudroyent retirer pour eviter les persécutions... Et de fait sous ce pretexte et belle couverture, ayant gagné les cœurs de quelques grans seigneurs de la Religion reformée, lesquels menez de mesme affection qu'il disoit avoir, desiroyent toruver telle retraite: entre iceux feu d'heureuse memoire messire Gaspard de Coligny Amiral de France, bien veu, et bien venu qu'il estoit auprès du Roy Henry 2 lors régnant...
Ainsi Villegagnon avec cela avant que sortir de France, ... [fît] promesse à quelques personnages d'honneur qui l'accompagnerent qu'il establiroit le pur service de Dieu au lieu où il resideroit...22
Il est intéressant de remarquer que, dans la version antérieure des faits qui date de 1561, la participation de Coligny n'est pas mentionnée, même si la promesse par Villegagnon de créer un asile outre-mer figure déjà. D'ailleurs, la tonalité de l'exposé laisse entendre au lecteur que cette promesse ne sera pas tenue23.
Ensuite, toujours d'après Léry, feignant d'être protestant fervent, Villegagnon s'est adressé à Calvin pour demander des ministres du culte reformé pour lui et pour ses gens; il les a bien accueillis au Brésil mais a ensuite commencé à les maltraiter, en a persécuté certains jusqu'à la mort, a chassé les autres de la colonie et s'est comporté comme un tyran. Pire encore, il s'est révolté contre a religion reformée et est revenu au
22 Jean de Léry. Le Nouveau Monde. P. 106-107.
23 Histoire des choses mémorables advenues en la terre du Brésil, partie de l'Amerique australe, sous le gouvernement de N. de Villegaignon, depuis l'an 1555 jusques a l'an 1558, in: Nouvelles annales des voyages. 5e série, 1854. Vol. 144. N. 4. P. 198.
«papisme». Comme il a eu peur que les protestants échappés le dénoncent auprès de Coligny, il est revenu en France et, pendant son absence, la colonie a été prise par les Portugais. Bref, c'est Villegagnon — déclare Léry — qui est coupable de la chute de la France Antarctique, de la perte d'espoir d'un refuge (car il a chassé ceux qu'il avait invités lui-même auparavant) et coupable même de la profanation du nom de Coligny car une île dans la baie de Guanabara, où se trouvait la colonie, a été baptisée en l'honneur de l'amiral Coligny et la prise de cette île, aux yeux de Jean de Léry, constituait, parmi d'autres effets désastreux, un grand déshonneur pour le chef des protestants24.
Il faut dire que cette opinion articulée par Léry bien après les faits est entrée en résonance avec les pamphlets du début des années 1560 contre Villegagnon. Comme l'a montré Frank Lestringant, dans cette polémique les protestants agissaient d'un front uni et leurs textes au sujet de la France Antarctique véhiculent la même idée et viennent en appui les uns des autres, contrairement aux opinions catholiques sur la colonie brésilienne25. Ainsi, les tentatives de Villegagnon de se justifier après son retour en France et de lutter contre les protestants avec les mêmes armes, c'est-à-dire des livres et des pamphlets, n'ont pas eu de succès. Dans la perspective historique, la version protestante des faits l'a emporté, et pendant longtemps ce schéma interprétatif a prévalu.
Cependant, on peut y apporter des nuances. La question clé ici est un vrai objectif de l'expédition de 1555. La Réforme était-elle à ce moment cristallisée sur le plan doctrinal au point de dire que Villegagnon, avec ses aspirations spirituelles, était un protestant? Ou peut-être sa nomination à la tête de l'expédition obéissait-elle à une autre logique? Avant 1555, il avait déjà une expérience militaire; étant chevalier de Malte, il avait participé dans une campagne de Charles Quint à Alger. En outre, il était commandant des galères lors du siège de Boulogne par Henri II et ses dernières réalisations avant le départ pour le Brésil concernaient la réorganisation des fortifications de Brest. Le roi l'a alors nommé vice-
24 Jean de Léry consacre un chapitre spécial à la description des faits: Ch. VI. De notre descente au fort de Coligny , en la terre de Brésil: de recueil que nous y flt Villegagnon: et de ses comportements, tant au fait de la Religion qu'autres parties de son gouvernement en ce pays-là. Histoire des choses mémorables advenues 1854. P. 161-196.
