УДК 316.77
МЕЖКУЛЬТУРНАЯ КОММУНИКАЦИЯ: ТРУДНОСТИ В ПОНИМАНИИ, НЕСМОТРЯ НА ВЛАДЕНИЕ ЯЗЫКОМ А. Барбо
THE OBSTACLES IN THE ORAL COMPREHENSION IN SPITE OF THE SPEAKING OF THE COMMON LANGUAGE A. Barbeau
COMMUNICATION INTERCULTURELLE: LES OBSTACLES À LA COMPRÉHENSION ORALE MALGRÉ LA CONNAISSANCE D'UNE LANGUE COMMUNE
А. Barbaux
Межкультурная коммуникация покрывает широкий кругозор знаний и различные умения. В данной статье автор не собирается дать новое определение межкультурной коммуникации и расширить рамки исследований данной научной области знаний. Он лишь пытается описать и понять некоторые специфические стороны межкультурной коммуникации с прагматической точки зрения. Нас особенно интересует лингвистическая и прямая коммуникация между несколькими участниками. Мы сфокусируемся на «устном» взаимодействии. Настоящее исследование основано на наблюдении преподавателя - носителя французского языка за иностранной культурой во время пребывания в другой стране. Речь идет о России, и этот преподаватель является автором данной статьи. Он опишет и проанализирует свой опыт общения с русскими студентами, коллегами и другими людьми в России. Цель анализа - выявить трудности в понимании, возникающие, несмотря на общее владение языком. Исходя из утверждения о том, что общее владение языком не всегда приводит к взаимопониманию, и о том, что у коммуникантов, говорящих на разных языках, разное представление о смысле слов, мы попытаемся ответить на следующие вопросы: Насколько велики трудности во взаимопонимании при межкультурном общении? Каковы очертания таких трудностей и причины их возникновения? Мы увидим, что есть ключевые моменты в понимании и непонимании. Прежде всего, мы проанализируем ситуацию, в которой была написана эта статья и определим первые границы нашего исследования. Затем мы сможем дать несколько существующих определений, необходимы для данной работы. И наконец, проанализируем различные ситуации, возникавшие в ходе межкультурного общения.
Intercultural communication covers a wide purview of knowledge and various skills. This paper is not going to redefine intercultural communication in a new way of work. It also does not want to widen this scope of researches. But it tries to describe and understand some specific parts of intercultural communication from a pragmatic point of view. We will be particularly interested in linguistic and direct communication between several persons. The "oral" interaction will be the focus of this research. The present study is based on a participant observation of a native French teacher in a foreign culture. It takes place in Russia and this French teacher also is the writer of this paper. He will must describe, analyze and understand his experiences among his students, colleagues and other Russians. The purpose of this analyze is to find the difficulties to communicate each other even if speakers may have a common tongue. Starting from the postulate that a common tongue does not necessarily mean that we speak the same language and we do not have a similar representation of words, we will try in this context to answer the following issues: To what extent misunderstandings between persons from foreign cultures, appears? What are the contours of these misunderstandings and what are the reasons? We will see there are some stakes to be understood as there are stakes to be not understood. First ever, we will describe and theorize the context in which this paper was written but we will also discover the first limitations of this study. And then we will able to give some pre-existing definitions related to this study. With this framework we will theorize the different contexts and social situations have occurred.
Ключевые слова: межкультурная коммуникация, адаптация, культура.
Keywords: intercultural communication, adaptation, culture.
La communication interculturelle englobe de manière générale un large champ de connaissances et de compétences diverses. Cet article n'a pas tant l'ambition de redéfinir - d'une nouvelle manière - la communication interculturelle, que dans élargir le domaine. Mais il s'attache plutôt à appréhender certaines composantes de la communication interculturelle d'un point de vue pragmatique. On s'intéressera donc plus particulièrement à la notion langagière et la communication directe entre plusieurs individus. Ce qui implique que l'interaction «orale» sera au centre de cette recherche.
