УДК 81:39(6) ББК Ш100.63
ГСНТИ 16.41.41
Код ВАК 10.02.22
К. Ж. Н'Гессан
Абиджан, Кот-д'Ивуар
(МУЛЬТИ/ИНТЕР)КУЛЬТУРАЛИЗМ И ПРИЗНАНИЕ КУЛЬТУРНОЙ ИДЕНТИЧНОСТИ: СТАВКА ДЛЯ АФРИКИ
АННОТАЦИЯ. В настоящей статье анализируются интеркультурные отношения в мультикультурном африканском контексте, связанные с культурной идентификацией. Речь идет об осмыслении того, как африканцы могут или должны мириться со своими культурными различиями и своеобразием, стремясь при этом к общности. Другими словами, автор предлагает рассмотреть, как желание быть самим собой, самоутвердиться в разнородном культурном пространстве, который стремится к однородности, включается в дискуссию о культурном разнообразии, межкультурном сосуществовании. Опираясь на исследования культур и осуществляя междисциплинарный и комплексный подход, мы подходим к изучению широкого культурного африканского пространства, с одной стороны, как культурного богатства. С другой — проанализируем это богатство как место строительства «африканской супер-культуры», которая может помочь африканскому континенту утвердить свою идентичность и противостоять ее подавлению.
КЛЮЧЕВЫЕ СЛОВА: мультикультурализм, интеркультура-лизм, культурная идентичность, лингвокультурология, панафриканизм, суперкультура.
СВЕДЕНИЯ ОБ АВТОРЕ: Куадио Жермен Н'Гессан, доктор философии, доцент Департамента Английского языка, Университет Феликс Уфует-Буани, Кот-д'Ивуар.
Адрес: 01 почтовый ящик V 34, Абиджан 01, Кот-д'Ивуар, каб. 5А. E-mail: kouadiogermain@yahoo.fr.
K. G. N'Guessan
Abidjan, Côte d'Ivoire
(MULTI/INTER)CULTURALISM AND IDENTITY RECOGNITION: STAKE FOR AFRICA
ABSTRACT. This paper analyzes intercultural relationships in African multicultural context for identity recognition. It tries to respond to the question of how Africans can or must assume their difference, their specificity while seeking to belong to the same collectivity. In other words, it is about seeing how the desire to be «self», to assert oneself in a heterogeneous set that intends to be homogeneous is invited in the debate on cultural diversity and coexistence between cultures. Learning on Cultural Studies, a transdisciplinary and transversal approach, it explores, on the one hand, the vast African cultural space as wealth. On the other hand, it inspects this wealth as a place of construction of an «African super-culture» likely to help the continent assert its identity and face its muzzling.
KEYWORDS: multiculturalism; interculturalism; cultural identity; linguo-culturology; pan-Africanism; superculture.
ABOUT THE AUTHOR: N'Guessan Kouadio Germain, Ph.D, Associate Professor of English Department, University Felix Houphouët-Boigny, Côte d'Ivoire.
Introduction
Dans le contexte mondial actuel où les regroupements régionaux/sous-régionaux sont un gage de coopération, de solidarité et d'échanges, les cultures africaines et leurs interrelations constituent un enjeu important. Les questions récurrentes qui se posent aux intellectuels et chercheurs relèvent du «différent» et du «même». Il s'agit notamment de voir comment l'on peut affirmer sa singularité mais en même temps sa collectivité. En d'autres termes, comment peut-on vivre avec autrui tout en assumant sa différence avec lui; être à la fois «dedans» et «dehors», partager ce qui constitue pourtant notre différence? Dans ce labyrinthe, les identités
© Н'Гессан K W., 2016
Dans ce travail, «Cultural Studies» et «études culturelles» renvoient au même concept. Nous les utiliserons donc concomitamment sans toutefois que cela affecte nos propos.
nationales, qui prennent corps dans les cultures des peuples, deviennent le cœur même d'une nouvelle pensée, une nouvelle façon d'agir et d'être. Le désir d'être soi dans un ensemble hétérogène qui se veut pourtant homogène actualise dès lors le débat sur la diversité culturelle ainsi que les rapports de coexistence entre les cultures. Une réflexion sur ces questions revient dans un premier temps à analyser le vaste espace culturel africain comme une richesse. Dans un second temps, elle invite à voir comment cette diversité culturelle peut aider à bâtir une «super-culture africaine», au sens panafricaniste du terme, pour faire face au bâillonnement du continent. Pour atteindre ce double objectif, nous nous appuierons sur les «Cultural Studies» (études culturelles) en tant qu'approche transdisciplinaire et transversale dans sa critique des relations interculturelles.