25 Lestringant, F. Le huguenot et le sauvage. 69; 97; 161.
amiral de Bretagne. Arrivé sur place au Brésil il a commencé tout de suite à construire un fort et par la suite les attaquants portugais ont tous fait référence à cette «tour inébranlable et une forteresse infranchissable». Il faut aussi rappeler le soutien actif que le roi Henri II a accordé à l'expédition de 1555; deux navires sur trois étaient donnés par lui, ainsi qu'une somme de dix mille livres tournois.
Ces arguments invoqués et développés en détail par l'historien américain Jonh McGrath (auxquels on peut ajouter la déclaration de Villegagnon sur ses mérites militaires26) supposent un objectif plutôt politico-militaire ou géopolitique de la fondation de la colonie27. Selon une autre opinion, partagée par un éminent spécialiste, Thierry Wanegf-felen, ce sont les desseins tout politiques de Coligny, mais d'un Coligny qui n'est pas encore converti au protestantisme28. C'est dans ce contexte qu'on se souvient du fait que le Brésil était déjà fréquenté assez régulièrement par les expéditions commerciales françaises et de là à la colonie permanente il n'avait qu'un pas.
La situation change en 1557. Villegagnon est déjà installé sur une petite île dans la baie de Guanabara et a commencé à construire le fort. Il lui est assez difficile d'organiser la vie de la colonie et de retenir auprès de lui ses troupes qui sont plutôt rebelles et peu motivées à se soumettre à une rude discipline dans un milieu sauvage qui semble libre de contraintes. Une tentation d'aller rejoindre certains Français déjà présents dans les lieux (nommés «truchements», des intermédiaires qui vivaient pendant une certaine période dans les tribus amérindiennes afin d'aider dans le commerce de troc des marchands venus de France) est grande; d'ailleurs, certains de ces truchements se brouillent avec Villegagnon et conspirent contre lui. Un complot de 1556 est découvert29, mais encore en 1558 le chef de la colonie
26 «...L'exercice que j'ai fait en l'art militaire sans reprehension, le meilleur et plus long temps de ma vie...». — Response aux libelles d'injures publiés contre le Chevalier de Villegagnon, dans Histoire d'André Thevet Angoumoisin. C. 269.
27 McGrath, J. Polemic and History in French Brazil. P. 388-391.
28 Wanegffelen, T. Rio ou la vraie Réforme: la France Antarctique entre Genève et Rome, in: Naissance du Brésil moderne, 1500-1808: Colloque de l'Institut de Recherches sur les civilisations de l'Occident, les 4 et 5 mars 1997 en Sorbonne / Éd. K. de Queiros Mattoso. Paris, 1998.
29 Barré, N. Copie de quelques lettres. P. 382-384.
soupçonne «certains banniz truchemens» d'agiter les colons et les Indiens des alentours30.
