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Serge Brunet
CONSISTOIRES CALVINISTES ET CONSULATS MÉRIDIONAUX DANS LES PREMIERS AFFRONTEMENTS RELIGIEUX
(1560-1562)
Le Midi du royaume de France a été perçu comme «la terre d'élection du calvinisme»1. L'identification de ce «croissant réformé dont les cornes seraient Lyon et La Rochelle» conserve cependant une dimension téléo-logique. Nous choisissons d'interroger le cadre administratif, législatif et coutumier de ce Midi français qui accueille le «croissant réformé». C'est essentiellement à l'échelle des communautés d'habitants que nous porterons notre attention. Cette position doit nous permettre de mieux comprendre les modalités de l'installation des communautés réformées et la rapidité de leur mobilisation lors des affrontements majeurs qui précèdent le massacre de Wassy (1er mars 1562), selon une chronologie qui permettait de reporter la responsabilité du déclenchement des guerres de Religion sur François de Guise2.
«Laisser courir la parole» (Luther) ou bien préparer la prise du pouvoir?
Biaise de Monluc, Antoine de Noailles, gouverneur de Bordeaux, mais aussi Guillaume de Joyeuse, lieutenant du gouverneur en Languedoc, sont perçus comme autant de Cassandre lorsqu'ils préviennent la cour de France complots protestants3. Philip Benedict a retracé les levées de troupes par les Eglises réformées à la fin de l'année 1561. Il les considère consécutives à la demande qui leur a été faite par Théodore de
1 Garrisson, J. Protestants du Midi 1591-1598. Toulouse, 1991. P. 7.
2 Durot, E. François de Lorraine: Duc de Guise entre Dieu et le roi. Paris, 2012. P. 688-703.
3 Estarague, N. Guillaume de Joyeuse, lieutenant du gouverneur de Languedoc, face au déclenchement des guerres de Religion (1559-1563): Mémoire de master 2. Montpellier, 2012., que nous remercions pour sa contribution à cette étude.
© Serge Brunet, 2016
Bèze et les députés réformés, quelques mois auparavant, de solliciter des lieux de culte. Cette chronologie ne peut pas s'appliquer au Midi où, dès l'année précédente, les réformés s'emparent des églises et procèdent à une première levée, coordonnée, de soldats. Les sources locales, comme les lettres de Guillaume de Joyeuse conservées à la Bibliothèque nationale de Russie, le confirment. C'est alors dès le 1er mars 1560, au moment de la conjuration d'Amboise, et non pas le 16 mars 1562, avec le massacre de Wassy, que commencent les affrontements religieux dans un large Midi.
Lever des soldats pour la conjuration d'Amboise
Le contexte est d'abord celui de la fin difficile des guerres d'Italie dont les dernières années ont été l'occasion d'une étonnante extension des Eglises calvinistes en France, particulièrement dans le Midi. Les échanges épistolaires autour du connétable Anne de Montmorency, conservés notamment dans le fonds Lamoignon des Archives nationales de Russie, témoignent de l'inquiétude grandissante des chefs militaires devant l'agitation religieuse, et de l'insistance avec laquelle Paul IV réclame la poursuite des protestants jusqu'à la cour4. Henri II l'a bien compris : il faut cesser la guerre afin de régler le problème de l'extension de l'hérésie.
Un second aspect de ce contexte, injustement négligé, est extérieur à la France. Il s'agit de l'échec de Jean Calvin dans son projet d'étendre sa réforme dans l'ensemble de la confédération helvétique, durant les années 1530-1549. Cette déconvenue l'amène à se tourner résolument vers sa patrie : la France. C'est vers elle que les réfugiés religieux français de Lausanne et du pays de Vaud vont désormais se diriger massivement5.
Même si Calvin et Théodore de Bèze se gardent bien de la soutenir ouvertement, la conjuration d'Amboise n'en demeure pas moins une tentative avortée de soulèvement des Eglises calvinistes renforcées par des troupes stipendiées. Des études attentives sur l'emploi des troupes en temps de guerre, à partir des montres et de différentes comptabilités, ne peuvent pas rendre compte des modalités de levées d'hommes d'armes
4 Philibert Babou de La Bourdaisière, cardinal-évêque d'Angoulême, à Henri II, 8 juillet 1559 (Archives nationales de Russie. Moscou. Fonds Lamoignon. Vol. 57. F0142).
5 Bruening, M. W., Enckell, M. Le premier champ de bataille du calvinisme: Conflits et réforme dans le Pays de Vaud, 1528-1559. Lausanne, 2011.
dans ces premiers temps des guerres6. Tant les milices des Eglises réformées que celles des premières ligues catholiques sont rassemblées (ces dernières dans un cadre confraternel) sans recourir à l'étape ou à des financements spécifiques, échappant ainsi à la sagacité de l'historien. Pour ajouter à l'enfumage, les actions de ces rustres des «communes», ne sont pas jugées «dignes de l'histoire» (Agrippa d'Aubigné) et sont aussi souvent passées sous silence par les annalistes. Elles n'en sont pas moins essentielles.
Ce sont ces communes qui avaient procédé à la levée des légionnaires, troupes également négligées par les historiens. Par une ordonnance du 21 juillet 1534, François Ier avait créé sept légions qui portaient le nom des grandes provinces du royaume où elles étaient recrutées. Elles étaient composées d'anciens francs archers et de miliciens des paroisses et devaient marcher de pair avec les bandes, noyau principal de l'armée. Mais, leur valeur ayant été rapidement mise en doute, elles avaient été supprimées à la mort de leur fondateur. On les avait pourtant rétablies une dizaine d'années plus tard, ce qui leur avait valu d'être exterminées à la bataille de Saint-Quentin (10 août 1557). Restaurées par Henri II (22 mars 1558), la plupart ne survivent pas aux premières guerres civiles. Cependant, celles de Languedoc et de Guyenne durent plus longtemps et, surtout, il faut remarquer que ses capitaines (Monluc, Duras, Tilladet, Fontrailles, Des Adrets, etc.) qui sont donc familiers de la conduite des miliciens, jouent un rôle déterminant dans la constitution des premières troupes des Eglises calvinistes et des ligues catholiques7. Le baron Des Adrets lève ainsi 4000 légionnaires en Dauphiné, destinés au théâtre italien. La paix ne justifie plus leur envoi outre monts. Ils constitueront alors sa fameuse force militaire, terriblement efficace8. Brantôme a rappelé combien les capitaines calvinistes avaient su utiliser les anciens soldats d'Italie.
6 Souriac, P.-J. Une guerre civile. Affrontements religieux et militaires dans le Midi toulousain (1562-1596). Seyssel, 2008.
7 Brunei, S. De l'Espagnol dedans le ventre!: Les catholiques du Sud-Ouest de la France face à la réforme (vers 1540-1589). Paris, 2007. P. 225-228.
8 Charles de Cossé-Brissac à Henri II, 14 avril 1558 (Archives nationales de Russie. Moscou. Fonds Lamoignon. Vol. 59. F. 33). Le baron Des Adrets s'était battu en Piémont. En 1558, il est colonel des légions du Dauphiné, Provence, Lyonnais et Auvergne.
La plupart des conjurés d'Amboise étaient des Gascons. Hubert Languet et Théodore de Bèze écrivent à Calvin que les édits royaux de pacification et de restitution ne pourront pas être respectés par ces derniers9. En Guyenne, mais aussi en Languedoc et en Provence, la Réforme prend rapidement un caractère agressif. Jean Du Barry, seigneur de La Renaudie, ce gentilhomme périgourdin qui décide, dès septembre 1559, de coordonner l'action, portera la responsabilité alors que Louis de Condé est ce «capitaine muet» dont il se réclame10. Le «Tumulte d'Amboise» est décidé le 1er février à Nantes et les enquêtes qui suivent son échec démontrent les vastes ramifications du complot : Lyonnais, Dauphiné, Bretagne, Anjou, Touraine, Poitou, Normandie, Picardie, Île-de-France, Brie, Bourgogne, Champagne et, au sud du royaume : Périgord, Limousin, Saintonge, Gascogne, Béarn, Provence et Languedoc. Des opérations étaient prévues à Lyon et, quelque temps avant, Guillaume de Joyeuse dénonçait des achats d'armes à Nîmes et Montpellier. Il avait rapidement perçu combien Nîmes était «le réceptacle de tous les séditieux et le «vray lieu où ils recepvent leurs loix»11. La Renaudie s'était occupé des recrutements à Lyon et en Périgord, alors que Charles de La Garaye s'occupait de la Bretagne et Ardoin de
9 «Istis edictis (restitutionis templorum) audio non comprehendi Vascones, quia sunt gubernatores ipsos obtemperaturos» écrit le juriste réformé Languet. «In Aquitania spero fore ut nihil mutetur», écrit Bèze (Joannis Calvini opéra quae supersunt omnia. Brunswick, 1863-1900. Vol. 19. P. 88. N. 4. Bourrilly, V. L. Les préliminaires des guerres de religion en France. Paris, 1897. 393-417; 584-608; 617-647. P. 596.
10 Louis Régnier de La Planche. Histoire de l'Estat de France, tant de la république que de la religion sous le règne de François II (1576) / Éd. J. A. C. Buchon. Paris, 1836; de Bourdeille, seigneur de Brantôme, P. Les vies des grands capitaines françois, in: Œuvres complètes. Vol. 4. P. 340; Romier, L. La conjuration d'Amboise: L'aurore sanglante de la liberté de conscience [et] le règne et la mort de François II. Paris, 1923; Brown, E. A. R. La Renaudie se venge: L'autre face de la conjuration d'Amboise, in: Publications de l'Ecok française de Rome Année, 1996. Vol. 220. N. 1. P. 451-474; Vivanti, C. La congiura di Amboise, in: Publications de l'Ecole française de Rome Année, 1996. Vol. 220. N. 1. P. 39-50.
11 Joyeuse à François II, 26 avril 1560 (Bibliothèque nationale de Russie, publié par Edouard de Barthélémy: Correspondance inédite du vicomte de Joyeuse, lieutenant général pour le roi en Languedoc: Publiée pour la première fois d'après les manuscrits autographes conservés à la bibliothèque de l'empereur de Russie / Éd. É. de Barthélémy. Paris, 1876. P. 28.
Porcelet, seigneur de Maillane, de la Provence et du Languedoc. Mais comment payer tous ces soldats?
En Provence, les premiers affrontements avaient commencé à Castel-lane, où le ministre qui avait été appelé par les frères Richieu de Mauvans était lynché. La conjuration d'Amboise permettra aux réformés de se venger. Maillane avait réuni à Mérindol les représentants de 60 églises réformées qui, le 12 février 1560, avaient élu Paul de Mauvans «chef et conducteur de leurs gens de guerre» qui s'élèveront à 2000 hommes. Il avait également convaincu le consistoire d'Aix de dépêcher des représentants à la «diète» de Nantes et, en son absence, il avait laissé le capitaine Chasteauneuf poursuivre les levées en Provence alors qu'il se rendait à Nîmes. Au moment où les conjurés manquent leur coup sur les bords de la Loire, Paul de Mauvans échoue dans sa tentative pour s'emparer d'Aix-en-Provence et de Pertuis. Il choisit alors de se jeter sur la Haute-Provence en massacrant les clercs et en saccageant les églises. En face, les paysans catholiques s'arment pour lui résister, et l'on peut donc dire qu'à l'automne 1560 la guerre a commencé12.