1. Espace africain et diversité culturelle
Cette première partie de notre travail traite de l'espace culturel africain en tant que diversité et richesse. Dans un premier temps, elle analyse quelques cultures prises pêle-mêle à travers le continent pour montrer cette diversité ainsi que cette richesse. Dans un second temps, elle examine cette diversité dans une perspective de reconnaissance identitaire à travers la célébration, par les peuples concernés, de leurs valeurs culturelles.
1.1. Au cœur des cultures africaines
Le continent africain est un vaste espace où cohabitent plusieurs cultures. Il s'agit, en l'espèce, d'un multiculturalisme, à la différence du mono-culturalisme qui se réfère à un espace habité par une communauté partageant la même culture. La Côte d'Ivoire par exemple compte une soixantaine de groupes ethniques. C'est dire qu'on se retrouve avec environ soixante cultures qui se côtoient. Dans un tel espace, il apparait impossible de créer une culture consensuelle, une identité culturelle à laquelle tous les membres des différents groupes peuvent s'identifier et se reconnaître. A la réalité, ici comme ailleurs en Afrique, il est quasiment impossible de parvenir à une telle identité du fait des divergences énormes. La volonté de privilégier une culture conduirait à coup sûr à des situations aux conséquences imprévisibles. Des sources fiables — Nouvelles Technologies de l'Information et de Communication (NTICs), documentaires télévisés, livres entre autres — nous renseignent sur cette question. Toutefois, l'intérêt n'est pas de mettre l'accent sur
cette diversité simplement comme un ensemble d'éléments composites. C'est ici que les Cultural Studies, comme courant de recherche alliant entre autres, sociologie, anthropologie culturelle, philosophie, ethnologie, littérature et arts trouve tout son sens. Ainsi, pour mieux apprécier les pratiques culturelles des peuples en présence, plusieurs sciences doivent être convoquées. Par exemple, pendant que l'anthropologie culturelle va étudier leur versant culturel, la sociologie va aider à comprendre et à expliquer l'impact de la dimension sociale sur leur façon de penser ainsi que leurs comportements. D'autres sciences comme les arts peuvent aider à mieux comprendre leur réalité culturelle.
Notre démarche s'inscrit dans une perspective qui nous permet d'analyser l'espace culturel africain comme un tout homogène. Il ne s'agit donc pas de nous appesantir sur les différences parce qu'elles n'existeraient pas ou que nous les ignorons. Une telle posture impliquerait un reniement de l'identité des peuples africains et celle de tout le continent, un rejet de notre «moi». Dès lors, notre préoccupation est d'interpréter la mosaïque culturelle africaine comme une richesse et non comme un lieu possible d'affrontements et de confrontations entre les cultures, une quête permanente de suprématie ou d'hégémonie. Mieux, nous cherchons à dégager un dialogue, une communauté. Vues sous cet angle, les identités culturelles africaines sont à mettre sur le même paradigme existentiel. L'environnement africain devient donc un lieu où les cultures, plutôt que d'entrer en conflit, entretiennent des rapports d'égalité et d'échange.