Pour lutter contre les mécontents, Villegagnon durcit la discipline, ce qui provoque davantage d'ennuis. Il tente d'obtenir des renforts de la part du roi et envoie son neveu à la cour mais sans succès. En 1557, Gaspard de Coligny joue un rôle très actif. C'est lui qui lance un appel aux protestants et qui fournit les ressources pour armer trois navires. Maintenant, parmi les nouveaux colons, il y a des protestants et même des ministres du culte reformé envoyés par Calvin lui-même. Jean de Léry, qui est alors un jeune cordonnier, fait partie de l'expédition. Lorsque vingt ans après Jean de Léry parle de la France Antarctique, il insiste sur le fait que Villegagnon a écrit du Brésil une lettre à Calvin pour lui demander des ministres protestants31. Après la chute de la colonie Villegagnon a énergiquement nié cette initiative, assurant qu'il avait seulement répondu à la lettre de Calvin:
[un menteur] m'accuse d'avoir demandé à Calvin par mes lettres, ministres de sa secte, s'il est ainsy, Calvin luy fera bien plaisir de l'en servir, pour m'en faire honte: mais je ne le tiens pas encore si perdue, qu'il die avoir jamais eu letres de moy, sinon plus de dix huit mois mois après que je fus au Brésil, en response de celles qu'il m'écrivit m'envoyant ses hommes32.
30 Les Propositions contentieuses entre le chevallier de Villegaignon. P. 7.
31 Cf. une rubrique spéciale de la préface de Jean de Léry: «Teneur de la lettre de Villegagnon envoyée de l'Amérique à Calvain». Jean de Léry. Le Nouveau Monde. P. 67-73.
32 Response aux libelles d'injures publiées contre le Chevalier de Villegagnon, in: Histoire dAndré Thevet Angoumoisin, cosmographe du Roy, de deux voyages par luy faicts aux Indes australes et occidentales / Éd. J.-C. Laborie, F. Lestringant. Genève, 2006. P. 269.
De leur côté, les protestants ne cessent pas de dénoncer l'absence de «honte et de modestie» dans la négation faite par Villegagnon d'avoir demandé des ministres à Calvin: «Quant aux lettres que tu as escriptes à Caluin, ie n'ay pas dict que par icelles tu ayes demandé Ministres pour aller au Brésil (car ie scay qui tu supplias pour les pouuoir obtenir, y ayant plus de credit que toy, & lequel neantmoins tu penses iniu-rier, quant tu le dis estre de mesme Chaleur que Caluin) mais bien ay-ie dict que tes lettres audict Caluin, en quelque temps que tu les ayes escriptes, estoyent pleines de ses louanges: ce que tu ne peux nier sans rougir, si tu as encore retenu quelque reste de honte & de modestie». — L'Amende honorable de Nicolas Durand, surnommé le Cheualier de Villegaignon. S. 1., 1561. P. 7-8.
Dans un autre écrit qui date de 1561 Villegagnon affirme que c'est Calvin qui a pris l'initiative de s'adresser à lui33.
Quoiqu'il en soit, Villegagnon accueille chaleureusement les nouveaux venus et pendant un certain temps, la vie interne de la colonie est très protestante: on célèbre la Cène selon le culte reformé, les ministres ont la liberté de faire des sermons publics; ils prêchent deux heures le dimanche et une heure tous les autres jours de la semaine. Ensuite la bonne entente disparaît et le conflit éclate au moment de la seconde Cène brésilienne, à la Pentecôte suivante: Villegagnon s'oppose alors aux ministres sur la question de la présence réelle ou symbolique du Christ et se montre partisan de l'idée de la présence réelle corporelle:
Mené qu'il [Villegagnon] estoit au reste d'un esprit de contradiction, ne se pouvant contenter de la simplicité que l'Escriture saincte monstre aux vrais Chrestiens devoir tenir touchant l'administration des Sacremens: il advint le jour de Pentecoste suyvant, que nous fismes la Cene pour seconde fois, lui (contrevenant directement à ce qu'il avoit dit, quand il dressa l'ordre de l'Eglise: assavoir...qu'il voulait que toutes les inventions humaines fussent rejettées)...il affermoit et vouloit qu'on creust que le pain consacré profitoit autant au corps qu'à l'âme...34
Les Genevois protestent contre cette interprétation et défendent une conception purement spirituelle du sacrement. Comme les deux parties ne peuvent pas trouver un accord, on décide d'envoyer un pasteur vers Calvin pour avoir son jugement. Le conflit avec les réformés s'aggrave: ils parlent d'une «révolte de l'esprit» chez Villegagnon et prétendent que le changement s'est produit sous l'influence de lettres reçues de la part du cardinal de Lorraine. Villegagnon déclare ouvertement qu'il a changé l'opinion qu'il avait de Calvin et le qualifie de «meschant heretique des-voyé de la foy»35. Les protestants sont chassés de la colonie et passent des
33 «Lecteur Chrestien, sçachant maistre Iehan Caluin, que i'estoye allé au Brésil, en intention d'y planter la parolle de Dieu, meu de nostre ancienne cognoissance, m'en-uoya tant en son nom, que delà ville de Genesue, des Ministres de sa doctrine, des plus sçauans qui se peuuent trouuer, auec quelques artisans, lesquels vindrent muniz de tous les liures dudict Caluin et des aultres qu'ils sçauoient leur estre à propos...». (Les Propositions contentieuses entre le chevallier de Villegaignon, & maîstre Iehan Caluin, concernant la vérité de l'Eucharistie. A la Royne, mere du Roy. S. 1., 1562. P. 4).