Cet article se base avant tout sur l'observation participante et l'expérience d'un individu au sein d'une culture
étrangère. Il faudra ainsi décrire cette expérience, l'analyser et la comprendre pour découvrir quelles sont les difficultés à communiquer malgré le fait que les locuteurs ont la possibilité de parler une langue commune. En partant du postulat qu'une langue commune ne signifie pas forcément que nous parlons le même langage et n'avons pas une représentation similaire des mots, on tâchera dans ce contexte de répondre aux questions suivantes: Dans quelle mesure l'incompréhension entre des individus de culture étrangère, fait son apparition? Quels en sont les contours et les raisons? On verra qu'il y a des enjeux à se faire comprendre comme il y en a à ne pas se faire comprendre.
Dans un premier temps, nous énoncerons le contexte dans lequel a été rédigé cet article pour le théoriser plus facilement mais aussi découvrir les premières limites de cette étude. Ce qui nous permettra de cadrer les recherches et ensuite de donner une définition déjà établie de la communication interculturelle. Bien sûr, nous la définirons sous l'angle oùcet article se tourne, pour ainsi délimiter les recherches et ne pas se perdre dans un flot de données et de théories. Enfin nous tenterons de déceler les difficultés à communiquer avec une personne d'une culture étrangère. Il sera intéressant, pour mieux comprendre ces difficultés, de les accompagner de théories préexistantes mais aussi d'analyses contextuelles et des situations dans lesquelles a pu se trouver l'observateur.
Observation participative
Je me définis ainsi, un observateur étranger au sein d'une culture qui lui est étrangère. En tant qu'enseignant de français à l'université d'état de Kemerovo en Russie, je dois parler ma langue maternelle. Mais du fait que je vis sur le sol russe, je dois aussi m'accoutumer aux couleurs locales. Il est ainsi nécessaire pour moi de parler en russe malgré mon faible niveau. Il me semble important aussi de préciser qu'il m'est aussi possible de parler anglais avec une minorité de personne ayant fait des études d'anglais. Dans ce contexte la communication avec autrui devient inévitable, je dois me faire comprendre et être compris. De la même façon mes interlocuteurs doivent être compréhensibles et faire en sorte -ce qui n'est pas toujours le cas- que je les comprenne. Je deviens ainsi participant à cette «expérience» et non plus un simple observateur. Loin de moi l'ambition de dire que je fais de l'anthropologie participative, puisque dans ce cas je crée moi-même ces difficultés de compréhension que j'essaie de mettre à jours. Cela fait donc de moi un observateur quelque peu subjectif dans cette étude. Il me faut alors apprendre et comprendre une autre culture et cela de l'intérieur et non par un filtre extérieur subjectif, comme par exemplecelui des médias français.
On peut aussi se demander si l'observateur n'est lui-même pas sujet à unchoc culturel (Le choc culturel est la désintégration temporaire du «moi», qui se produit lorsqu'une personne se rend compte qu'elle a perdu la capacité de construire une vie stable et ayant un sens dans un contexte nouveau) [9]. Ce choc culturel implique pour celui qui le ressent, une ouverture totale à une autre culture. Le sujet laisserait de côté ses propres acquis culturels pour en intégrer de nouveaux.Cela implique qu'il s'est adapté -ou est en train de l'être- à un nouvel environnement, une nouvelle culture et que dans une certaine mesure, un nouveau «moi» a été créé. Si c'est le cas ici, cela voudrait dire que je serais «russifié» et posséderais une certaine maîtrise de la langue russe. Cette étude n'aurait alors aucun intérêt puisque les erreurs de compréhension seraient quasi nulles. Avant d'atteindre le choc culturel, la théorie énoncée par le laboratoire du Cinfo en suisse identifie des étapes antérieures. Les premiers temps cette nouvelle culture semble intéressante mais très rapidement le sujet soumis à cette nouvelle culture fait preuve de résistance contre son intégration. Effectivement on lui demande d'oublier ses valeurs, ses croyances, sa propre culture (comportement, style de communication, style vestimentaire, règles de bien séance...). Il doit ensuite apprendre, s'adapter et développer des stratégies pour survivre avant d'atteindre le choc
culturel. Nous considérerons dans ce cas que le sujet se trouve encore dans la période pré choc culturel.