En parcourant l'Afrique de l'Est à l'Ouest, du Sud au Nord en passant par le Centre, on découvre un riche patrimoine culturel. La vie des peuples, leurs habitudes culinaires ou vestimentaires, leurs folklores, leurs coutumes, etc., marqueurs de leurs identités, constituent autant de curiosité à découvrir. Pour mieux apprécier cette diversité culturelle et mieux la comprendre, il convient de convoquer plusieurs approches scientifiques; d'où notre intérêt pour les études culturelles. En effet, dans son interrogation qui constitue d'ailleurs le titre de son ouvrage What is Cultural Stuides? A Reader (1996), John Storey, citant Colin Sparks, écrit:
It is not possible to draw a sharp line and say that on one side of it we can find the proper province of studies. Neither is it possible to point to a unified theory or methodology which are characteristic to it or of it. A veritable rag-bag of ideas, methods and concerns from
literary criticism, sociology, history, media studies, etc., are lumped together under the convenient label of cultural studies. (1)
Selon l'approche des études culturelles, l'importance de la culture dérive du fait qu'elle aide à construire la structure et la forme de l'histoire. La culture apparaît alors comme un lieu de lutte permanente de classes, un lieu où les groupes dominés tentent de résister aux idéologies des groupes dominants (Ibid, 3). En clair, les études culturelles articulent la culture comme un espace pour les peuples d'exprimer leurs relations sociales.
Bien que complexe, cette approche scientifique relève d'un domaine aussi vaste et diversifié que celui où plusieurs cultures cohabitent. De ce point de vue, elle peut bien s'appliquer au contexte culturel africain. Car en fait, on ne peut pas comprendre les cultures des peuples sans comprendre leur histoire, leur sociologie et tout ce qui fait leur singularité. Ce désir de compréhension permet d'appréhender leurs rapports avec les autres peuples et leurs cultures.
Les images ci-dessous, bien que ne constituant pas un échantillon représentatif, témoignent en quelque sorte d'une Afrique multiculturelle et multiethnique.
Danse dogon (Côte d'Ivoire) Massaï (Kenya)
La compréhension et l'interprétation de ces images invite à remonter à l'histoire des peuples dont elles sont issues, leurs habitudes, leurs coutumes, leurs vies quotidiennes, en un mot tout ce qui crée leur différence par rapport aux autres groupes, leur singularité dans l'ensemble hétérogène auquel ils sont pourtant membres.
Tout en affirmant leur spécificité, les peuples Dogon et Massaï expriment respectivement leur appartenance à des sous-groupes qui eux-mêmes appartiennent à des groupes culturels plus larges (communautés, villages, régions, pays et, dans le cadre de cette étude, le continent africain). Cette expression d'appartenance est aussi une invitation aux membres des autres groupes à considérer les cultures Dogon et Massaï au même titre que leur propre culture. Ce faisant, ils démontrent que l'identité culturelle se construit, se pratique, se vit à partir d'une conscience collective que l'on appartient à un même groupe au sein duquel l'on partage les mêmes pratiques et cultures. Elle se construit également sur la base de l'expérience vécue, des pratiques qui s'acquièrent au cours de la vie, par la socialisation. C'est justement par cette prise de conscience que l'individu parvient à défendre ces valeurs. Pour défendre son identité culturelle, le Dogon ou le Massaï tout, comme chaque membre d'un groupe culturel ou ethnique donné, doit s'identifier à son groupe et partager ses pratiques avec les autres membres du groupe. Toute ignorance de sa part peut conduire à la perte de ses racines culturelles. Dès lors, le désir d'affirmation et de reconnaissance de son identité culturelle renvoie à une perception plus large de ce concept comme l'expression de son identification aux autres membres de son groupe et sa différence aux membres des autres groupes. Avec les membres de son groupe, il cultive une appartenance ou une identité groupale. Par contre, avec ceux des autres groupes, il développe une idéologie de différentiation.
Notre choix des peuples Dogon et Massaï — situés à deux extrémités diamétralement opposées du continent - est fait à dessein. Il aide à mieux saisir le sens de la diversité culturelle à laquelle nous faisons allusion comme une richesse pour le continent africain. Il ne relève pas d'une question de proximité ou d'éloignement mais est plutôt lié aux us et coutumes qui font de chacun de ces peuples une entité différente dans le vaste ensemble culturel africain. Le fait donc de choisir des peuples très éloignés offre moins de chance pour que les pratiques culturelles de l'un se retrouvent chez l'autre. Cette situation renforce la notion de richesse culturelle africaine sous la forme d'une multiplicité, d'une diversité.