34 Jean deLéry. Journées d'études.P. 183-184.
35 Jean deLéry. Journées d'études.P. 186.
mois à attendre un navire pour revenir en Europe. Pendant cette période, Villegagnon ne cesse de les empêcher de pratiquer leur culte et Jean de Léry décrit «une trahison qu'il nous avait brassé»36. Lorsqu'un capitaine de navire accepte finalement de transporter les réformés, certains d'entre eux ont peur de la longue traversée sur un bâtiment en mauvais état et sans suffisamment de vivres. Ils décident de retourner chez Villegagnon qui les perçoit comme des espions et exécute trois d'entre eux: selon ses propres explications, il leur a proposé d'abord d'abjurer car il n'était pas «pour souffrir deux religions en [sa] compaignie», puis leur a ordonné «de ne dogmatiser, ne parler de leur doctrine à [ses] gens, ne empescher l'affection qu'ils douoient porter [à Villegagnon] sur peine de leur vie». Villegagnon insiste sur le fait que ces conditions n'ont pas été respectées et que les protestants revenus menaçaient de soulever les Amérindiens contre lui: «Cela entendu, ie les [protestants] feiz appeler en mon isle, & le procès... faict, ie les feiz noyer... Cela faict aisement ie contins mes gens en craincte, & obeissance»37. Les protestants ainsi persécutés sont devenus pour leurs coreligionnaires des premiers martyrs d'Amérique38. Quant à Villegagnon, il rentre en France en 1559 pour ne plus revenir dans sa colonie qui devait tomber aux mains de l'ennemi un an plus tard.
Les explications de cette évolution religieuse chez Villegagnon dans les sources d'époque proviennent toutes des sources confessionnelles du début des années 1560 et sont donc attaquables sur ce point. Il s'agit encore une fois de projeter une telle ou telle situation concrète sur la période antérieure, ne serait-elle séparée dans le temps que de quelques années. Cependant, quelques chercheurs voient dans la conduite apparemment inconséquente de Villegagnon des éléments d'une cohérence relative. En analysant la doctrine politique et religieuse du chef de la colonie, on constate que l'unité de religion (et le refus de tolérer «deux religions en ma compagnie»), aussi bien que la prédominance du magistrat sur le ministre (dont le procès sur les trois protestants revenus) et la
36 Jean de Léry. Journées d'études.P. 505.
37 Les Propositions contentieuses entre le chevallier de Villegaignon. P. 7.
38 Jean Crespin. Histoire des martyrs: persecutez et mis à mort pour la vérité de l'Evangile, depuis le temps des Apostres jusques à l'an 1597 comprinse en douze livres, contenant les Actes memorables du Seigneur en l'infirmité des siens, non seulement contre les efforts du monde, mais aussi contre diverses sortes d'assaux et heresies monstrueuses. Genève, 1597. C. 413-418.
discipline imposée aux colons qu'il fallait «tenir en crainte et obéissance» n'ont pas changé39. Par ailleurs, pour analyser les motifs de la rupture avec Calvin, il faut veiller à éviter l'anachronisme. C'est ainsi que Thierry Wanegffelen appelle à reconnaître l'incertitude et souligne qu'on peut parler seulement en termes de conjectures, plus ou moins plausibles40. Il formule trois versions possibles des faits.