Le fait est que l'observateur est enseignant de français, son travail consiste à transmettre les connaissances sur sa langue, sur sa culture et la société française. Il doit ainsi travailler en français avec une méthode de travail étrangère. Nous émettrons par conséquent l'hypothèse que l'observateur participant se trouve dans un cas particulier qui le tiraille entre une vie professionnelle franco/russe et une vie sociale qui se veut russe. Et il sera intéressant par la suite, d'identifier ces techniques et stratégies -volontaires ou involontaires- que le sujet développe pour s'adapter et survivre à ce nouvel environnement. Par exemple ce tiraillement continuel entre les deux cultures tend à lui faire imposer sa propre méthode de penser et de fonctionner au lieu de succomber au fonctionnement local. C'est dans ces moments que l'incompréhension du message apparaît, mais pas seulement puisque les actions et comportements qui en résultent, peuvent aussi être incompréhensibles. Nous traiterons partiellement ce deuxième point -même si il reste intimement lié à l'interaction entre les locuteurs- puisque ce n'est pas l'objet central de cette étude. Nous évincerons aussi volontairement de traiter des conditions et comportements idéals dans lesquels le sujet peut correctement s'acculturer. Il s'avère inutile de les comprendre et de les énoncer si nous souhaitons seulement analyser les problèmes d'interaction.
De la communication interculturelle à la linguistique
La partie précédente laisse clairement entendre qu'il est ainsi nécessaire de communiquer. Il va de soi que c'est une communication à double sens et qu'il y a une volonté d'interagir de tous les acteurs.Cela soulève un point particulier de la définition faite de la communication interculturelle par Stella Ting-Toomey. Il s'agit pour elle de deux personnes (ou deux groupes) de Cultures différentes en interaction, négociant un signifié commun [8]. La dernière partie de cette définition «la négociation d'un signifié commun» est le point qui nous intéresse particulièrement puisqu'il démontre de la volonté de communiquer mais aussi de se comprendre pour ainsi créer une intercompréhension. On utilise souvent la métaphore de l'iceberg pour parler de culture. La partie émergée de l'iceberg est ce que l'on voit de cette culture étrangère, c'est à dire les traditions, l'art et l'architecture, le comportement humain... Dans ce cas, ce qui nous intéresse c'est la langue et son utilisation. Quant à la partie immergée il s'agit des éléments imperceptibles, intrinsèques à cette culture. Ce sont les valeurs, normes et règles qui créent l'identité de l'individu.
Nous considérons dans cette étude que le signifié n'a de commun avec les interlocuteurs que le signe (la représentation physique) et parfois sa signification. Selon le linguiste Ferdinand de Saussure, le signifié désigne la représentation mentale du concept associé au signe dont cette représentation est elle-même influencée par la partie cachée de l'iceberg. Un signe pourra alors avoir une signification équivalente(équivalence lexicale) d'une langue à une autre mais pas la même valeur, la même représentation. Saussure fait aussi la différence entre signifié et signifiant. Ce dernier désigne l'image acoustique d'un mot, plus précisément sa prononciation. Ce concept se rapporte donc directement à la connaissance de la langue qui en soit, est aussi une difficulté à la compréhension interculturelle.Une mauvaise prononciation peut changer totalement le sens
d'un mot de la même façon qu'il ne pourra avoir aucun sens.
La langue, un système complexe de communication
La première difficulté à l'intercompréhension apparaît au niveau de la langue parlée par les interlocuteurs. Ce qu'on appelle plus communément la barrière de la langue.