La sculpture des masques dogon, les accoutrements des danseurs, les cauris, les ornements en forme de collier que l'œil averti peut voir et apprécier sur les images ci-dessus témoignent de la richesse des cultures massaï et dogon. Comme on le voit, une bonne analyse des images ne peut se faire séparément de
l'exploration de la culture des peuples concernés, leur comportement, leur façon de penser. Tout une poétique se dégage de ces images, traduisant ainsi la volonté de ces peuples d'exprimer une identité propre à travers la célébration de leur culture.
1.2. Célébration culturelle et reconnaissance identitaire
Dans sa déclaration de Mexico sur les politiques culturelles, l'UNESCO définit la culture en ces termes :
La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. (Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City, 26 juillet — 6 août 1982)
Prise dans cette acception, nous pouvons dire que dans l'ensemble, les cultures africaines sont aussi riches les unes que les autres et aussi diversifiées qu'il existe de peuples sur le territoire continental. Chaque peuple possède une gamme de pratiques qui relèvent de son vaste patrimoine culturel qu'il tente de protéger, valoriser et faire connaître par les autres peuples. Ce désir de valorisation de la culture se réalise souvent à travers des cérémonies au cours desquelles on assiste à des parades et des célébrations.
Il convient d'indiquer que dans ce travail, nous nous appuyons sur la Côte d'Ivoire et d'autres peuples pris au hasard sur le continent. Il s'agit en effet d'un échantillon pour montrer la diversité et la richesse culturelle africaine. L'analyse consiste à voir comment ces peuples célèbrent différemment leurs cultures en tant qu'éléments constitutifs donnant du sens à leur existence. Ainsi, en Côte d'Ivoire par exemple, la fête des ignames chez beaucoup de peuples Akan (Est et Centre du pays), loin de son aspect festif, revêt tout un aspect culturel ancré dans la tradition des peuples concernés. Lors de ces célébrations, les tenues vestimentaires, les différents mets, les danses, entre autres traduisent l'héritage culturel que ces peuples ont hérité de leurs ancêtres. Cette même fête est également pratiquée chez les Ibos du Nigéria.
Par ailleurs, la célébration de la diversité culturelle africaine se retrouve chez les Adjoukrou, Attié, Ébrié (peuples du Sud de la Côte
d'Ivoire) avec les fêtes de génération. Bien que ces fêtes soient des lieux de réjouissance et d'ambiances carnavalesques, elles ont un caractère hautement culturel. Ici, les peuples concernés montrent leur grand attachement à leurs traditions et cultures. Aussi la fête de génération a un aspect politique car elle consacre la transmission du pouvoir d'une génération (sortante, plus âgée) à une autre (entrante, plus jeune). Chez les Adjoukrou, cette fête est connue sous le nom de «Low» et est célébrée chaque cinq ans et sur une période de trois à cinq semaines selon les villages. Elle concerne les jeunes hommes âgés de 18 à 25 ans et est obligatoire pour tout jeune car elle permet d'accéder aux différentes classes d'âge (sept au total) : Sêtê, N'djrouman, Abrouman, M'bédié, M'borman, Nigbéssi, Bodjl. Chaque classe est composée de 4 catégories : Odjogba (les aînés), Bago (les puinés), Kata (les cadets), Boman (les benjamins). Ainsi, la fête de génération permet d'accéder à une catégorie. Elle confère une identité sociale à l'individu et atteste de la maturité du jeune homme. C'est le fondement de la vie sociale, politique, économique et guerrière dans le respect des normes et des valeurs. Elle se déroule tous les 2 ans, par catégorie, dans la période d'août à septembre (http://www.agendart-ivoire.com/index.php?/echos-du-village/low-fete-de-generation-adjoukrou.html#.V4-UqNJXiko). Dans la même veine, la fête de génération comme fête communautaire et de célébration des valeurs culturelles et traditionnelles se retrouve aussi chez les Sénoufo du Nord de la Côte d'Ivoire à travers le Poro. Nous ne rentrerons pas dans les détails de cette pratique car le Poro est tout un parcours initiatique. Cependant, nous en faisons référence essentiellement comme lieu de célébration des valeurs culturelles des peuples Sénoufo.