La première est que Villegagnon a bien été attiré par la Réforme, mais que ses préférences allaient plutôt vers le luthéranisme. Dans cette première hypothèse, une place importante est attribuée à l'opportunisme du personnage qui l'aurait poussé à intégrer des éléments catholiques à la doctrine luthérienne41. Cette analyse a été proposée par Frank Lestrin-gant qui souligne la continuité des liens qui unissaient Villegagnon et la Réforme allemande après la chute de la «France Antarctique»42.
La deuxième hypothèse est celle qui est plus propre à Thierry Wanegffelen et à sa formule «Ni Rome ni Génève». Il parle de Villegagnon comme d'un «moyenneur» qui cherche par tous les moyens quelque voie moyenne entre les solutions radicales confessionnelles. Dans cette hypothèse, le chef de la France Antarctique aurait voulu créer dans sa colonie une Eglise pour tous les chrétiens, mais le radicalisme des réformés se serait opposé à ce projet, d'où la réaction de Villegagnon. Thierry Wanegffelen voit même un parallèle entre Villegagnon et cardinal Charles de Lorraine d'avant le colloque de Poissy: les deux sont amenés à durcir leurs positions par l'intransigeance des opposants, car la logique de la construction confessionnelle exige de formuler un choix bien net43.
La troisième hypothèse vient en complément de la seconde, même si elle peut paraître peu vraisemblable. Villegagnon acceptait bien la Cène reformée, ce qui ne signifiait pas pour lui une réelle adhésion au calvinisme. Dans cette partie de sa réflexion, Thierry Wanegffelen évoque «plusieurs cas de la même époque» qu'il a rencontrés et qui évoquent des situations similaires — une Cène reformée est perçue comme une messe
39 Lestringant, F. Le huguenot et le sauvage. P. 55.
40 Wanegffelen, T. Rio ou la vraie Réforme. P. 165-166.
41 Wanegffelen, T. Rio ou la vraie Réforme. P. 167.
42 Lestringant, F. Tristes tropistes: Du Brésil à la France, une controverse à l'aube des guerres de religion, in: Revue de l'histoire des religions. P. 267-294. 269; 294.
43 Wanegffelen, T. Rio ou la vraie Réforme. P. 168-169.
catholique mais conforme à l'idéal de la Reforme qui est partagé par de nombreux chrétiens44.
A toutes ces tentatives d'interprétation des faits s'ajoutent les particularités propres au caractère de Villegagnon — ambitieux et certainement autoritaire comme le serait tout chef militaire dans les conditions d'une forteresse assiégée. Les querelles religieuses sur une petite île dans un milieu sauvage et hostile ne pouvaient qu'affaiblir la colonie. Comme résultat, un des participants au disputes sur la Cène est devenu un transfuge; il s'est échappé de la colonie pour aller trouver les Portugais et leur transmettre toutes les informations sur la France Antarctique. C'est avec ces informations que les Portugais sont venus assiéger et prendre la colonie française45.