En février 1560, en Bazadais, les habitants de Monségur, qui avaient chassé les commissaires enquêteurs envoyés par le parlement de Bordeaux proclamaient la «commune». Au printemps suivant, favorisée par les prédications de Boisnormand, c'est une révolte à tonalité anabaptiste qui se répand sur la moyenne Garonne, aboutissant, par une opération concertée des consistoires, à l'assassinat du baron de Fumel (24 novembre 1561)13. En Bas-Languedoc, les «briseurs dimages autels croix et autres» s'emparent des églises et en chassent «les evesques, chanoines, prestres, nonnains et religieux». Antoine de Crussol ordonne de les réintégrer et de leur restituer leurs biens14. En octobre, Honorât de Savoie- Villars,
12 Arnaud, E. Histoire des protestants de Provence, du Comtat Venaissin et de la principauté d'Orange. Paris, 1884. Réédition Arnaud, E. Histoire des protestants de Provence, du comtat Venaissin et de la principauté d'Orange. Genève, 1979. Vol. 1. P. 117-125; Lambert, G. Histoire des guerres de religion en Provence, 1530-1598. Toulouse, 1870. Réédition Lambert, G. Histoire des guerres de religion en Provence: 1530-1598. Nyons, 1972.
13 François Le Guay, dit La Pierre, sieur de Boisnormand, était un lettré et humaniste originaire de Normandie. En septembre 1557, il avait quitté Genève pour venir installer la Réforme en Béarn, puis à Nérac et Condom.
14 Antoine de Crussol à Catherine de Médicis, 15 janvier 1561 (BnF. Fr. 3186. F.°25).
lieutenant général en Languedoc, s'efforce de pacifier des premiers troubles.
Après l'échec des opérations d'Amboise et de Provence, en août et septembre 1560, Montbrun et Mauvans tentent encore de s'emparer de Lyon. Grâce, notamment, au financement de Nîmois, des armes sont achetées et entreposées dès les mois de mai-juin et, au tout début de septembre suivant, plus d'un millier de soldats levés et armés par les Eglises en Bas-Languedoc. Ceux-ci font mouvement de Montpellier et Nîmes vers Lyon15. Dès le 16 du mois, «cuidant que leur entreprinse deust bien réussir, et s'en sont retournés en leurs maisons paisiblement comme s'ils venoient de faire service au Roy; les conducteurs nous sont bien cogneus en ce pays et ceulx qui les fraient» écrit Joyeuse au connétable. Il s'agit bien là des milices des Eglises du Bas-Languedoc et Joyeuse a l'assurance que, parmi ceux qui ont payé et procédé à cette levée, «il y en a de bien congneu qui sont esté à la faction d'Amboyse et encore ont mené gens à Lyon». Faisant suite à la demande du roi qui veut connaître toutes les ramifications de l'affaire d'Amboise, Joyeuse enquête sur les meneurs et il identifie les capitaines des milices des consistoires, qui sont «quelques gentilshommes des pays de petit lieu qui se sont rendus ausdites villes [de Nîmes et de Montpellier, pour constituer la troupe destinée à Lyon] avec nombre de soldats portant armes et se rendant comme gouverneurs des villes, auxquels le popular a ja quelque obéissance»16. Il révèle encore que, depuis les mois de mai-juin, Montbrun envoie des émissaires (notamment un gentilhomme voisin de Nîmes et un membre de son pré-sidial) aux Eglises de Guyenne17. Ces liens démontrent déjà une action concertée entre les synodes de Provence, du Dauphiné, de Languedoc
15 Un seul Nîmois, qui se fait appeler Bois et que Joyeuse ne parvient pas à identifier malgré la demande pressante du roi, avait ainsi avancé 8 000 livres pour cette entreprise (Joyeuse à François II. Joyeuse, 26 septembre 1560, Correspondance inédite du vicomte de Joyeuse. P. 37-39).
16 Joyeuse précise que ces petits nobles sont communément endettés et que leur position de débiteurs facilite leur contrôle — et leur utilisation — par leurs créditeurs, alors que l'essentiel des magistrats du roi «soubs main les favorisent» (Joyeuse à François II. Joyeuse, 26 septembre 1560 (Correspondance inédite du vicomte de Joyeuse. P. 37-39).
17 Joyeuse à Anne de Montmorency, Joyeuse, 27 septembre 1560 (Correspondance inédite du vicomte de Joyeuse. P. 39-40).
et de Guyenne. Face à elle, Joyeuse demeure sans troupes, malgré les promesses du roi18.
Au printemps et à l'automne 1561: levée de troupes et iconoclasme Ce «flux iconoclaste», décrit par Denis Crouzet, est bien initié en France méridionale, et il est organisé19. Au printemps 1561, Théodore de Bèze est à Nérac et, à l'automne suivant, Pierre Viret est à Nîmes. Calvin les envoie en «mission diplomatique», d'une manière concertée ; Viret exerce également un mandat de visiteur des Eglises et il prend alors part à un vif débat sur ce que doivent être les consistoires20. Ils contribuent à l'organisation religieuse, mais aussi militaire, des Eglises. C'est notamment la préparation du synode de Sainte-Foy, en novembre 1561, qui fait suite à celui de Clairac (novembre 1560). Le synode de Languedoc, en février 1562, rassemblera selon l'Histoire ecclésiastique, 70 ministres, soit sept fois plus que l'estimation donnée par le pasteur Guillaume Mauget un an auparavant21. Quelle que soit l'exactitude de ces chiffres, l'écart est significatif. La même impression ressort de l'observation des trois listes, établies par Nicolas Colladon, secrétaire de la Compagnie des Pasteurs de Genève, entre l'été 1561 et le tout début de l'année 1562, qui nous permettent de connaître les pasteurs envoyés en France à la suite des sollicitations des Eglises à partir de mai-juin 156122. Les deux tiers des localités demanderesses sont situées dans la partie méridionale de la France. Les départements actuels du Gard, de l'Hérault, de l'Ardèche et de la Drôme rassemblent 22,5 % des localités, alors que le Lot-et-
18 Guillaume de Joyeuse à Anne de Montmorency, 16 septembre 1560 (Correspondance inédite du vicomte de Joyeuse. P. 35).
19 Crouzet, D. Les guerriers de Dieu: La violence au temps des troubles de religion, vers 1525 - vers 1610. Seyssel, 2005. Vol. 1. P. 501-506.
20 Roussel, B. Pierre Viret en France (septembre 1561 - août 1565), in: Bulletin de la Société de l'Histoire du Protestantisme Français, 1998. Vol. 144. P. 803-839.
21 Originaire de Saint-Valéry-en-Caux, il fonde les Eglises de Montpellier (8 février 1560), de Nîmes (23 mars 1561) puis de Villeneuve-lès-Avignon (10 novembre 1561). Calvin est soucieux de mettre fin à sa vive opposition à Jean Mutonis.
22 Wilcox, P. L'envoi des pasteurs aux Églises de France. Trois listes établies par Colladon (1561-1562), in: Bulletin de la Société de l'Histoire du Protestantisme Français. 1993. Vol. 193. P. 347-374. Pas moins de 363 Eglises seraient dressées au cours de cette seule année 1561 (Jonathan Reid. French evangelical networks before 1555: Protochurches?: in: La Réforme en France et en Italie. Contacts, comparaisons et contrastes / Éd. P. Benedict; S. Seidel Menchi; A. Talion. Rome, 2007).
Garonne et la Gironde, à eux-seuls, en totalisent 18 %. Bèze et Viret sont présents dans ces deux contrées qui rassemblent plus de 40 % des localités qui s'adressent à Genève pour recevoir un pasteur et dresser une Eglise. Ainsi, quand la guerre éclate, quatre grande provinces synodales sont déjà subdivisées en 23 colloques ou classes : la Guyenne, le Haut-Languedoc-Quercy-Rouergue-Pays de Foix, le Bas-Languedoc et le Dauphiné-Lyonnais, confirmant la précocité et la prépondérance méridionale. Guillaume de Joyeuse met directement en relation cet afflux de ministres — et donc l'érection des Eglises — avec la flambée iconoclaste. Il le répète inlassablement et il le rappelle encore au roi, le 14 avril 1561:
J'ay trouvé à mon arrivée en ce pays comme en plusieurs villes de ce pays des predicans de Genève y sont esté introduicts qui preschent et dogmatisent et administrent les sacrements aleur mode publicquement et ordinairement23.
Deux mois plus tard, il voit se dessiner de prochaines guerres civiles :
[l]es villes de ce pays, comme elles s'estoient tresbien contenuee jusques puis quelques temps que se sont remis en leurs premieres follies en aulcune lieux par les prédications daulcuns ministres de Genève qui se sont venus remectre esdictes villes pour dogmatiser et administrer les sacrements a leur mode, publicquement que nous recommence désir une guerre civile esdictes villes tellement madame que depuis de retour desdicts ministres il n'est guiere jour que l'on noyct [n'ouïe] parler de quelque nouveau massacre en quelque lieu, et grandes haynes et bateries les ungs contre les aultres24.
Les conseillers au parlement de Toulouse font la même constatation en accusant les «ministres predicans» d'être à l'origine de «plusieurs desordres, escandales, forces, conventicules et assemblees en armes et rebellion au roy et ses officiers». Ils font les frais du contrôle que les Eglises coordonnées s'efforcent d'assurer sur les courriers qui partent de la province vers la cour. Un des leurs est ainsi intercepté manu militari sur le cours stratégique de la Garonne25.
23 Guillaume de Joyeuse à Charles IX, 15 avril 1561 (BnF. Fr. 3186. F.°84).
24 Guillaume de Joyeuse à Catherine de Médicis, 10 juin 1561 (BnF. Fr. 3186. F.°146).
25 Cinq lettres des gens de parlement de Toulouse à Charles IX, 23 août 1561 (BnF. Fr. 15875. F.°154-162).
Dans cette atmosphère extrêmement tendue, il semble évident que Théodore de Bèze, les ministres et les députés protestants mandatés par les synodes provinciaux, qui se trouvent alors à la cour de France, ont pris l'initiative de recenser les Eglises et d'en évaluer le potentiel militaire. Cette initiative suit la résolution adoptée en mars 1561 par le deuxième synode national de Poitiers. Aux États généraux de Pontoise (ler-27 août), les Eglises avaient obtenu d'inscrire dans les cahiers de doléances la demande d'être autorisés à se réunir librement dans leurs propres lieux de culte, mais Bèze et les six députés des Eglises choisissent d'exercer une pression plus forte encore. C'est la raison pour laquelle l'amiral gonfle volontairement le nombre des Eglises devant les yeux de Catherine de Médicis, en le montant à 215026. A partir d'octobre, la mise sur pied d'unités militaires par les Eglises, notamment par le consistoire de Nîmes, prend une tout autre envergure27. En novembre suivant c'est le synode provincial de Guyenne qui le préconise, d'une manière clairement hiérarchisée. Chaque Eglise doit avoir une compagnie à la tête de laquelle sera un capitaine ; au niveau des colloques et du ressort du parlement, des colonels et des chefs généraux rassembleront les contingents28.
L'argent des Eglises
Dès mars 1561, l'avocat toulousain Claude Terlon, lors de la réunion des Etats de Languedoc à Montpellier, propose la vente des biens du clergé pour réduire la dette du roi mais en n'omettant pas de consacrer le surplus aux corps de villes29. L'iconoclasme contribue alors à renflouer les caisses de communautés d'habitants contrôlées par les consistoires. Noailles constate avec étonnement qu'en Guyenne, incités par les prédi-cants, les iconoclastes brûlent «les ornements et décorements» des églises afin d'en tirer les métaux précieux «pour l'employer aux pouvres et autres
26 Le nombre réel des églises devait être en-dessous de 800 et celui des pasteurs sûrement encore inférieur (Benedict, P., Fornerod, N. Les 2150 «églises» réformées de France de 1561-1562, in: Revue historique, 2009. P. 529-559.
27 Registre du consistoire de Nîmes (BnF. Fr. 8666. F°38v-39).
28 Théodore de Bèze. Histoire ecclésiastique des Églises réformées du royaume de France, 1580. Toulouse, 1882. Vol. 1. P. 888.