En multipliant les comparaisons, on parvient à voir une Afrique aux multiples cultures réparties selon les lieux d'occupation des peuples. Toutefois, avec les migrations et les mariages intercommunautaires ou interethniques, les frontières culturelles se déplacent voire fusionnent. Sans vouloir faire une étude qui relève purement des sciences sociales et humaines ni se contenter d'une analyse trop réductionniste et parcellaire, notre stratégie vise à démontrer que l'approche des études culturelles est idéale pour comprendre la diversité culturelle africaine comme une richesse à exploiter.
A la réalité, les différents groupes ou peuples célèbrent différemment ou accordent une attention particulière à ces fêtes selon leur origine ou leur histoire. Ces divergences existent partout sur le continent et chaque communauté, groupe culturel ou ethnique
tente de valoriser les siennes. Il serait alors prétentieux voire méprisant de vouloir les classer ou les hiérarchiser. Car chacune des cultures, prise individuellement, participe à la diversité culturelle dont le continent doit s'enorgueillir.
Par la célébration des valeurs culturelles, les peuples expriment non seulement un désir d'identification à un projet ou à un idéal commun mais aussi une volonté de construction d'une identité propre. L'essentiel de cette construction identitaire va désormais au-delà d'une soif d'existence ou de paraître pour devenir une invitation à reconnaître leur identité. Les danses, les tenues vestimentaires, les habitudes culinaires, participent à cette invitation. En fait, il s'agit d'un «nous collectif» qui interpelle un «tu» ou un «vous collectif» à reconnaître qu'il existe et qu'il veut être reconnu comme tel quel. La différence devient dès lors non un simple acte de distinction ou de catégorisation mais un acte d'acceptation de l' «autre», cet autre qui existe parce que j'existe et que je dois reconnaître de la même manière que je veux qu'il me reconnaisse. Une question de réciprocité existentielle donc.
On retiendra dans cette partie de notre analyse que l'Afrique demeure un vaste espace où les différentes cultures se côtoient au quotidien dans un rapport d'interaction, d'échange et de coexistence. Cet espace multiculturel d'échange interculturel constitue une immense richesse pour le continent car elle peut permettre de jeter les bases d'une «super-culture africaine» où tous les citoyens peuvent cultiver cette solidarité jadis caractéristique aux peuples africains. Ceci implique un dépassement des diversités ou des particularités au profit d'une culture axée sur la volonté commune et l'expérience partagée.
2. Au-delà de la diversité: une super-culture africaine
Cette section examine le (multi/inter)culturalisme au-delà des diversités. Plus exactement, elle tente de répondre à la question de la construction d'une identité culturelle africaine dans laquelle tous les Africains se retrouveraient et partageraient. Cela revient à définir les marqueurs de cette identité et le processus de construction. Car en fait, de cette définition découle la spécificité d'une Afrique qui cherche à s'affirmer dans un monde en constante mutation et où les plus puissants — politiquement et économiquement — visent toujours à écraser les plus faibles et à les assujettir. Aussi cette définition permettra-t-elle de jeter les bases d'une culture commune qui transcende les particularismes et les sectarismes.
2.1. Pluralisme culturel étatsunien et canadien et contexte africain
Un examen minutieux des relations multiculturelles et interculturelles au sein de certaines grandes nations occidentales comme les États-Unis, le Canada, la France ou la Grande Bretagne force à croire que ces pays offrent des modèles d'identité culturelle à copier. La stabilité politique et économique de ces pays, fruit de longues démocraties bien négociées et maîtrisées, semble convaincre sur cet état de fait. Ici, l'on trouve une forme de culture nationalement partagée. La notion de culture ne se perçoit plus simplement comme un ensemble de pratiques et de traditions partagées mais aussi comme un ensemble de comportements forgés autour d'un projet ou un idéal commun. L'avènement des NTICs suscité par la mondialisation s'inscrit dans cette nouvelle appréhension de la culture. Aujourd'hui, on parle d'une culture de l'internet (avec les réseaux sociaux) ou des SMS (avec les téléphones portables). L'idée qui sous-tend notre démarche est que ces moyens de communication sont devenus si puissants et si répandus qu'ils ont fini par fédérer des populations à travers le monde autour d'un même idéal, celui d'échanger des informations et points de vue sans tenir compte des différences entre les utilisateurs. A travers réseaux de communication, ces populations se reconnaissent comme membres de groupes partageant les mêmes idéaux.