La perte de la colonie brésilienne n'a pas manqué de susciter une avalanche de reproches et d'accusations mutuelles. Villegagnon, en s'adres-sant à Coligny, soulignait «le dommage & perte, que i'ay repceu par les ministres de ceste doctrine, ayant empesché mon entreprinse au Brésil, si heureusement commencée, que vous auez bien seu, et a si grands frais, & travaulx de moy & des miens»46. Jean de Léry affirmait que «Villegagnon est pour seule cause les François n'ont point anticipé et ne sont demeurez en ce pays-là» et que la «révolté de Villegagnon [était] cause que l'Amérique n'est habitée par les François»47. L'histoire de la France Antarctique, des disputes théologiques qui y ont eu lieu et les interprétations des paroles et des gestes ont à tel point occupé les esprits que pour la seule
44 Wanegffekn, T. Rio ou la vraie Réforme. P. 174.
45 Sur l'histoire de ce transfuge, Jean Cointa, et ses propres explications des faits voir: Okouneva, 0. Predateli i predatel'stvo vo frantsuzskoi Brazilii XVI-natchala XVII w, in: Predatel'stvo. Opyt istoritcheskogo analiza / Éd. K. A. Levinson. Moscou: Institut d'histoire universelle, 2012. P. 221-226 [Original title: Предатели и предательство во французской Бразилии XVI — начала XVII в., в кн.: Предательство: Опыт исторического анализа / Под ред. К. А. Левинсон. М.: Институт всеобщей истории, 2012. С. 221-226]. Sur le rôle de ce personnage dans les débats théologiques au Brésil et la présentation des faits par Villegagnon et les calvinistes voir: Lestringant, F. Tristes tropistes. P. 274-279.
46 «A illustre, haut et puissant Gaspar de Couligny, seigneur de Chastillon sur loing, Almiral de France», dans Les Propositions contentieuses entre le chevallier de Ville-gaignon. P. 13.
47 Jean de Léry. Journées d'études.P. 507.
année 1561 les chercheurs connaissent 26 ouvrages relatifs à l'affaire48. L'histoire a continué, avec comme étapes la publication de l'»Histoire des martyrs» de Jean Crespin en 156449, la parution de l'»Histoire d'un voyage en la terre du Brésil» de Jean de Léry en 1578 et des rééditions de ce livre; en 1585 et en 1599 on y continuait de dénoncer «un Traître [qui] a le Brésil ôté //Au Français, prodiguant sa foi», aussi bien que le «Traître à Dieu et à son Roi»50.
Après la chute de la «France Antarctique» des tentatives protestantes de fonder un asile outre-mer ont continué mais sans succès51. Cependant, l'histoire de la colonie brésilienne, prologue des guerres de Religion en France, n'a pas été oubliée même après la pacification du royaume. Au début du XVIIe siècle, lorsqu'une seconde colonie française au Brésil dut s'installer dans la région de Maranao (au nord du Brésil contemporain), le commandement en fut confié à un protestant, Daniel de La Touche de La Ravardière, mais un protestant irremplaçable, un excellent connaisseur de région. Pour le récompenser, on l'a obligé de prendre avec lui des capucins qui ont laissé des témoignages importants sur cette colonie. Lors de la préparation de l'expédition, un observateur anonyme notait: «Je crois que ce qu'il leur faut le plus craindre c'est la désunion entre eux»52. Cependant malgré l'antipathie que La Ravardière éprouvait à
48 Lestringant, F. Tristes tropistes. P. 277. N. 25.
49 Cet ouvrage a été parmi ceux qui ont lancé «une guerre des martyrs...que se livraient, par martyrologues interposés, les églises protestante et catholique». Lestringant, F. Les représentations confessionnelles du Brésil en France : de la France antarctique à la Révocation de l'Edit de Nantes, in: Le Brésil, l'Europe et les équilibres internationaux, XVI'-XX' siècles /Éd. K. Queiros Mattoso, I. Muzart-Fonseca dos Santos, et al. Paris, 1999. P. 68.
50 Ces formules proviennent des sonnets qui accompagnaient les éditions successives du livre de Léry: Anonyme [Pierre Poupo?]. AJean de Léry (1585), dans L'Amérique et les poètes français de la Renaissance / Ed. R. Le Moine. Ottawa, 1972. P. 169.