29 Docteur en droit et avocat, il est capitoul de la Dalbade en 1555. «Et parce que le Roy demandoit advis sur la réunion de son domaine et l'acquittement de ses debtes, on convunt de prendre les biens ecclésiastiques et les reliques» (Serres, P. Abrégé de l'histoire du calvinisme de la ville de Montpellier. Montpellier, 1978. P. 32).
usaiges»30. À Montpellier, on entrepose ces valeurs dans la maison de ville et on s'émeut quand des Nîmois, qui sont venus prêter mainforte aux Montpelliérains, repartent avec une partie du butin. Voici l'argent nécessaire au soulèvement des Eglises. Joyeuse s'étonne de la richesse des Eglises.
Je ne scayt dou peuvent sortir des grands frais quils font, tant dassembler cornes salaires, gens, entretenir les ambassadeurs et leurs délégués ala court, couvrement de postes, qui viennent tous les jours. Je vous asseure monseigneur, que le bon peuple est reduict a grande estremité31.
En Guyenne, Monluc a le même étonnement quand elles lui offrent 30 000, puis 40 000 écus seulement pour, dit-il «que je ne prinse point les armes contr'eux et que je les laissasse faire, ne voulant aucunementque pour cela je changeasse de religion»32. L edit de Juillet, s'il reprenait celui de Romorantin qui interdisait toute assemblée en public ou en privé, accordait l'amnistie générale et recommandait aux officiers du roi de la prudence dans les poursuites. Il encourageait alors les prédications des réformés
plus que jamais dans les lieux où ils estoient les plus forts et dans Montpellier voulant témoigner la haine qu'ils avoint contre les catholiques, ils firent faire des battoirs à trois angles qu'ils apelloint les poussette[s] du concistoire pour les obliger par force d'assister à leurs presches33.
A l'été 1561, et jusqu'à 1 edit de janvier 1562, la «tempête du brisement des images» (Histoire ecclésiastique) gagne alors Nîmes, Montpellier, Péze-nas, Lunel, Sommières, Marsillargues, Viviers, etc., en Bas-Languedoc, accompagnant Castres, Revel, Lavaur, Gaillac, Rabastens et Montauban en Haut-Languedoc. En Pays de Foix, le gouverneur catholique, le sieur de Pailhès, avait pu obtenir des religionnaires de Mazères qu'ils se dessaisissent de leurs armes, mais il n'avait pas pu empêcher, en
30 Antoine de Noailles à François II, Bordeaux, 18 novembre 1560 (BnF. Fr. 6908. F045).
31 Guillaume de Joyeuse à Anne de Montmorency, 17 septembre 1561 (BnF. Fr. 3158. F045).
32 Biaise de Monluc. Commentaires /Ed. P. Courteault. Paris, 1964. P. 479.
33 Serres, P. Abrégé de l'histoire du calvinisme. P. 34.
juin 1561, la vengeance des catholiques. Deux mois plus tard, les religionnaires de Pamiers et de Foix, puis, en décembre suivant, ceux du Mas-d'Azil étendent leur furie iconoclaste34. Généralement, les catholiques, surpris par l'ampleur de ces actions concertées des Eglises, réagissent rarement, comme à Cahors, le 15 octobre, ou bien en Basse-Provence où une véritable vague antiprotestante d'organisé, avec les Pénitents et Flassans.
A Montpellier, l'affrontement commence à l'occasion de l'enterrement sur le mode réformé du docteur en médecine Jean Bocaud, en mai 156135. Il explose avec la prise de l'église de Notre-Dame-des-Tables — symbole de l'autorité consulaire — par les calvinistes, le 24 septembre
34 Olhagaray, P. Histoire des comptes de Foix, Béarn et Navarre. Paris, 1629. P. 571— 572. Contrairement à ce que laisse entendre ce dernier, ministre protestant qui veut reporter sur les catholiques la responsabilité du commencement des troubles en pays de Foix, une tentative de prise du pouvoir par les protestants a eu lieu à Pamiers dès l'été 1560. Joyeuse avait dû s'y rendre afin de rétablir l'ordre et d'emprisonner les séditieux qu'il n'avait pas pu traduire devant le parlement de Toulouse en raison de la récusation de leurs accusateurs (Joyeuse à François II, 18 septembre 1560 (Bibliothèque nationale de Russie, publié par Edouard de Barthélémy: Correspondance inédite du vicomte de Joyeuse... P. 37). C'est cependant dès 1557, selon un prêtre érudit fuxéen, qu'un consul de Pamiers, avec diverses complicités, avait introduit par surprise des religionnaires dans la cité, qui en avaient expulsé prêtres, moines et catholiques, ruinant la ville. Les ravages s'étaient ensuite étendus à Foix (Lescazes, J.-J. d. Mémorial historique, contenant la narration des troubles, et ce qui est arrivé diversement de plus remarquable dans le pays de Foix et diocèse de Pamiés depuis l'an de grâce 1490 jusques à 1640. Toulouse, 1644. Réédition Foix: Imp. Veuve Pomiès, 1891. P. 53-62). Deux ans plus tard, le consulat appaméen, clairement favorable aux calvinistes, avait tenté de s'opposer à l'installation des jésuites par le nouvel évêque Robert de Pellevé, très attaché à la maison de Guises. C'est le prêche public du 2 août 1561 et la profanation d'une image de la Vierge qui l'accompagne qui provoque l'affrontement avec les catholiques et la domination réformée. Le retentissement est grand, à tel point que Suriano, ambassadeur de Venise, accorde autant d'importance à cet événement qu'à la prise d'Orléans (Dépêche du 15 août 1561, Ruble, A. d. Jeanne d'Albret et la guerre civile, suite de Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret. Paris, 1897. P. 136; Théodore de Bèze. Histoire ecclésiastique des Eglises réformées. Vol. 1. P. 954.; Archives départementales de la Haute-Garonne. H 116. IIA. F.°96). En décembre suivant, les jésuites sont chassés de la cité.
35 Les habitants de Montpellier à Catherine de Médicis, 9 juillet 1561 (BnF. Fr. 15875. F.°35).
suivant36. Le consistoire, accompagné d'une vaste foule, venait exiger de pouvoir célébrer leur culte dans le sanctuaire. Il se poursuit par l'assaut de la cathédrale et des autres églises. Dès novembre suivant, le colloque de Montpellier réunit de nombreuses Eglises du Languedoc (Pézenas, Gignac, Montagnac, Clermont, Poussan, Cournonsec, Montbazin, Cour-nonterral, Mireval, Villemagne, Villeneuve, Fabrègues, Gigean, Fronti-gnan, Lunel, Béziers, Mauguio) qui entendent porter leurs doléances au Etats qui doivent se tenir à Béziers le 20. Elles exigent des temples37. Ledit de Saint-Germain (17 janvier 1562) donne au contraire l'impression de conforter les réformés dans leur effort d'armement, comme en témoignent les ecclésiastiques toulousains.
Depuis la publication de l'édict de janvier dernier plus audacieu-sement que jamais ils portent toutes sortes d'armes de jour et de nuict, n'ont tenu compte rendre et restituer les esglises, biens dicelles et des personnes ecclesiastiques qu'ils détiennent, mais plus licencieusement que jamais ont bruslé, gasté et pillé plusieurs eglises tout de nouveau, mutillés et battu les pauvres exxlésisatiques après les avoir [dé]robbés et voilés, et qu'ils ont faict es villes de Gaillac, Sainct Sulpice, Liskle en Jourdain et infinité aultres lieux dudict pais38.
Consistoires et consulats
Dans le Midi, la pénétration du droit romain et du notariat a entraîné la multiplication des consulats, entre le xie et le xive siècle. Même si leur répartition n'est pas uniforme — Cévennes et Gévaudan en témoignent — ils sont apparus jusques dans les bourgs et les villages, contrairement à la France septentrionale où le mouvement communal demeure urbain.
La force des conseils politiques et l'accession des juristes au consulat D'une manière générale, la fin du Moyen Âge avait vu l'assemblée des habitants des villes et bourgs du Midi s'effacer devant des conseils,
36 Guillaume de Joyeuse à Anne de Montmorency, 30 septembre 1561 (BnF, Fr. 3158. F038).
37 Corbière, P. Histoire de l'église réformée de Montpellier depuis son origine jusqu'à nos jours. Montpellier/Paris, 1861. P. 38-50. Sur des Eglises rurales rapidement dressées, voir Secondy, L., Couderc, J.-M. 10 villages, 10 visages: Entre Coulazou et Mosson. Montpellier, 1985. P. 91-105.
38 Le chapitre et le clergé de Toulouse à Catherine de Médicis, 20 mars 1562 (BnF. Fr. 3182. F°29).
avec des consuls, véritables organes de décision. Ce resserrement accompagnait inexorablement une concentration du pouvoir de représentation entre les mains de quelques lignages. Dans le même temps, ces consulats affirmaient leur capacité militaire et fiscale, au service de la monarchie39. Ils sont organisés selon des critères professionnels et/ou territoriaux. La prosopographie des édiles municipaux a permis de mettre en valeur un cursus honorum qui passait également par des charges au sein de la fabrique des Eglises et de confréries religieuses éminemment «civiques». Leurs prérogatives sont non seulement administratives et judiciaires mais elles s'étendent à la dimension civique de la religion, notamment dans le choix du prédicateur de l'Avent et du Carême. A tel point que l'on s'est interrogé sur le lien possible entre le mouvement général d'exclusion des laïcs de la gestion du sacré à la fin du Moyen Âge et l'extension de la Réforme40.
Remarquons, entre une assemblée générale des habitants de moins en moins convoquée, et donc efficiente, et un consulat oligarchique, le rôle majeur du conseil politique intermédiaire. Composé d'anciens consuls et vivier de futurs édiles, extension des fratries consulaires, il épaule le consulat selon des modalités variées et, dans certains cas, il peut entrer en opposition avec lui41. Difficile à cerner parce que fluctuant, cet organe n'a pas été suffisamment étudié. Pourtant, c'est lui qui valide les décisions
39 Garnier, F. Un consulat et ses finances: Millau (1187-1461). Paris, 2006. P. 180-227. Dans les localités où le régime consulaire n'était pas établi, on parlait de syndics, qui s'entouraient de conseillers désignés par eux-mêmes. Les fonctions des syndics et des consuls étaient identiques, voir Cayla, P. Essai sur la vie des populations rurales à Ginestas et dans ses environs au début du XVIe siècle: 1519-1536. Carcassonne, 1938. P. 25-41.
40 Lemaitre, N. Finance des consulats et finances des paroisses dans la France du Sud-Ouest (XIVe-XVIe siècle), in: L'hostie et le denier. Les finances ecclésiastiques du haut Moyen Age à l'époque moderne, 1991. P. 101-117.
41 Rodez étant divisé en deux consulats, les conseillers sont 9 au Bourg et 12 à la Cité (Mouysset, S. Le pouvoir dans la bonne ville: Les consuls de Rodez sous l'Ancien régime. Rodez; Toulouse, 2000. P. 126-136). Composé de 20 à 50 personnes, il est appelé «conseil général» à Albi, voir Cabayé, 0. Albi au XVIe siècle: Gens de bien et autres «apparens». Albi, 2008. P. 47-48. À L'Isle-Jourdain, on l'appelle le «conseil ou syndicat», généralement composé de 20 à 40 personnes, mais avec un écart de 8 à 100 suivant les années (Saverne, J. L'Isle-en-Jourdain (Gers): Son histoire. Gimon, 1914. P. 140-142).
principales du corps de ville et, lorsqu'apparaît une nouvelle structure d'influence, le consistoire protestant, deux légitimités s'affrontent au sein des communautés d'habitants42.