Dans le cadre d'un projet commun qui fédère les populations, nous nous appuierons sur le pluralisme culturel des États-Unis et du Canada (principalement du Québec) pour voir s'ils peuvent constituer des modèles de construction d'identité culturelle pour l'Afrique. Bien entendu, ces deux pays ne sont pas des continents. Leurs modèles culturels ne peuvent donc pas inspirer celui de tout le continent africain. Néanmoins, notre choix est motivé par le fait que leur politique d'immigration — Green Card au États-Unis et Access Canada pour le Canada — offre en apparence des modèles de multi/interculturalisme qui pourraient faire des émules ailleurs. Aux États-Unis, le « melting-pot » peut paraître comme un modèle de «super-culture» si l'on considère le projet commun qu'il représente et les mécanismes mis en place pour susciter l'adhésion des populations. Il constitue le socle d'un gigantesque système culturel et consensuel dans lequel les diversités et pluralités se fondent. Alain G. Gagnon décrit ce système ainsi que sa stratégie de construction en ces termes:
Le [...] melting-pot représente un modèle de base à partir duquel ont été proposés plusieurs modèles de la pluriethnicité. L'idée centrale sous-jacente au melting-pot n'est pas de préserver les cultures mais plutôt d'en produire une nouvelle sur les droits individuels sans égard aux différences. Les citoyens doivent, selon cette perspective, adhérer également aux mêmes principes sans égard aux origines historiques et culturelles. Le modèle du melting-pot constitue en fait un modèle clairement assimilationniste. L'assimilation est vue tout simplement comme une « négligence bénigne ». Les communautés culturelles minoritaires doivent donc délaisser leurs valeurs, traditions, cultures et langues et adhérer sans condition à la nouvelle société ainsi créée. Cette façon de procéder garantirait, selon ses partisans, la participation pleine et égale de tous les citoyens à la vie démocratique (2000, 6-7).
S'il est vrai que le melting-pot fédère les pluralités ethniques et culturelles américaines autour d'un idéal commun, il est tout aussi vrai que son aspect assimilationniste détruit les cultures d'origine des différentes populations (surtout celles d'origine étrangère : africaine, mexicaine, hispanique, chinoise, japonaise, entre autres). En se fondant dans le nouveau projet identitaire créé de toutes pièces, ces populations sont amenées à perdre de vue voire à abandonner leurs cultures d'origine, leur identité culturelle au profit d'une nouvelle. Dès lors, l'environnement culturel dans lequel elles évoluent désormais leur impose une nouvelle identité culturelle qui n'est pas forcément en adéquation avec celle(s) de leurs ancêtres. Le versant culturel de leur nouvelle identité se définit alors par rapport à leur capacité à s'adapter aux normes culturelles édictées par leur nouvelle société et qui se retrouvent dans ses pratiques politiques et économiques. Finalement, ces populations doivent se reconnaître américaines avant tout, c'est-à-dire qu'elles doivent affirmer leur identité culturelle américaine, leur «américanité», au détriment de leur identité originelle.
Dans cette reconnaissance identitaire, disons dans cette nouvelle construction identitaire, la langue occupe une place prépondérante. De fait, l'un des principes fondamentaux pour une intégration réussie de ces populations réside non seulement dans leur participation à la vie socioéconomique, politique et culturelle de leur nouvelle société, mais surtout dans leur maîtrise de la langue anglaise comme outil de communication et vecteur de cette participation. Dans ce contexte, le multiculturalisme devient un système où en apparence, une seule
identité culturelle subsiste, une «identité hybride» en quelque sorte. De même, la notion d'interculturalisme devient quasiment inexistante puisque les cultures en présence sont reléguées au second plan pour mettre en avant un hybridisme culturel. Au final, vu que les populations perdent leurs identités culturelles au profit d'une identité hybride à travers l'abandon «institutionnalisé» de leur(s) langue(s) pour embrasser une nouvelle langue plus large et unificatrice, nous estimons que le melting-pot ne peut pas servir de modèle pour l'identité culturelle africaine que nous prônons.