Le signifiant et le signe, une première difficulté
Ayant beaucoup voyagé à l'étranger, étudié et même travaillé, j'ai appris à communiquer en anglais comme en français avec des personnes étrangères. J'ai donc façonné ma communication orale d'une certaine façon pour être compréhensible. Cependant pour la suite je vais prendre l'exemple de mon expérience en Russie en tant qu'enseignant de français langue étrangère.
J'évolue dans un milieu professionnel francophone avec des personnes ayant une très bonne connaissance de la langue française. De ce fait j'ai tendance à oublier que ce n'est pas leur langue maternelle. Par conséquent il m'arrive de parler très vite et peut être de ne pas trop articuler. Je dois ainsi m'adapter à mon interlocuteur et faire en sorte qu'il comprenne en modifiant ma façon de parler.
En ce qui concerne les étudiants à qui j'enseigne le français, ils sont respectivement répartis en trois classes, les troisièmes, quatrièmes et cinquièmes années.Il est donc normal que leur niveau de langue ne soit pas parfait et qu'ils aient des problèmes de compréhension et pour certains, de communication. Mais dans l'ensemble ils savent tous se faire comprendre. Le point intéressant sera d'étudier leur compréhension orale. Etant donné qu'ils n'ont pas tous le même niveau, je dois adapter mon vocabulaire et ma façon de parler suivant les classes et les étudiants. Après avoir constaté de leurs difficultés, j'ai ajusté ma façon de leur parler. J'ai ainsi mêlé le geste à la parole, procédé très répandu en français. Nous pourrions même dire que cela fait partie de la culture française de parler avec les mains, d'utiliser différents objets. Cette technique a pour but de donner forme aux mots et ainsi aider à en créer une représentation mentale où ils pourront y trouver des correspondances dans leur langue maternelle. De la même façon, je dois parler plus lentement en articulant correctement et bien sûr avec une prononciation adéquate. Il est aussi très important de répéter plusieurs fois les phrases, employant des synonymes. C'est, selon mon opinion, la condition nécessaire pour qu'ils assimilent correctement mon message que je réajuste constamment suivant les réactions de mes interlocuteurs.
Lorsque les étrangers parlent français -tout comme quand je parle une langue étrangère- Le signifiant joue un rôle important pour la compréhension. Il ne suffit pas de connaitre la signification, faut-il encore savoir la prononcer. C'est en ça que le français est difficile, puisque les règles de prononciation sont strictes et parfois très contraignantes. La langue de Molière dans son vocabulaire et sa conjugaison possède de nombreuses lettres et syllabes muettes. Il est aussi indispensable de faire la liaison sonore entreles mots. Autant que le lexique et autres règles de grammaire et conjugaison, le signifiant joue un rôle important dans le bon encodage du message. Toutes ces caractéristiques de la langue française, ne sont-elles pas une des causes du niveau médiocre des français en langues dites «exotiques»?
Deuxième difficulté, des perceptions différentes du signifié
Toujours en ce qui concerne la pratique du français, nous allons constater que les problèmes ne concernent pas
uniquement le niveau de connaissance de la langue, la signification et le signifiant. Mais elles se compliquent aussi au niveau du signifié. Il fut intéressant de constater la réaction de mes étudiants et d'autres personnes de mon entourage lorsque mes mots avaient un autre sens à leurs oreilles. Le mot est commun à tous les locuteurs, mais il a une valeur différente. J'ai remarqué ce phénomène lors de mon premier cours avec une classe de troisième année. Après avoir expliqué un exercice à faire durant le cours j'ai dit à mes étudiants «Allez-y, faites-le». Leur réaction fut surprenante. Ils ont rangé leurs affaires et ont essayé de quitter la salle de cours. Ils ont ainsi cru que je leur disais qu'ils pouvaient partir. C'est à ce moment que je me suis interrogé sur leur perception de la langue et émis quelques hypothèses. La première étant qu'ils n'ont pas un niveau suffisant en français pour en saisir ses subtilités et en comprendre le sens des expressions. Ce qui me mène à penser que traduit en russe cette expression «Allez-y» indique -dans une certaine mesure- uniquement l'action de partir et non celle de faire quelque chose. En conséquence, cette expression à un sens différent dans leur esprit. Cependant nous pourrons aussi nous demander si ce n'est pas un avantage pour eux de ne pas saisir le second sens de cette expression. Effectivement, les étudiants sont plus gagnants à croire qu'ils peuvent quitter le cours que d'y rester pour travailler. Le savaient-ils?