A Montpellier, par exemple, depuis le milieu du xve siècle, les notaires, les avocats et autres gens de robe de Montpellier réclamaient l'accès au consulat. Ce dernier, apparu dès 1141, maintenait l'usage de recruter les quatre premiers consuls parmi les changeurs, bourgeois et marchands et les deux autres parmi les «arts mécaniques» et les laboureurs. En 1483, le «conseil des Vingt-quatre» est créé. Se substituant, de fait, à l'ancienne assemblée générale des habitants, il est désigné par les consuls sortants et il délibère avec les consuls sur les affaires importantes. Elle se compose de trois consuls qui sortent de charge, de deux nobles, deux chanoines, six officiers du roi à la cour des Aides (fixée à Montpellier en 1467), à la sénéchaussée et au Bureau des trésoriers de France, deux avocats, deux notaires et deux procureurs. Les robins ont désormais la majorité dans cette sorte de conseil municipal, dans un moment où la ville marchande s'efface devant la capitale administrative. En 1529, un notaire devient troisième consul et on commence à désigner au consulat des présidents ou conseillers à la cour des Aides, qui refusent d'abord. En 1545, François Ier leur ordonne, ainsi qu'à tous ses officiers de justice, d'accepter le consulat s'ils y sont élus.
Selon des modalités diverses, on assiste à un phénomène similaire à Toulouse, Poitiers, Nîmes ou Saint-Flour, où les gens de robe fournissent désormais le quart à la moitié des consuls ou échevins, alors qu'à Lyon ils contrôlent déjà à peu près tout le consulat après 1450. Cette importance relative des hommes de loi jusque dans les villes secondaires et même les simples bourgs est un phénomène spécifique au Midi
42 Hauser, H. Études sur la réforme française. Paris, 1909. P. 199-202.; Garrisson, J. Protestants du Midi. P. 31-33. À Carcassonne, la dernière réunion du conseil général a lieu en juillet 1562, après la tentative avortée des huguenots de s'emparer de la ville. Alors que les quatre consuls s'appuyaient sur un conseil politique de 24 notables, il est décidé, en 1572, d'instaurer un conseil restreint, voir Ricalens, H. Castelnaudary au temps de Catherine de Medicis, Comtesse de Lauragais: Approche sociale et économique d'une ville présidiale du Languedoc au XVIe siècle. Toulouse, 1999. P. 23-26.
français. Cette «diffusion capillaire» des gradués en droit leur permet de bénéficier du renouvellement des élites au lendemain de la grande dépression au détriment de l'ancienne aristocratie déclinante43. Ces lettrés et humanistes seront les plus sensibles aux idées nouvelles.
Le «noyautage» des consulats par les consistoires calvinistes
Avec l'extension de la Réforme, l'enjeu est alors de contrôler les consulats par l'intermédiaire des conseils politiques. A Nîmes, Guillaume de Joyeuse constate, qu'au moment de la conjuration d'Amboise, «le grand nombre de ceste religion [réformée] estant desja saysis de la ville», le consulat comme le présidial sont sous l'emprise des réformés. Il s'en suit que le «peuple [de Nîmes] a prinses les armes nous montrant assez une révolte» et que les quelques magistrats qui s'opposaient à ce contrôle de la cité par le consistoire ont été contraints de quitter la ville. Ils «n'ont eu d'aultre expédient que de vuider la ville, et encore en estant hors n'ont sceu trouver aultre seureté en part de Languedoc que en ma maison [le château de Joyeuse, en Vivarais] car ils sont menassés que de la mort par ceste canaille»44. A partir de ce moment-là, les ministres venus de Genève affluent en Bas-Languedoc45.
Il en est de même dans le diocèse de Pamiers, selon une chronologie aussi précoce46. Lors des élections consulaires de Pâques 1561, les huguenots de Pamiers s'emparent des six mandats municipaux et appellent
43 ygfgg^ j Les gradués en droit dans les sociétés urbaines du midi de la France à la fin du Moyen Age, in: Milieux universitaires et mentalité urbaine au Moyen âge / Ed. D. Poirion. Paris, 1987. P. 145-156; Coulet, N. Les juristes dans les villes de la Provence médiévale, in: Les sociétés urbaines en France méridionale et en péninsule ibérique au Moyen Age, 1991. P. 311-327.
44 Guillaume de Joyeuse à François II, Nîmes, 26 avril 1560, à Anne de Montmorency, Joyeuse, 5 septembre 1560, au cardinal de Tournon, 8 septembre 1560. Voir également Joyeuse à François II, 8 septembre 1560, Bibliothèque nationale de Saint-Pétersbourg (publié par Correspondance inédite du vicomte de Joyeuse. P. 29-33).
45 Joyeuse à Anne de Montmorency, 16 septembre 1560; Joyeuse à François, duc de Guise, 16 septembre 1560 (Correspondance inédite du vicomte de Joyeuse. P. 35-36).
46 Vidal, J.-M. Histoire des évêques de Pamiers: 1467-1626. Castillon, 1931. P. 150.
immédiatement ministres et diacres47. Le processus est identique à Foix durant les mois suivants et les Eglises sont dressées dans la vallée de la Lèze au fur et à mesure que les consulats adoptent la Réforme48.
A Montauban, les assemblées se multiplient et les réformés s'emparent de l'église Saint-Louis, en janvier 1561. Le parlement de Toulouse tente, sans succès, de parer leur conquête du consulat en envoyant le sénéchal, en mai49. Le 15 août suivant, les réformés entrent «de voys de faict léglise principalle de Sainct Jacques et brusle[nt] les ymaiges, rompe[nt] autels, ravys[sent] et empourt[ent] les meubles bat[tent] ung consul et ung consul et ung religieulx quy y estoyt pour prescher»50. Les réformés montalbanais contrôlent désormais le consulat. Quelques jours plus tard, à Lavaur, le baron d'Ambres trouve
Le peuple en grand trouble et en danger de grandes émotions la pluspart tenant le party du ministre avec les armes estant soutenu tant par aulcuns de la noblesse que des aultres esglises51.
47 Depuis 1300, l'élection des consuls ne se réalisait plus par le suffrage direct des chefs de famille mais par l'intermédiaire d'une assemblée de notables. Cependant, à l'aube des troubles religieux, chanoines et consuls s'affrontaient continuellement et les élections consulaires donnaient lieu à des fraudes répétées, malgré l'effort de correction du parlement de Toulouse, qui retire notamment au consulat ses pouvoirs de justice pour ne leur laisser que la police (Baby, F. Histoire de Pamiers. Pamiers, 1981. P. 219-221). L evêque Pellevé, coseigneur avec le comte de Foix, casse l'élection de 1561 et nomme de nouveaux consuls réputés catholiques, mais trois d'entre eux se déclareront réformés (Archives départementales de la Haute-Garonne. H 116. IIA. F.°16-18).
48 Trois premières Eglises (Bélesta, La Bastide et Calmont) ont été dressées sous l'impulsion du seigneur du lieu, le baron d'Audou pour les deux premières et le vicomte de Calmont pour la dernière. Les autres le sont avec le soutien des consulats, accompagnant la prise de la ville (Pébay-Clottes, I. Eglise catholique et églises réformées dans le Comté de Foix (1559-1643), in: Bulletin de la Société ariégeoise des sciences, lettres et arts, 1988. Vol. 43. P. 93-216).
49 La Réforme à Montpellier / Éd. L. Guiraud. Montpellier, 1918. Vol. 2. P. 447-448; 453; Benoit, D. Les origines de la Réforme à Montauban. Montauban, 1910.
50 En juillet, les «assemblées et presches» se poursuivant à Villefranche-de-Rouergue, «tous les cordelliers auroyt esté tirés de leur couvent et faicts prisonniers saysy et occupé ledict couvent, les ymages et autels ruynés y continuant leurs presches» (Les gens de parlement de Toulouse à Catherine de Médicis, 23 août 1561, BnF. Fr. 15875. F.°162).
51 François de Voisins, baron d'Ambres, à Charles IX, 29 août 1561 (BnF. Fr. 15875. F.°166).
Là encore, l'intervention d'un pasteur calviniste est déterminante et Ambres témoigne d'une organisation militaire précoce des réformés avec le concours de nobliaux et, surtout, de la coordination d'autres Eglises du colloque. A Castres, en juillet, les consuls ont participé à une cène célébrée en grande pompe52. Guillaume de Joyeuse dénonce une même opération concertée dans tout le gouvernement de Languedoc.
Et quant aulx assemblées il y a peu de lieux en ce gouvernement où il ne sen face, et encores ce que reste de sain, j'entends dheure en heure, nouvelles quils font forcés de se mectre de leur traing [joindre au gros de la troupe], et ny a si meschant petit lieu ou ils n'aient assemblé d'estrangiers avecq forces [troupes d'hommes armés] en délibération de faire teste [résister], si force leur vient.
Quelques jours plus tard, il constate que les
séditieux auprès ce jours [ont] entreprins tous générallement de saisir les églises principalles des villes comme ilz ont faict en plusieurs lieux [...] ils tiennent les champs et assaillent les villes et ont saisi Lapérouse [Lapeyrouse-Fossat], Reaulmont, Rabastens, Rance [St-Sernin-sur-Rance], Castres et quelques aultres villes de vodict gouvernement53.
Plusieurs corps de villes qui entendent demeurer catholiques s'inquiètent et sollicitent de Joyeuse de pouvoir lever des taxes afin de payer des gens de pied pour se garder. Sans les y autoriser, il leur permet «de prendre les armes pour lobservation des ecdits du roy»54. En novembre, le baron de Terride révèle à son tour la remarquable organisation militaire des Eglises du Haut-Languedoc. Castres, Rabastens, Montauban et Villefranche-de-Rouergue possèdent leurs «forces» armées. Alors qu'il poursuit deux séditieux jusqu'à Lavaur, il réalise que l'un d'eux a
Autorité et comandement sur touts, pourtant armes prohibées avecques une grand force et assemblée de gens quil a faict venir despuis ma venue audict Lavaur, tant des montaignes que villaiges circonvoysins armés ordinairement tant de nuict que de jour55.
52 La Réforme à Montpellier. Vol. 1. R 474.
53 Guillaume de Joyeuse à Anne de Montmorency, 30 septembre 1561 (BnF. Fr. 3158. F. 38).
54 BnF. Fr. 3158. F. 38.
55 Antoine de Lomagne, baron de Terride, à Anne de Montmorency, 23 novembre [1561] (Archives du château de Chantilly. L. Vol. XVIII. F. 230).
Ce même homme s'est rendu maître de Castres où «touts luy obeys-sent mesmes lesdicts seditieux et rebelles» qui montent la garde contre une éventuelle tentative de reprise de la ville par les catholiques56. Joyeuse, qui parvient à contrecarrer le contrôle de Béziers par les réformés, est l'objet de plaintes de la part de leurs députés à la cour et il doit se justifier auprès de la reine mère57. Il est cependant maintenu dans ses charges et Antoine de Crussol est envoyé en Languedoc, Provence et Dauphiné, où il ne pourra pas résister à la vague58. En complète dérélic-tion, les catholiques de Lyon comme le clergé de Bordeaux supplient le connétable de Montmorency d'intervenir59.
L'évolution est encore plus nette en Dauphiné, à Nîmes et dans ses appendices du Vivarais et du Velay, où l'influence de Genève est précoce et forte60. Comme en Gascogne, ce sont des églises des cordeliers dont les réformés s'emparent pour prêcher, à Valence, dès le 31 mars, puis à Montélimar et à Romans le mois suivant. Le 20 juin 1560, la destruction d'un calvaire à Gap marque le début de l'assaut calviniste. Le retour de Farel, l'année suivante, vivifie les communautés. Il visite les consistoires de Gap, de Die et de Grenoble et un synode se tient à Die. C'est en inter-
56 Archives du château de Chantilly. L. Vol. XVIII. F. 230.
57 Le ministre Antoine Vives, qui était venu y établir une Eglise, avait été assassiné (Théodore de Bèze. Histoire ecclésiastique des Églises réformées du royaume de France, 1580. Toulouse, 1882. Vol. 2. P. 475-477). Guillaume de Joyeuse à Catherine de Médicis, 4 décembre 1561 (BnF. Fr. 15875. F.°264).
58 «Instructions données au sieur de Crussol, allant en Languedoc, Daulphiné et Prouvence», décembre 1561 (BnF. Fr. 15875. F. 434-435).