51 Sur une colonie protestante en Floride voir Lestringant, F. Le huguenot et le sauvage. P. 227-310; Lestringant, F. Genève et l'Amérique: le rêve du Refuge huguenot au temps des guerres de Religion (1555-1600), in: Revue de l'histoire des religions, 1993. Vol. 210. N. 3. P. 331-347; Lestringant, F. Geneva and America in the Renaissance: the Dream of the Huguenot Refuge 1555-1600, in: Sixteenth Century Journal, 1995. Vol. 26. N. 2. P. 285-295.
52 II s'agit d'un aussi nommé «manuscrit de Turin», reproduit dans: Pianzola, M. Des Français à la conquête du Brésil (XVIIe siècle): Les perroquets jaunes. Paris, 1991. P. 47.
l'égard de ses compagnons ecclésiastiques et qui se note dans sa correspondance particulière53, ni lui, ni eux ne se sont permis un moindre geste public susceptible de provoquer un débat théologique dans la colonie. La leçon de la France Antarctique avait été bien apprise: un conflit religieux aurait été désastreux pour la France et une querelle religieuse au sein de la colonie française au Brésil ne pouvait conduire qu'à la catastrophe. Si la France Equinoxiale a vécu encore moins longtemps que la France Antarctique, son échec n'est en rien lié au facteur religieux.
Information on the article / Информация о статье
Okouneva 0. La «France Antarctique» au Brésil: Le prologue des Guerres de Religion en France?, in: Proslogion: Studies in Médiéval and Early Modem Social History and Culture. 2106. Vol. 1(13). P. 293-314.
Ольга Окунева
к.и.н., доктор, Университет Париж IV Сорбонна (75230, Франция, Париж, 1 ул. Виктора Куси); научный сотрудник, Институт всеобщей истории РАН (119334, Россия, Москва, Ленинский пр., 32 а)
olga.okunevaQjgmail.com
УДК 94 (44)
«Антарктическая Франция» в Бразилии: Преддверие Религиозных войн во Франции?
Статья посвящена истории первой французской колонии в Бразилии, известной под названием «Антарктическая Франция» (1555-1560), которая оказалась тесно связанной с противостоянием католиков и гугенотов и гражданскими войнами во Франции. Религиозные разногласия и последовавшие за ними конфликты ослабили колонию и в значительной степени способствовали ее падению и разрушению португальцами. Сценой для подобного противостояния католиков и гугенотов стала не Европа, а Новый Свет и, в частности, Бразилия, уже известная к тому времени французским путешественникам. Особенностью «Антарктической Франции» стало то,
53 Un aveu que La Ravardière fait dans une lettre à Ph. Duplessis-Mornay, écrite peu de temps après l'arrivée de l'expédition au Maranao, est encore le faible reflet de cette antipathie: «Je croie que vous aurez su la façon et avec quel regret je me suis embarqué pour venir ici, et les instances que je fis pour n'amener point de gens d'Eglise, sur l'avis que j'avais de plusieurs lieux de la prise de ce lieu, quoique j'eusse reçu un nouveau commandement de la Reine pour les mener...». — Lettre de D. de La Touche, sieur de La Ravardière à Ph. Duplessis-Mornay; Saint Louis de Mara-gnan, 25 novembre 1612, dans Sur la France équinoxiale [Sobre a França equinocial] / Éd. N. Fornerod, G. Beugnon, et al. Sào Luis, 2001. P. 36.
что религиозные противоречия оказались тесно связаны с «политической» историей колонии, в которой нашлось место заговору, предательству и казням; тем самым конфликт, порожденный идейным противостоянием, принял столь конкретную форму в тот момент, когда в самой Франции события еще не приняли драматического оборота. Вместе с тем автор подчеркивает, что урок «Антарктической Франции» оказался выучен: обе стороны признали, что религиозный конфликт губителен для метрополии, но в заморской колонии он прямиком ведет к катастрофе. После падения «Антарктической Франции» протестанты предприняли еще несколько попыток основать заокеанское убежище, которые, впрочем, также не увенчались успехом, однако уже не по причинам религиозных разногласий.