Notre langue, nos traditions, notre histoire, notre culture ainsi que notre expérience personnelle forme en nous un filtre culturel. Il est invisible mais omniprésent il dessine nos valeurs et nos façons de communiquer. Ainsi nous avons acquis une manière particulière de voir le monde en fonction de notre groupe d'appartenance, dans ce cas la culture de notre pays. De nombreuses études et observations montre bien que c'est en fonction de ce filtre culturel que nous interprétons les événements qui se déroulent autour de nous. Nous allons aussi montrer que ce filtre influe, même dirige nos styles de communication verbales ou non verbales.
La langue est avant tout la traduction verbale de la représentation mentale qu'une culture se fait du monde. D'une culture à l'autre on voit les mêmes choses cependant on s'en fait une représentation différente. Ainsi pour un même mot traduit en plusieurs langues, nous auront une manière différente de penser ce mot. Commençons par prendre quelques exemples tirés de l'anglais. En traduisant le mot français «mouton» en anglais cela donne «mutton» et «sheep». Cependant contrairement à la langue française c'est deux mots désignent des choses qui ont des valeurs différentes. Le premier désigne la viande de mouton tandis que le second, l'animal. C'est une difficulté évidente pour le français anglophone qui souhaite s'exprimer en anglais et ne connait pas cette différenciation culturelle. Effectivement en France le mot «mouton» signifie aussi bien la viande que l'animal. Seul l'emploi des articles peut les différencier dans une phrase. A contrario le mot anglais «safe» qui se traduit littéralement par «sécurisé» servira à nommer et représenter de nombreuses choses comme un coffre-fort, ou sera utilisé en tant qu'adjectif pour qualifier certaines notions, là où en français il y a un mot précis. Le mot composé «safe place» décrit un endroit sécurisé où il n'y a aucun danger. En français on dira «une planque» du verbe «planquer» qui signifie se cacher. Ce qui veut dire que dans la représentation française ce n'est pas un endroit sécurisé mais un lieu où l'on se cache.
Malheureusement ma mauvaise connaissance de la langue russe m'empêche de prendre le même genre d'exemples. Cependant nous pourront expliquer en quoi de nombreux mots et expressions de la langue française n'ont pas le même sens pour les russes francophones. Le français est une langue stylistique qui utilise de nombreuses métaphores. Les définitions premières des mots peuvent ainsi changer et s'inscrire dans une dynamique de représentation particulière des choses. L'évolution de la langue y joue aussi un rôle particulier dans la conception de cette dynamique des représentations. Le vocabulaire français intègre de plus en plus de mots tirés de l'anglais ou de l'arabe tandis que d'autres ont littéralement perdu leur sens premier. Pour prendre des exemples simples et facilement compréhensibles, comment un étranger peut-il comprendre sans explication si on lui dit qu'il prend le train en marche lorsqu'il arrive en retard à un événement qui a déjà commencé? D'un air ahuri il nous dirait qu'il ne voit pas de train. Ceci est aussi valable pour les expressions «bruler les étapes», «brûler les planches». L'interlocuteur se demanderait s'il y a le feu.