59 Le clergé de Bordeaux à Anne de Montmorency, 24 décembre 1561 (Archives du château de Chantilly. L. Vol. XVIII. F.°124). Voir également : les catholiques de Lyon à Anne de Montmorency, 2 décembre 1561 Archives du château de Chantilly. L. Vol. XVIII. F.°119).
60 Mours, S. Le Protestantisme en Vivarais et en Velay, des origines à nos jours. Valence, 1949. Réédition Montpellier: Les Presses du Languedoc, 2001. P. 21-42; Tulchin, A. A. The Reformation in Nîmes: PhD diss., University of Chicago. Chicago, 2000. Nous attendons la publication prochaine, par le même auteur, de Tulchin, A. A. That men would praise the Lord: The Reformation in Nîmes, 1530-1570. New York/Oxford, 2010. Une étude précise sur la société nîmoise des années 1550-1562 et son adhésion au protestantisme, qui devrait compléter l'étude antérieure d'Ann H. Guggenheim (Guggenheim, A. H. Calvinism and the Political Elite of Sixteenth Century Nîmes: PhD diss., New York University. New York, 1968).
venant maladroitement dans les élections consulaires de Valence, dont il voulait exclure les réformés, que le lieutenant général en Dauphiné pour Guise, La Mothe-Gondrin, sera assassiné (27 avril 1562). Une assemblée politique de gentilshommes réformés, à Valence, le remplace par le baron Des Adrets, tenant du prince de Condé. Hormis Embrun, toutes les villes du Dauphiné passent au pouvoir des huguenots, dès les premiers jours de mai 1562.
En 1559, Guillaume Mauget, ministre, s'installe à Nîmes. A l'été
1561, c'est Antoine Vivés qui est envoyé de Genève pour fonder le consistoire de Béziers. Anciens et surveillants proviennent alors des conseils politiques. A Montpellier, la pénétration du Conseil des Vingt-Quatre par le consistoire est encore plus évidente lorsque les délibérations du premier font place au second sur le même registre. Les consulats sont alors contrôlés par les Eglises. Colloques et synodes contribuent à mettre en réseau ces consistoires civiques. C'est Guillaume Mauget qui vient de Nîmes pour dresser l'Eglise de Montpellier le 8 février 1560 et désigner des ministres avant l'arrivée de Jean Chassinon dit La Chasse, depuis Genève via Meaux61. Théodore de Bèze note combien, cette année-là, dès que le calviniste Guillaume de Chaume, seigneur de Poussan, devient premier consul de Montpellier «les assemblées se firent sûrement, avec un accroissement merveilleux62.» Mais l'église doit être «redressée» par La Chasse, à son retour du synode général de Poitiers, le 16 février de l'année suivante63. Bèze ne dit mot du successeur du sieur de Poussan, l'avocat Jacques David, docteur ès droits et coseigneur de Montferrier, premier consul du 25 mars 1561 au 24 mars
1562. C'est pourtant lui qui joue un rôle déterminant dans la domination protestante sur Montpellier64. Bèze reconnaît, en creux, cette domination sur le conseil des Vingt-Quatre et sur le consulat lors de l'attaque de la cathédrale en écrivant que
61 Théodore de Bèze. Histoire ecclésiastique des Églises réformées. Vol. 2. P. 122-123.
62 Théodore de Bèze. Histoire ecclésiastique des Églises réformées. Vol. 2. P. 182; La Réforme à Montpellier. Voir également: Théodore de Bèze. Correspondance. Genève, 1963. T. 3: 1559-1561 /Éd.H. Meylan, A. Dufour.
63 Théodore de Bèze. Histoire ecclésiastique des Églises réformées. Vol. 2. P. 477.
64 Théodore de Bèze. Histoire ecclésiastique des Églises réformées. Vol. 2. P. 166-170; 185-191; 221-223.
les consuls ayans assemblé un conseil général, non seulement de tous les magistrats, mais aussi des plus notables de la ville, voire jusques à quelques uns de bas estât, sans respecter ni l'une ni l'autre religion, il fut résolu que certains députés de la religion romaine iraient faire les remonstrances aux chanoines65.
L'union des Eglises dans le Midi
Depuis Genève, Calvin ne peut répondre à l'ampleur de la demande en ministres, et un colloque se tient à Montpellier le 12 novembre. Il est alors établi dans cette ville «une théocratie calviniste», calquée sur celle de Genève. Au sommet sont les ministres, puis le Consistoire, enfin le Conseil politique de l'Église, créé le 20 décembre 156166. Les prédications de Pierre Viret à travers le Languedoc ont-elles vraiment été aussi apaisantes qu'il le prétend? Dans une missive dont l'authenticité ne nous semble pas assurée, le ministre aurait exhorté les huguenots à se conformer à ledit de janvier 156267.
65 Théodore de Bèze. Histoire ecclésiastique des Eglises réformées. Vol. 2. P. 478-479. Il évoque à nouveau la réunion d'un «conseil général» qui délègue deux notables auprès de Charles IX, lequel répond par lettres du 15 novembre 1561, favorable aux catholiques, qui ordonnent la restitution des églises et biens saisies. Mais un accord survient le 22 suivant entre les ecclésiastiques et les réformés de Montpellier pour se répartir équitablement les lieux de culte (Théodore de Bèze. Histoire ecclésiastique des Eglises réformées. Vol. 2. P. 479. Pierre Serres stigmatise dans ce dernier la «lachetté et condessendence execrable» des chanoine cathédraux (Serres, P. Abrégé de l'histoire du calvinisme. P. 34).
66 Philippi, J. Histoire des troubles de Languedoc, 1560-1600, in: La Réforme à Montpellier / Éd. L. Guiraud. Montpellier, 1918. Vol. 2. P. 67-69. «Délibérations du conseil général de Montpellier sur les assemblées publiques des calvinistes, 24 septembre 1560» (A. M. Montpellier. BB 393. F.°42v-44v, publié par La Réforme à Montpellier. P. 337-342.). Le 19 décembre suivant, le comte de Villars épure le Conseil des Vingt-Quatre. «Le 20 décembre 1561 fut dressé un Conseil politique de l'Église» (Histoire de l'Église de Montpellier, in: La Réforme à Montpellier / Éd. L. Guiraud. Montpellier, 1918. Vol. 2. P. 263-264).
67 Pierre Viret aux églises de Languedoc, Nîmes, 15 janvier 1562 (Epistolae Pétri Vireti: The previously unedited letters and a register of Pierre Viret's correspondence / Ed. M. W. Bruening. Genève, 2012. P. 417-419. Notons cependant que le manuscrit de cette lettre demeure inconnu et que celle-ci nous est seulement révélée par sa retranscription dans l'Histoire ecclésiastique (Vol. 2. P. 480-481). Voir: Roussel, B. Pierre Viret en France septembre. Curieusement, la lettre de Viret est rédigée le 15 janvier, précédant de deux jours ledit de pacification dit de Janvier qui, lui-même, n'est publié que le 7 février suivant. Elle répondrait à la demande que Crussol
La multiplication des Eglises et le contrôle des consulats s'accompagnent, dans la dynamique de l'ordre de recension des Eglises, de création de syndicats qui permettent de mobiliser colloques et synodes provinciaux. Cette pratique était habituelle aux communautés d'habitants qui entendaient se regrouper afin de se faire représenter devant une juridiction ou bien un officier du pouvoir central pour revendiquer des droits68. Le 21 septembre 1561, une nouvelle «esmotion et sédition de peuple» a lieu à Nîmes et les coupables sont couverts par les consuls. Quelques jours après, les réformés «auraient prins d'amblée le couvent des corde-liers de ceste ville où ils font presches, et comme je suis informé tiennent garnison avec armes dans ledict couvent pour garder le temple»69. Le 12 novembre suivant, le consistoire de Nîmes demande aux colloques de la région de former des syndicats et d'envoyer aux députés à la cour des mémoires qui signalent l'augmentation sensible du nombre des Eglises70. Le même jour, c'est le colloque de Montpellier qui fait de même afin de réclamer des temples et de présenter leurs doléances aux États de Languedoc qui doivent se tenir à Béziers71. Une semaine plus tard, 53 villes et villages du colloque de l'Albigeois font de même72.
fait au consulat - désormais réformé — de Montpellier de respecter l'ordonnance royale du 15 novembre. La domination réformée s'étendra jusqu'à l'établissement d'un régime mi-parti sur le consulat, en décembre 1563, par le nouveau gouverneur Henri de Montmorency-Damville, lequel, aux élections suivantes, choisit lui-même «les consuls des villes et villages», tous catholiques (Chroniques du Petit Thalamus, année 1564, in: La Réforme à Montpellier/Ed. L. Guiraud. Montpellier, 1918. Vol. 2. P. 227-228). Le passage de la cour conforte le rétablissement catholique (Granval, A. Le séjour du roi Charles IX à Montpellier du 17 au 30 décembre 1564: Mémoire de master 1. Montpellier, 2010).
68 Cayla, P. Dictionnaire des institutions, des coutumes et de la langue en usage dans quelques pays de Languedoc de 1535 à 1648. Montpellier, 1964. P. 660-661; Dognon, P. Les institutions politiques et administratives du pays de Languedoc: Du XHIe siècle aux guerres de religion. Toulouse-Paris, 1895.
69 Calvière à Catherine de Médicis, 2 octobre 1561 (BnF. Fr. 15875. F.°231).
70 Registre du consistoire de Nîmes (BnF. Fr. 8666. F.°33).
71 La Réforme à Montpellier. Vol. 2. P. 262. C'est Pierre Chabot, «député des églises de Languedoc, estant flnalement ouï, [qui] remonstra plusieurs poincts appartenans à la conservation du repos public» (Théodore de Bèze. Histoire ecclésiastique des Eglises réformées. Vol. 2. P. 477).
72 Syndicat du colloque de Castres, 1561, in: Bulletin de la Société de l'Histoire du Protestantisme Français, 1861. Vol. 10. P. 348-351.
Des associations similaires se forment en Dauphiné73. Monluc constate l'intensité de la mobilisation en Agenais, quand, en janvier 1562, il rencontre près de La Plume un ancien soldat de sa «compagnie en Pie-mont» qui, ayant été fait capitaine de l'église de Nérac, obéit au ministre Boisnormand en faisant «la levée des deniers» et «les enrollements de gens». «Et quelles diables d'eglises sont cecy, qui font les capitaines?» s'exclame Monluc74.
Lorsque la vague iconoclaste est déclenchée, l'action des Eglises est coordonnée, ce qui la rend terriblement efficace. Les milices de différents lieux sont rapidement regroupées, atteignant des effectifs redoutables qui ne peuvent qu'écraser les quelques gardiens présents. Tous les observateurs notent alors la présence de nombreux étrangers dans ces opérations. C'est ce que constate Joyeuse lors de l'assaut de la cathédrale Saint-Pierre, à Montpellier, modifiant quelque peu la relation que Théodore de Bèze a faite de ces événements.
Lundi dernier estant assemblés en ladicte ville environ deux mil hommes armés, voulant a que les ungs disent saisir lesglise St Pierre principalle de ladicte ville et s'en impatroniser et les aultres pour fere ostés dix ou douze soldats qui estoient en ladicte eglise là mis par les chanoynes pour la garde dicelle de peur d'ung pillaige, veu le nombre d'estrangiers qu'estoient en ladicte ville. L'execution a esté que lesdicts estrangiers sont entrés par force dans ladicte esglise et après l'avoir pillée, ont tué environ vingt cinq ou trente personnes dans ladicte esglise et entre aultres quelques chanoynes et deux prescheurs qui preschaient tous les jours assemblées75.