Ключевые слова: Колониальная политика Франции, XVI столетие, «Антарктическая Франция», Бразилия, католики, гугеноты, Португальская корона, Религиозные войны.
Olga Okuneva
Doctor in history, Paris-Sorbonne University (1 rue Victor Cousin 75230 Paris), Institute of Universal History of the Russian Academy of Sciences (119334, Rossiya, Moskva, Leninskiy prospekt, 32 a)
olga.okuneva@jgmail.com
The "Antarctic France" in Brazil: The prologue to the Wars of Religion in France?
The article is devoted to the history of the first French colony in Brazil, known as the "Antarctic France" (1555-1560), which was closely tied to the confrontation between the Catholics and the Huguenots and the Civil wars in France. Religious differences and the subsequent conflicts weakened the colony and greatly contributed to its decline and destruction by the Portuguese. The scene for this confrontation between the Catholics and the Huguenots was not Europe, but South America and, in particular, Brazil, that French travelers had already known by the time. The character feature of "Antarctic France" was a religious controversy closely linked to "political" history of the colony, where conspiracy, treachery, executions took place. Thus, the conflict born due to ideological confrontation had become a religious before events in France took a dramatic turn. However, the author stresses that the lesson of "Antarctic France" was learned: both sides acknowledged that religious conflict were detrimental to the France, but in the colonies led straight to a disaster. After the fall of the "Antarctic France" the Protestants made several more attempts to establish overseas asylum, that, however, also failed in the 17th century, but because of religious controversies.
Keywords: Colonial policy, history of France, the 16th century, Antarctic France, Brazil, Catholics and Huguenots, Portuguese crown, the Religious wars.
Список источников и литературы / References
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SUPPLÉMENT
David Potter
LA COUR DE FRANCE SOUS HENRI III VUE PAR UN ANGLAIS (1584-1585)
En 1988 j'ai publié un document1 relatif à la cour de France au moment où celle-ci subissait des changements importants pendant les années 1580. Il provenait des informations recueillies par Richard Cooke qui avait vécu en France à cette époque, pendant l'ambassade de Sir Henry Cobham. C'est probablement durant son séjour qu'il a collaboré avec Robert Cecil pour la compilation de quelques «traités» des affaires de France que j'ai également publiés en 20042. En octobre 1584, il dédia au comte de Derby, sur le point de partir comme ambassadeur extraordinaire afin de présenter l'ordre de la jarretière au roi de France, une longue collection de textes en Français parmi lesquels figurait une «description» de la cour de France. N'ayant pas reçu les bienfaits espérés, il rédigea une version anglaise et la présenta au baron Cobham, le père de l'ambassadeur qu'il avait servi, en février 1585. C'est le document que j'ai publié en 1988. Je présente ici le texte d'octobre 1584, en espérant qu'il apportera des informations de valeur aux lecteurs français. Il3 décrit l'état de la cour de France entre 1579 et 1583 et a probablement été achevé entre 1583 et octobre 15844. Il est complémentaire des règlements de la
1 An Englishman's view of the court of Henri III, 1584-85: Cook, R. An Englishman's view of the court of Henri III, 1584-85, in: French History, 1988. Vol. 2. N. 3. P. 312-344.
2 Foreign Intelligence and Information in Elizabethan England: Two English Treatises on the State oance, 1579-84 / Ed. by D. Potter. Cambridge, 2004.
3 Folger Shakespeare Library, MS V.a.146.
4 Plusieurs indices poussent à cette conclusion: la mention de la mort de Mme de Dampierre, survenue en 1583 ; la nomination de Cheverny comme chancelier de France en novembre 1583; le renvoi de Videville comme intendant des finances en septembre 1584; la lettre de dedication d'octobre 1584.
© David Potter, 2016