Il en est de même avec la langue russe où je n'en saisis pas toutes les subtilités. Un très bon exemple de la différence entre le signifiant et le signifié est celui du mot «cours» que l'on peut traduire par «курс». Ces deux mots sont quasiment transparents. Lorsque je demandais à des étudiants en quel cours ils allaient, ils me répondaient qu'ils étaient en 3ème cours. Ils n'avaient apparemment pas compris. Le mot «cours» signifie en russe, l'année dans laquelle on se trouve à l'université.
De nombreux russes m'ont traduit des plaisanteries et histoires drôles en français ou en anglais qui ont perdu tout leur sens de l'humour et ne voulaient plus rien dire. Ces deux langues n'avaient pas la possibilité de donner une signification exacte à un signifié culturel.
Certains me diront que je me trompe et cela est possible, je ne suis pas expert en langue russe. Les notions de verbe perfectif et imperfectif démontrent d'une autre représentation du temps de l'action dans la culture russe. Il n'y existe aucune correspondance en conjugaison française, sauf en faisant preuve de gymnastique grammaticale.
La communication non verbale à l'origine des contres sens
La communication non verbale tient aussi un rôle très important dans le système d'interaction. Nous le savons, ce type de communication s'inscrit aussi bien dans la gestuelle que dans le style vestimentaire, la façon de se tenir, la proximité avec l'interlocuteur, le ton de la voix etc. Il est inutile de rappeler que ce style de communication -il en existe de nombreux- est aussi forgé par le filtre culturel et qu'il est différent suivant les individus même au sein d'une culture similaire. Puisque cette étude porte sur l'interaction orale, intéressons-nous au ton de la voix. Mis à part les différents accents que l'on trouve dans les régions de France, le français est réputé pour avoir un ton de la voix qui est froid et linéaire. Mais suivant le contexte et la façon dans lesquelles les personnes veulent communiquer, tout peut changer. Pour exprimer des sentiments (de l'ironie, de l'humour, de la colère ou tout simplement pour être satirique) le ton de la voix peut changer pour ainsi donner une autre signification au message.
C'est ainsi qu'à plusieurs reprises j'ai eu du mal à comprendre réellement les intentions de mes interlocuteurs. Ils utilisaient des intonations vocales qui laissaient penser
qu'ils me cachaient quelque chose ou qu'en réalité ils pensaient le contraire. J'ai pensé qu'ils faisaient de l'ironie ou de l'humour à certains moment alors que ce n'était pas le cas. Par exemple lorsqu'on me répond «oui, je le ferai» d'une manière nonchalante et sans aucune motivation, tout me laisse croire qu'ils me mentent. Lorsque qu'on me souhaite «la bienvenue» j'ai en réalité l'impression de déranger. Je me suis même offusqué de certaines réactions exagérées. Mais après une mise au point avec mes interlocuteurs, il semble qu'ils aiment jouer avec leur accent étranger et que c'est un jeu pour eux d'utiliser différentes tonalités dans la langue française. Cela la rend semble-t-il encore plus belle. En générale la communication non verbale et plus significative et l'emporte sur le verbale. Mais ce n'est valable que si nous avons unmême système de valeurs et pensées.Ce qui ne fut pas le cas ici.
Un langage au sein même de la langue
En conclusion de cet article nous voyons que l'incompréhension orale passe par des facteurs verbaux et non verbaux. Dans ces exposés sur la communication verbale et non verbale on se rend compte que pour décrire la réalité nous utilisons des codes culturels. Le courant sociologique de l'école de Palo Alto aux Etats Unis envisage la communication comme un ensemble de codes interdépendant qui forment des langages (Le courant de pensée de l'école de Palo Alto tient son nom de la ville de Californie (USA) où il est né dans les années 50. Ces scientifiques plus proches du domaine technique que de la sociologie ont énoncé de nombreuses théories de la communication. Au sein d'une interaction il y a tout un ensemble de codes qui sont communs aux interlocuteurs pour qu'ils puissent se comprendre. Parmi ces codes il y a par exemple le code analogique qui comprend le «signifiant», le «signifié» ainsi que la communication non verbale. Il en découlera ce qu'ils appellent le langage analogique (l'addition des éléments composant le code) qui sera la façon dont la personne communique).