Ces soldats étrangers «se sont mis dans les maisons des princi-paulx de la ville, n'estant de leur secte et y ont vescu a discrétion». Le 23 octobre, «trois cents soldats armés» sortent de Montpellier en déclarant «qu'ils allaient piller quelques monastères et maisons de gentilshommes la autour»76. L'historien catholique Pierre Serres confirme
73 Arnaud, E. Histoire des protestants du Dauphiné aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles: Première et deuxième périodes: Etablissement de la Réforme en Dauphiné et guerres de religion, 1522-1598. Paris, 1875. Vol. 1. P. 70-72.
74 Biaise de Monluc. Commentaires. P. 477-478.
75 Guillaume de Joyeuse à Anne de Montmorency, 24 octobre 1561 (BnF, Fr. 20507. F°136). Voir : La Réforme à Montpellier. Vol. 1. P. 208-209.
76 La Réforme à Montpellier. Vol. 1. P. 208-209.
la participation des Nîmois au pillage de la cathédrale Saint-Pierre77. Joyeuse sait la responsabilité des consuls et du lieutenant criminel dans ces excès et il refuse de transmettre au roi les procédures qu'ils ont fait sur ces événements dans le seul but de «couvrir les excès qu'on a commis en ladicte ville, et qu'ils continuent faire journellement». Les religieux et les catholiques ont fui la ville, mais le consistoire a du mal à contrôler les soldats stipendiés.
Il ny a rien si vray que ceulx de la nouvelle religion ont mis en leurs eglises par deçà si grande quantité de meschant et gens sans adveu qui n'ont nulle religion qua present, ils nen sont pas maistres et sont bien aise davoir paix avecquezs eulx, et ace que je croy et veoy ils en sont bien empeschés [embarrassés] et vouldroient bien trouver le moyen de les renvoier s'ils pouvoient. Toutesfois pour estre entretenus en leurs services de vivre ils sont constraincts de dissimuler et de endurer d'eulx mesmes beaucoup de choses insuportables78.
Joyeuse peste en mesurant le double jeu des réformés montpelliérains qui adressent au roi «des requestes déclarant quils désirent vivre en paix et le veulent, sans molester personne», déclarant que si l'un d'entre eux agit de manière répréhensible «ils veullent a leurs propres cousts et despence les mectre entre les mains de ses officiers pour en estre faictes les pugni-tions requises». A tel point que le roi de France, sous l'influence du roi de Navarre, demande à Joyeuse de renvoyer les compagnies de Francisco d'Esté et du prince de Salerne qu'il avait appelées pour rétablir l'ordre79.
C'est au synode clandestin du plateau des Aigladines que Sans Tartas, ministre de Sauve, réunit quinze pasteurs qui décident des destructions du printemps 1561. L'attaque coordonnée du château du baron de Fumel, en novembre suivant procède également d'une action coordonnée des consistoires environnants dans une forme de justice immanente et expéditive80. Elle répond aux vexations que le baron avait fait subir aux
77 Serres, P. Abrégé de l'histoire du calvinisme. P. 33.
78 Guillaume de Joyeuse à Anne de Montmorency, 28 octobre 1561 (BnF. Fr. 20507. F.°142-143).
79 BnF. Fr. 20507. F.°142-143.
80 Brunei, S. Affrontements religieux et résistances anti-seigneuriales dans le sud-ouest de la France (vers 1560-1562), in: «Haro sur le seigneur!» Les luttes anti-seigneuriales dans l'Europe médiévale et moderne, 2009. P. 167-186; Brunet, S. De l'Espagnol dedans le ventre. P. 50-53.
réformés de Condat, frappant un diacre dans le temple, le 21 novembre. Le marchand Balthazar Vaquié réunit le consistoire dans sa maison et, grâce au secours des «gens des autres proches églises», deux jours plus tard, une troupe de 1500 à 2000 hommes provenant de près d'une trentaine de localités alentour assiège le château. Sur la liste des 223 inculpés, les activités de 45 d'entre eux peuvent être précisées. Il s'agit d'artisans, mais aussi d'un apothicaire, d'un notaire, d'un procureur, d'un greffier, d'un receveur, de trois prêtres défroqués et d'un consul de Fumel. La présence d'un juge ordinaire de l'Agenais et d'autres gens de justice parmi les insurgés contribue à donner à cette action un cadre pseudo-judiciaire. Cette révolte avait été précédée d'autres attaques contre les seigneurs catholiques de l'Agenais-Condomois. Dès juin 1560, Monluc avait été assiégé dans son château d'Estillac par une bande de 500 à 600 hommes81. Mais les agressions se multiplient à partir de l'été suivant. «A la cloaque [mère poule] et aux poulets, il faut tout tuer et que la race s'en perde!» s'écrit-on en massacrant le baron de Fumel et en humiliant son épouse.
Au mois de juillet les troubles pour le faict de la religion auraient esté commancés au pays de Guyenne, et mesmes en plusieurs lieulx et villes du comté d'Armaignac, ausquels lieulx se faisoient assemblées de gens de la religion nouvelle en armes contre nos edicts, prohibitions et proclamacions sur ce faictes, rompant en brizant journellement les temples et ymaiges des esglises desquelles ils se pouvoient saisir, à cause de quoy les gentilshommes des environs estant de la religion catholicque, ayans esté menassés par les gens de la religion nouvelle, se seraient tenus à leurs gardes82.
La coordination des milices des Eglises permet donc d'assembler un nombre impressionnant d'hommes armés. On parle de 2000 hommes assiégeant le château de Frégimont, près de Fumel, le 19 août, et d'autant, six jours après, contre le château de Lestelle près de Tournon.
Des prédications subversives
Nous disposons de quelques témoignages concernant le contenu des prédications de ces nombreux ministres. Elles concordent sur leur tona-
81 François II à Antoine de Bourbon, Chambord, 16 juin 1560 (BnF. Fr. nv. acq. fr. 1234. F.°164-165).
82 Lettre de rémission accordée à Bertrand de Lavardac par Charles IX, Toulouse, février 1565 (Samaran, C. En Armagnac, au temps des "troubles» (1561 et 1567), in: Bulletin de la Société Archéologique du Gers, 1964. Vol. 65. P. 7-24).
lité anabaptiste. Dès octobre 1560, Pierre d'Albret, évêque de Comminges et grand-oncle de Jeanne, révélait à Philippe II <<[qu']on promet aux gens du peuple que bientôt ils seront délivrés des impôts et des redevances qu'ils paient aux seigneurs»83. L'année suivante, Burie, lieutenant général en Guyenne écrit au roi:
Ils se vantent de ne paier plus les dixmes et droits de l'Esglise, et se vantent publiquement qu'ils ne vous paieront plus de tailles ne les debvoirs aux seigneurs84.
Certains ministres même s'inquiètent de la tournure subversive prise par les événements, comme Jean Barrelles, ou encore ce ministre révélé par l'ambassadeur d'Espagne Chantonay qui, tentant de «reprendre et [de] leur montrer quel mal ils se faisaient à eux-mêmes» à des habitants de l'Agenais qui «refusant de payer les impôts au roi, allaient pillant et volant tout ce qu'ils pouvaient, surtout les maisons des catholiques dans les villes et dans les faubourgs, mais aussi plusieurs appartenant à des hérétiques», manque d'être lynché en chaire par la foule85.
Théodore de Bèze n'y avait-il pas, lui-même, contribué par son Traité de l'autorité du magistrat86. Dans celui-ci, il avait d'abord suggéré que les «magistrats inférieurs» avaient le droit et le devoir de résister aux autorités supérieures si cela leur semblait nécessaire pour protéger «la pureté de la religion» contre un souverain qui combat «le règne du Christ». L'idée de la résistance des magistrats inférieurs deviendra l'idée centrale du Droit des magistrats (1574). Il compte parmi ces officiers inférieur les
Ducs, Marquis, Comtes, Vicomtes, Barons, Chastellains qui ont jadis esté estats et charges publiques, qui se commettoient par ordre légitimé, et qui depuis, pour estre devenues dignitez hereditaires, n'ont
83 Pierre d'Albret à Philippe II, Nérac, 16 septembre 1560 (Archivo General de Simancas. Estado K. 886. N. 170).
84 Charles de Coucy, sieur de Burie, à Charles IX, 10 juin 1561 (Archives historiques de la Gironde. Vol. X. P. 60). Voir aussi Charles IX à Antoine de Bourbon, sur «ce mal [...] que les gentilshommes du païs ne peuvent plus souffrir» (Archives historiques de la Gironde. Vol. XIII. P. 163).
85 Thomas Perrenot de Chantonay à Philippe II, Poissy, 5 janvier 1562 (AGS. Estado K. 1497. N. 3).
86 Théodore de Bèze. De haereticis a civili magistratu puniendis libellus, adversus Martini Bellii farraginem, et novorum academicorum sectam. Geneva, 1554. Trad. fr.: Traité de l'authorité du Magistrat en la punition des hérétiques. S.I., 1560.
pourtant changé de nature de leur droit et authorité ; comme aussi il faut comprendre en ce nombre les officiers electifs des villes, tels que sont les Maires, Viguiers, Consuls, Capitoux, Scindiques, Eschevins, et autres semblables.
La stigmatisation d'une certaine noblesse et l'appel aux magistratures urbaines électives sont très clairs. Si Bèze accordera également un pouvoir de résistance aux États Généraux, l'auteur du Vindiciae contra Tyrannos (1579), considérant la situation de minorité des huguenots, ne comptera que sur ces dernières. Le Midi des consulats offre un terrain de prédilection pour réaliser ce programme. S'il avait ensuite recommandé une résistance seulement passive dans sa Confession de lafoy chestienne (rédigée en 1558 et publiée l'année suivante), les événements le conduisent à récrire complètement les articles concernant le droit à la résistance dans l'édition latine de 1560, en reprenant et en étendant l'obligation du magistrat à punir l'hérésie. C'est le cosmographe catholique, et commingeois, François de Belleforest qui, dans un texte polémique publié en 1569, défend l'idée que le protestants révoltés de Toulouse, en 1562, ont agi à l'instar de Thomas Miinzer et des paysans allemands contre les princes87.
Nous pouvons désormais accorder plus de crédit aux déclarations de Biaise de Monluc qui, lui aussi, avait écouté les prêches réformés à Nérac.
Les ministres prêchoient publiquement que, s'ils se mettoient en leur religion, ils ne payeraient aucun devoir aux gentilshommes, ny au Roy aucunes tailles que ce qui luy serait ordonné par eux. Autres preschoient que les roys ne pouvoient avoir aucune puissance que celle qui plairroit au peuple. Autres preschoient que la noblesse n'estoit rien plus qu'eux ; et, de fait, quand les procureurs des gentilshommes demandoient les rentes à leurs tenanciers, ils leur respondoient qu'ils leur montrassent en la Bible s'ils le devoient payer ou non, et que, si leurs predecesseurs avoyent esté sots et bestes, ils n'en vouloient point estre.
Quelques-uns de la noblesse se commençoient à se laisser aller, de telle sorte qu'ils entroient en composition avecques eux, les priant de les laisser vivre en sûreté en leurs maisons avecque leurs labourages ; et quant aux rentes ezt fiefs, ils ne leur en demandoyent rien. D'aller à la chasse, il n'y avoit si hardy qui y osast aller, car ils venoient tuer les levriers et les chiens au milieu de la campagne. Et n'osoit-on dire mot,
87 François de Belleforest. Remonstrance au peuple de Paris de demeurer en la foy de leurs ancestres. Paris, 1568.
à peine de la vie ; et si on touchoit un d'entre'eux, toutes leurs eglises incontinent estoient mandées, et dans quatre ou cinq heures vous estiez mort, ou bien falloit fuyr vous cacher dans quelque maison de ceux-là qui avoient pactisé avecques eux, ou dans Tholouse ; car en autre lieu ne pouviez estre asseuré. Et voylà Testât auquel la Guyenne estoit reduicte88.
La formidable capacité des Eglises à réunir en quelques heures une forte troupe menaçante est la seule raison pour laquelle le lieutenant du gouverneur de Guyenne, Burie, craint trop pour sa vie pour obéir aux ordres du roi et venir châtier les réformés qui se sont emparés de Lectoure89. Cette dernière seigneurie fait partie des terres de l'héritage d'Armagnac, dans lesquelles on assiste à une véritable «protestantisa-tion» orchestrée par Jeanne d'Albret avec le concours de ses officiers. Elle accompagne la vague iconoclaste du printemps 1561. En Lectourois, un des meneurs est le procureur François du Juau, qui n'hésite pas à se présenter comme «secrétaire de M. le prince de Condé»90. C'est pour y accélérer le dressement des Eglises que la reine de Navarre sollicite du Conseil de Genève de pouvoir garder auprès d'elle Théodore de Bèze, «trois ou quatre mois»91.
Mars 1562: Condé et Théodore de Bèze appellent à la levée en armes
Dans le Midi: parachever le contrôle des consulats par les consistoires
L edit de janvier 1562, selon Théodore de Bèze, fait que «ceux de la religion [...] devindrent merveilleusement insolents92. «Ce dernier, qui
88 Biaise de Monluc. Commentaires. P. 486-487.
89 Charles IX à Burie, St-Germain, 28 juin 1561 (BnF. Fr. 3186. F.°165). Il se contente d'envoyer un règlement aux Lectourois, le 17 décembre suivant (BnF. Fr. 3186. F.°166).
90 Brunet, S. De l'Espagnol dedans le ventre. P. 63-82.
91 Bèze est à Nérac depuis le 25 août 1560 (Roussel, B. Jeanne d'Albret et «ses» théologiens, in: Jeanne d'Albret et sa cour: Actes du colloque international de Pau, 17-19 mai 2001 / Ed. E. Berriot-Salvadore, P. Chareyre, et al. Honoré Champion, 2004. P. 13-31).
92 Théodore de Bèze. Histoire ecclésiastique des Eglises réformées. Vol. 2. P. 340. L'enquête de 1563 n'identifie que 98 Biterrois impliqués dans l'iconoclasme. Ils sont de tous les milieux sociaux mais avec une surreprésentation de la basoche. On trouve cinq conseillers du présidial, le prévôt des maréchaux, une douzaine d'auxiliaires de justice. Sept sont qualifiés de consuls (actuels ou anciens) de Béziers et un de Saint-Chinian.
répand le bruit que le massacre de Wassy était prémédité, demande justice au roi. Cela ne l'empêche pas, en même temps, d'écrire aux Eglises de Languedoc, probablement dès le 16 mars, pour leur demander un secours en hommes et en argent. Il leur précise que la défense du roi, de sa famille et de la religion «estoit prise ce jour par M. le prince de Condé, qui à tel effect avoyt prins les armes»93. Le 20 mars, il envoie une autre lettre à toutes les Eglises de France pour les appeler à préparer leur défense. Après la Guyenne, les lettres de Bèze démontrent clairement la précocité de l'organisation militaire des Eglises en Languedoc. Lorsque Condé attaque Orléans, sa justification d'une prise d'armes en raison de la captivité du roi et de la sienne tombe enfin, et il apparaît comme un rebelle. Les villes de la vallée de la Loire, de Normandie, Lyon, tombent entre les mains des réformés. Au sud, il s'agit simplement de parachever un contrôle déjà efficient ; mais il ne l'était pas à Bordeaux, Toulouse ou encore Avignon, où les catholiques résistaient. Le cas de Montpellier, présenté par Jean Philippi, alors calviniste, atteste de la complicité des consulats. Devant la menace de la guerre et la militarisation des Mont-pelliérains, le 30 mai 1562, la Cour des Aides, première cour dans l'échelle des honneurs, assemble «toutz les estatz de la ville», le 30 mai 1562. Elle préconise de «faire cesser les armes», des deux côtés, à Montpellier et dans les villes voisines. Chacun se retrouve pour délibérer sur cette proposition en corps
fors et exceptés les Consulz et surveillantz, qui conclurent par leurs opinions ne povoir sur ce aulcune chose diffinitivement resoldre sans leur conseil, qu'estoit : celluy desd. Consulz, le Conseil ordinaire de la ville qu'on nomme des XXIIII, et des. Surveillantz le Consistoire, ayant pour lhors toute puissence et autorité en lad. ville, et sans lequel n'estoit rien fait.
Par quoy ne sortist effect lad. entreprinse, et n'en fut plus parlé, dont augmentèrent les troubles en lad. ville et pais de plus en plus. [...] D'aultant que jusques aud. temps ez villes de la religion et leurs diocezes et ressortz, qu'on nommoit classes, les surveillantz faisantz le
93 Guggenheim, A. H. Beza, Viret and the Church of Nîmes: National Leadership and Local Initiative in the Outbreak of the Religious Wars, in: Bibliothèque d'Humanisme et de Renaissance, 1975. Vol. 37. R 33-47. Cet auteur, avec Lucien Romier, pense qu'il s'agit là d'un ordre de mobilisation. Les appels des 5 puis 7 avril, signés par Bèze et Jacques Spifame, ne seraient qu'une riposte à l'action des triumvirs et d'Antoine de Bourbon, qui ont mis, avec fermeté, le roi et sa mère à l'abri.
consistoire avoint toute puissence, povoir et autorité d la police et guerre et les clefs des villes a leur modérations, neantmoins de noveau Monsr le baron de Crussol en chasque ville depputa certains personages d'entre lesd. surveillantz, et mesmes a Montpellier [...] leur donnant par ses lettres patentes toute puissence du governement des afferes aud. Montpellier et son ressort et classe, avec povoir de prendre dixmes et revenus ecclesiastiques, reliques, cloches et le tout emploier au fait de ceste guerre, lever gentz, saisir les persones et biens de ceulx qui se voldroint bander et monstrer adversaires de la religion, avec toutes clauses aultres, importantz puissence totelle requise a telz faitz.
Des lors fut d'abondant le peuple esmeu et promptement levées, tant de la ville que villages voisins, et dressées quatre ou cinq compagnies de gentz de guerre, tant a pied que cheval. Et, pour ce y avoit faulte de chefz, car la noblesse du pais et les gentilzhommes capables de telles charges ne s'y voloint emploier, furent baillées lesd. charges a de gentz de robbe longue, borgeois et aultres de bas estât, lesquelz, les uns volun-terement les acceptoint, les aultres estoint contraintz les prendre, mesme aulcuns des papistes q'on pretendoit gentz de faction. Et, pour armer ce peuple, fit fait reserche d'armes, tant en la ville que villages voisins, de toutes les maisons catholiques et de ceulx q'on estimoit de la religion, sans excepter les chasteaulx et maisons des gentilzhommes. [...]
Et a l'instar de Montpellier fut fait ez villes de Nismes, Alez et partout ou la religion estoit. De façon que s'assemblerent grandz compagnies, et toutes s'alerent rendre a Beziers devers Monsr de Crussol, dont commencea tout le pais estre fort troblé, mesmes que c'estoit au mois de juing et sur la fin, la saison plus propre de cueillir les bleds et fruitz94.
Le dimanche 3 mai, fête de l'Invention de la Sainte-Croix, l'insurrection calviniste est déclenchée à Béziers. L'iconoclasme s'abat sur la ville et sur ses environs. Si les troupes destructrices quittent Béziers entre la fin mai et le début juin 1562, la ville reste aux mains des protestants jusqu'à l'intervention d'Henri de Montmorency-Damville, le nouveau gouverneur du Languedoc, en novembre 1563. La messe est supprimée et les surveillants du consistoire, comme à Montpellier, forcent les habitants récalcitrants à assister aux prédications en les regroupant à coups de bâtons appelés «époussettes du consistoire»95. Comme à Fumel,
94 Philippi, J. Histoire des troubles de Languedoc. P. 67-71.
95 À Pamiers, où régnait la même théocratie, c'est sous la menace du nerf de bœuf que les catholiques étaient contraints d'assister aux prêches de trois ministres dès janvier 1562 (Vidal, J.-M. Schisme et hérésie au diocèse de Pamiers. Paris, 1931).
les basochiens exercent une justice de substitution. «Reyot de merde» entend Monluc en Gascogne, alors qu a Montpellier un pâtissier «dizoit que sil tenoit le roy lui faisoit crier des petiz patez», c'est-à-dire contre tout carême.
Des catholiques pris de court
Les catholiques, qui restent largement majoritaires contrairement aux assertions de Théodore de Bèze, tétanisés, ne réagissent pas. Les ligues d'Agen ou bien le «syndicat» de Bordeaux de l'automne 1561 ne suffisent pas. Il faudra attendre mars 1563 pour que soient formées, à l'instigation des cardinaux d'Armagnac, Strozzi, de Monluc, Terride, Nègrepelisse, Fourquevaux et Joyeuse, des ligues défensives catholiques qui s'efforceront de s'étendre sur tout le Midi96. Les protestants, par contre, qui ont noyauté des organes essentiels du pouvoir urbain, s'appuient sur des secours extérieurs. C'est Claude de Narbonne, baron de Faugères, qui se dit protecteur des Eglises de Lunas, Faugères et probablement Bédarieux. Mais les soldats viennent par centaines de plus loin, jusqu'au Rouergue et à l'Albigeois, avec la petite noblesse de la région. Le 30 mai, c'est Jacques de Crussol, seigneur de Baudiné, qui arrive avec son frère, seigneur d'Acier. En mai-juin 1562, les religionnaires de Nîmes l'ont placé à la tête des réformés du Languedoc, alors que son frère aîné, Antoine, est élu protecteur des réformés du Languedoc en novembre suivant. En juin 1562, on trouve Philibert de Rapin, qu'Antoine de Crussol nomme gouverneur de Montpellier en novembre suivant. En avril, il se trouvait à Castres. Après Lodève et Béziers, c'est Montpellier et toutes les villes du littoral qui passent rapidement sous son contrôle, en privant les catholiques du consulat97.
A Toulouse, comme à Bordeaux, la présence d'un parlement farouchement attaché à la défense du catholicisme permet de contrecarrer l'autorité du capitoulat et de 1 echevinage, quitte à empiéter sur leurs attributions. Ainsi, le 23 février 1562, le parlement de Toulouse n'hésite pas à prendre une ordonnance de police destinée à la surveillance de la circulation entre la ville et l'extérieur en interdisant tout propos contraire
96 Brunet, S. De l'Espagnol dedans le ventre. P. 176-202.
97 Serres, P. Abrégé de l'histoire du calvinisme de la ville de Montpellier, Montpellier: S. n., 1719. Réédition Serres, P. Abrégé de l'histoire du calvinisme. P. 37.
à la religion catholique98. En avril suivant, le capitoul Hunaud de Lanta est envoyé auprès du prince de Condé pour lui proposer de lui livrer la ville. Ces tractations viennent à la connaissance de Monluc, qui en informe le premier président du parlement Jean de Mansencal. Celui-ci suspend alors les capitouls en exercice et prend en main de gouvernement. Les protestants tentent malgré tout de s'emparer de la ville par surprise dans la nuit du 11 au 12 mai, mais ils échouent après de rudes combats.
Si les consulats de Narbonne et de Carcassonne (mais aussi de Leucate et d'Agde) parviennent également à résister à l'entrisme calviniste, c'est en raison de leur statut particulier de «villes de frontière» où «aucunes assemblées, presches, ni exercice de ladite nouvelle Religion» ne peuvent avoir lieu99. L'autorité d'un gouverneur tel que le baron de Fourquevaux permettait de garder les portes et même de tenir les suspects d'hérésie à l'extérieur de la cité, usant pour cela d'un stratagème que Viret dénonce avec amertume à Calvin100.