La culture devient ainsi un langage au sein même d'une langue commune. Selon l'anthropologue Edward T Hall, la culture est un «langage silencieux» [5 - 6]. Ce langage devient le principal obstacle dans la communication entre les ressortissants de différentes nationalités. L'anglais par exemple, une langue aux multi langages culturels, est parlé sur tous les continents. Elle ne traduit pas uniquement de la culturelle anglaise mais aussi celle de l'Amérique du Nord, de l'Australie, et bien sur des Indes où la culture est largement opposée à celle de ces pays anglophones. Cette langues'est d'ailleurs imposée entre toutes les cultures européennes comme «langue commune». Un bon interprète n'est pas celui qui traduit les mots d'une langue à l'autre mais celui qui sait décoder les langages cachés au sein des différentes langues avec lesquelles il travaille.
L'affirmation du soi, une étude envisageable
Nous pourrons aussi déduire de cette étude qu'inconsciemment comme le montre les études des Cultural Studies, que les personnes en interactionusent des particularitésde leur culture pour agir et s'affirmer. Mais peut-il le faire consciemment? Il est fort probable que oui. Les messages au sein d'une interaction entre un ou plusieurs individus n'ont pas qu'un seul but informatif selon la sociologie de Pierre Bourdieu [2]. Au-delà du simple désir de se comprendre il y a d'autres enjeux gravitant autour de stratégies de communication liée à l'identité. L'actualité internationale est riche en exemples où les protagonistes
usent de leur culture pour mettre en avant leurs intérêts. Dans le cadre de cette étude, lorsque que l'on a conscience de son filtre culturel et celui de son interlocuteur, on a la possibilité de manipuler ce dernier. Effectivement, faire croire que l'on ne comprend pas l'autre nous permettra d'accéder à certaines choses qui nous auraient étés interdites si l'on avait tout compris. Les gens auront alors tendance à être plus compréhensifs. Dans la mesure où la cul-
ture justifie certaines actions, il sera facile de dire pour s'expliquer que les mots avec lesquels nous nous sommes mis d'accord n'avaient apparemment pas le même sens dans notre esprit. Ces faits observés dans ce dernier paragraphe ne sont encore qu'au stade théorique et purement hypothétique. Nous ne grattons qu'à la surface d'une problématique large et bien trop complexe qu'il faudra envisager pour compléter cette étude sur du long terme.
Литература
1. Bo Shan. La communication interculturelle: ses fondements, les obstacles à son développement, Communication et organisation [En ligne], 24. 2004, mis en ligne le 27 mars 2012. Режим доступа: http://communication-organisation.revues.org/2928
2. Bourdieu P. Ce que parler veut dire: L'économie des échanges linguistique. Fayard. Paris. 1982.
3. Chaplier C. COMMUNICATION INTERCUTLURELLE. Exemples de rhétorique et de pragmatique culturelles // Educaçâo, Sociedade & Cultura. 2012. № 35.
4. Communication & Organisation. Режим доступа: http://communicationorganisation.revues.org
5. Hall E. T. La dimension cachée. Seuil: Paris, 1978.
6. Hall E. T. Le langage silencieux. Seuil: Paris, 1984.
7. Sciences Humaines. Режим доступа: http://www.scienceshumaines.com
8. Ting-Toomey S. Communicating across cultures // The Guilford Press. New York: London, 1999.
9. Véronique Schoeffel, CINFO, Phyllis Thompson, communication interculturelle, volume 1, édition Cinfo, Bi-enne, 2007.
Информация об авторе:
Барбо Александр - преподаватель английского языка в языковой школе г. Нанси (Франция), barbaux.a@hotmail.fr.
Alexandre Barbaux - teacher of English at a Language School in Nancy (France).
Статья поступила в редколлегию 24.12.2014 г.