Nous pourrions détailler chaque cas, qui se décline selon un scénario identique : la prise de contrôle du consulat a préparé le soulèvement général. On retrouve les mêmes tentatives de prise de contrôle du consulat à Béziers, Ganges, Montagnac, Pézenas, Millau, Marsillargues et
98 Archives municipales de Toulouse. AA 302.
99 Déclaration de Charles IX, Paris, 24 avril 1562 (BnF. De Coislin. N.°153, reproduit par Vie, C. d., Vaissète, J. Histoire générale du Languedoc: Avec des notes et des pièces justiñeatives. Toulouse, 1874-1892. Vol. XI. P. 377-378; Vol. XII, Col. 599.
100 Sous le prétexte d'un duel imaginaire entre deux Espagnols au-devant des remparts, «tous les citoyens et presque tous les habitants» étaient sortis. À leur retour, les sentinelles refusèrent l'entrée aux suspects d'hérésie (Viret à Calvin, Montpellier, 23 mars 1562, Joannis Calvini epistolae et responsa. Genève, 1575. P. 270-271). Voir aussi Philippi, J. Histoire des troubles de Languedoc. P. 54. Mais il faut noter que, dès le 3 février, Joyeuse avait déjà ordonné que, dans les vingt-quatre heures, tous les étrangers qui logeaient dans Narbonne devaient se présenter devant Fourquevaux, sous peine de «l'estrapade et d'estre chassés hors de ladicte ville honteusement», et que tous ceux qui logeaient des personnes indésirables, à moins «d'un billet» de Fourquevaux, devaient les chasser, sous peine du fouet (Ordonnance de Guillaume de Joyeuse, 3 février 1562 (BnF. Fr. nouv. acq. fr. 25118. F.°44)). Une criée de même teneur avait été faite le 13 février suivant, précisant que les personnes hébergées devaient aussi déclarer «quelles armes ils ont rière eulx» (Archives municipales de Narbonne. BB 58. F.°16). Joyeuse renouvèlera cette mesure le 14 mai suivant (BnF. Fr. nouv. acq. fr. 25119. F.°36).
vraisemblablement à Uzès101. Le cas des Serres, de Villeneuve-de-Berg, est significatif. Olivier, dont le frère, Jean, était allé se former à l'Académie de Genève, est élu diacre. Le consistoire ne parvenant pas à obtenir un ministre de Nîmes (où une école de théologie avait été fondée en avril 1561), en juillet 1561, Jean adresse des lettres aux consuls de Villeneuve, mais aussi des autres villes réformées pour les enjoindre à bien s'organiser et à maintenir une correspondance entre elles. C'est alors que les Eglises du Vivarais se groupent en trois colloques (Annonay, Privas, Aubenas) pour former une province synodale. Le 4 janvier 1562, Villeneuve décide d'envoyer deux messagers à Genève et Olivier est l'un des deux élus. Une fois la guerre déclarée, c'est Olivier de Serres qui se charge de conserver chez lui les objets du culte et reliquaires des Églises de Villeneuve, avec la même attention qu'à Montpellier et dans les autres consulats102. Dans nombre de consulats méridionaux, la guerre sera l'occasion d'asseoir une conquête calviniste déjà réalisée.
La guerre religieuse a bien commencé dans le Midi de la France au moment de la conjuration d'Amboise. Les Eglises, qui sont prêtes à se battre en Provence, Dauphiné, Languedoc et Guyenne, entretiennent des relations plus ou moins secrètes avec les conjurés. Après l'échec d'Amboise, la mort de François II éloigne la répression103. La flambée iconoclaste de l'été et de l'automne 1561 participe ensuite d'une opération de contrôle des municipalités par les calvinistes. Il s'agit d'une action concertée, dont l'étude attentive mettra en valeur les participations croisées et l'influence directe de Genève. Si Calvin s'empresse de nier toute implication dans la conjuration d'Amboise puis dans les massacres suivants, le rôle de Bèze semble évident. Condé n'a qu'à lancer le mot d'ordre du soulèvement, au lendemain de Wassy, et chaque consulat peut asseoir son pouvoir sans partage, sans qu'il soit nécessaire pour cela que
101 AD de l'Hérault. G 1516 ; Guy, M. Les églises Saint-Pierre de Ganges. Études sur Ganges. Nîmes, 1996. P. 18-19.; Rouquette, J. Histoire de la ville de Ganges. Montpellier, 1904. Réédition Montpellier: Espacesud Éditions, 1987. P. 66-68. Daumas, J.-M. Marsillargues en Languedoc: Fief de Guillaume de Nogaret, «petite Genève». Marsillargues, 1984. C. 28-35; Bourrilly, V. L. Les préliminaires des guerres. P. 634.
102 Lequenne, F. La vie d'Olivier de Serres. Paris, 1970. P. 73-83; Mours, S. Le protestantisme en Vivarais et en Velay, des origines à nos jours. Montpellier, 2001. P. 40-41.
103 Bourrilly, V. L. Les préliminaires des guerres. P. 399-400.
des chefs militaires leur soient envoyés. Ce soulèvement général, fait de multiples soulèvements particuliers dont les chefs sont, après coup, reconnus par le prince de Condé, donne l'illusion que l'action n'est pas concertée. Conscient du poids des consulats, Damville en Languedoc et Henri de Navarre en Guyenne imposeront des consulats mi-partis. Outre une reconnaissance implicite du pouvoir municipal, ces mesures se révéleront une autre modalité du contrôle de calvinistes minoritaires sur le reste de la population104.
Information on the article / Информация о статье
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Серж Брюне
Доктор истории, профессор, университет Поля Валери в Монпелье (34090, Франция, Монпелье, ул. де Менд 199)
serge.brunet(3juniv-montp3.fr
УДК 94 (44)
Кальвинистские консистории и муниципалитеты французского юга во время первых религиозных столкновений (1560-1562)
Статья касается проблемы хронологического начала Религиозных войн во Франции, и автор приводит доказательства тому, что вопреки традиционной дате 1562 г., вооруженное противостояние католиков и гугенотов на юге страны началось гораздо раньше, когда под власть протестантов попали муниципалитеты Лангедока и Гаскони, от Лиона до Ла Рошели. Это обстоятельство может позволить лучше понять особенности устройства протестантских общин и скорость их мобилизации во время основных религиозных противостояний, которые предшествовали резне в Васси в 1562 г.
Автор оговаривает, что дата не может применяться к южным французским регионам, где в предшествующие годы протестанты уже овладели муниципалитетами и церквями, приступив к набору и вооружению солдат. Можно сказать, что религиозное противостояние на юге Франции начинается в начале марта 1560 г., в момент Амбуазского заговора. Церкви, которые были готовы к тому, чтобы сражаться в Провансе, Дофине, Лангедоке и Гиени, поддерживали более или менее секретные отношения
104 Brunet, S. De l'Espagnol dedans le ventre. 579 sq.
с заговорщиками. Иконоборческая вспышка лета и осени 1561 г. также имела непосредственное отношение к «операции по контролю» над муниципалитетами со стороны кальвинистов. Речь идет о продуманной акции, внимательное изучение которой подчеркивает косвенное и прямое влияние протестантской Женевы. Если Кальвин старался отвергнуть всякое участие в Амбуазском заговоре и далее в последующей резне в Васси, то роль Теодора де Безы в этих событиях кажется очевидной.
Ключевые слова: История Франции, XVI век, Религиозные войны, Лангедок, Гиень-Гасконь, католики и гугеноты, протестантские консистории, пасторы, история муниципалитетов, Кальвин, Теодор де Беза.
Serge Brunet
Doctor in history, professor, Paul Valéry University of Montpellier (34090, France, Montpellier, 199 Route de Mende)
serge.brunet(3juniv-montp3.fr
Calvinist consistories and southern consulates of France in thefirst religious conflicts (1560-1562)
The article studies the date of the beginning of the Religious wars in France. The author criticize the traditional date of 1562, because the armed opposition of Catholics and Huguenots in the south of the country appeared much earlier. It was the time when Protestants got municipalities of Languedoc and Gascony, from Lyon to La Rochelle. These circumstances could help to provide better understanding of the structure of the Protestant communities and speed of their mobilization during the main religious conflicts before the slaughter of Vassy in 1562.
This date can't be applied to the southern French regions, where Protestants had already seized municipalities and churches and started to recruit soldiers and arms. Religious opposition in the south of France, in the author's opinion, started at the beginning of March, 1560, at the time of Complot of Amboise. Churches which were ready to battle in Provence, Dauphiné, Languedoc and Guyenne maintained more or less confidential relations with conspirators. The iconoclastic outbreak in summer and fall of 1561 was also a part of the control operation of Calvinists. It should be seen as a deliberate action, that shows indirect and direct influence of the Protestant Geneva. If Calvin tried to reject any participation in Complot of Amboise and further in the subsequent slaughter of Vassy, Théodore de Beza's role in these events seems to be quite obvious.
Keywords: History of France, the 16th century, the Religious wars, Languedoc, Guyenne-Gascony, Catholics and Huguenots, Protestant consistories, pastors, history of municipalities, Calvin, Theodor de Beza.
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Archival materials
AGS archives
Estado K. 1497. N. 3.
Archives départementales de la Haute-Garonne
H 116. IIA.
Archives du château de Chantilly
L. Vol. XVIII. F. 119,124, 230.
Archives municipales de Narbonne
BB 58. F.°16.
Archives nationales de Russie (Moscou)
Fonds Lamoignon. Vol. 57. F°142. Vol. 59. F0 33.
Archivo General de Simancas
Estado K. 886. N. 170.
Bibliothèque nationale de France (BnF)
De Coislin. N.°153.
Fr. 15875. F.°35,154-162,166, 231, 264, 434-435.
Fr. 20507. F°136,142-143. Fr. 3158. F. 38, 45. Fr. 3182. F°29.
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PARTIE 3
THÉORIES ET PRATIQUES POLITIQUES DE LA GUERRE ET DE LA PAIX
Tatiana Debbagi-Baranova
LIBELLES ET JEU POLITIQUE PENDANT LES GUERRES DE RELIGION L'EXEMPLE DU PARTI PROTESTANT (1562-1570)
Depuis le Moyen Age, toute prise d'armes par les grands féodaux s'accompagne de déclarations publiques qui formulent leurs griefs et désignent les coupables de tous les maux du royaume. Les lettres et les manifestes sont envoyés au roi, aux nobles, aux principales villes et aux corps d'importance, tels l'Université ou le Parlement de Paris1. Des productions diffamatoires et satiriques, qu'elles soient orales, comme les chansons, ou écrites, comme les traités destinées aux élites, les accompagnent pour mieux fonder le bon droit des partis nobiliaires. Mais, au xvie siècle, le développement de l'imprimerie donne à ce phénomène une nouvelle importance car cette technique assure une diffusion beaucoup plus rapide de l'écrit qui déborde les anciens circuits de distribution.
Lorsque les historiens du livre se sont intéressés au rôle des libelles dans les guerres de Religion, ils ont d'abord cherché à répertorier leurs thématiques, à expliciter leur argumentation et à décrire cette production du point de vue matériel et éditorial2. Sa raison d'être apparaissait comme évidente: exprimer et influencer l'opinion publique dont le
1 Voir, par exemple, Guenée, B. L'opinion publique à la fin du moyen âge: D'après la Chronique de Charles VI du religieux de Saint-Denis. Paris, 2002.
2 On peut citer, pour l'étude des thématiques politiques des libelles, le livre à'Ariette, J. Le devoir de révolte: La noblesse française et la gestation de l'Etat moderne (1559-1661). Paris, 1989. De nombreux ouvrages ont été consacrés aux imprimeurs, protestants et catholiques: Droz, E. Barthélémy Berton, 1563-1573. Genève, 1960 et Droz, E. La veuve Berton et Jean Portau, 1573-1589. Genève, 1960; Desgraves, L. Les Haultin, 1571-1623. Genève, 1960; Desgraves, L. Eloi Gibier, imprimeur à Orléans (1536-1588). Genève, 1966; Pallier, D. Recherches sur l'imprimerie à Paris pendant la Ligue (1585-1594). Genève, 1976.
© Tatiana Debbagi-Baranova, 2016