Contrairement aux États-Unis donc, dans le cas africain, la langue ne peut pas constituer ce vecteur unificateur capable de fédérer les populations étant entendu que ces dernières sont déjà en place avant même d'initier le projet de construction d'une identité culturelle. C'est à juste titre que nous disons avec Dominique Schnapper que «la communauté de langue, comme toute communauté culturelle, peut rester impuissante à réunir des collectivités historiques qui ne partagent ni la même conscience de leur passé ni le même projet politique» (1994, 199). Même si la langue devait être prise comme un vecteur de construction identitaire au niveau continental, il se poserait le problème de choix à cause de la prédominance des langues héritées de la colonisation. Chaque pays utilise la langue de l'ancienne puissance coloniale comme langue officielle. Aussi, tous les pays n'ont pas la même expérience de leur passé ni le même projet politique. Ceci permet de comprendre la difficulté à trouver une langue commune à tout le continent. Car vouloir créer une langue africaine suppose que chaque pays abandonne sa langue officielle. Par ailleurs, il s'avère impossible de convaincre ces populations d'abandonner leurs traditions et pratiques culturelles au profit d'autres qui se trouvent être difficiles à élaborer.
Voyons maintenant si l'interculturalisme Québécois peut servir de modèle pour la construction d'une identité culturelle africaine. À propos de ce modèle, Alain G. Gagnon écrit :
Le gouvernement du Québec a officiellement adopté une politique faisant le pari de l'interculturalisme comme façon d'inscrire le pluralisme culturel en tant que lieu de convergence pour tous ses citoyens. La poursuite de l'interculturalisme se fonde sur l'idée d'une entreprise réciproque, confirmant l'existence d'un contrat moral entre les nouveaux arrivants et la communauté d'accueil, s'édifiant sur une culture publique commune en vue de reconnaître à tous un pouvoir réel d'influence sur les choses de la Cité (Ibid., 11).
En analysant en profondeur cette citation, il ressort qu'à l'instar de l'assimilation étatsunienne à travers le melting-pot, l'interculturalisme québécois s'avère inopérant dans la construction d'une identité culturelle africaine. En effet, l'étude de Gagnon porte uniquement sur le Québec, donc n'englobe pas tout le Canada. C'est dire que les nouveaux arrivants dont elle fait allusion sont uniquement les populations qui cherchent à intégrer le tissu socioéconomique, politique et culturel de la province. Aussi, l'entreprise réciproque ainsi que le contrat moral entre ces nouveaux arrivants et la communauté d'accueil sont centrés sur cette province. Cet aspect sectoriel ne peut pas être un élément fédérateur national au point de constituer un vecteur pertinent dans la construction d'une identité nationale pour le pays. Déjà, le début de la citation situe clairement le champ d'opération de l'étude et le caractère régionaliste de l'identité qui est construite: «Le gouvernement du Québec a officiellement adopté une politique.». On comprend donc que les populations non québécoises ne peuvent pas jouir de cette identité alors qu'ils sont aussi des canadiens. Ainsi, à partir du moment où cette identité ne s'étend pas à tout le territoire canadien, qu'elle n'est donc pas nationale, nous estimons qu'elle ne peut pas s'appliquer à l'Afrique car ici, nous voulons un modèle qui fasse abstraction des particularismes. Au vu donc de tout ce qui précède, quelques questions essentielles s'imposent quant à la construction d'une identité culturelle africaine. À quel type de société africaine aspirons-nous? Quel type d'identité culturelle voulons-nous pour cette Afrique? Quels sont les marqueurs de cette identité et quelles en sont les stratégies de construction?
2.2. Pour un modèle africain
D'entrée de jeu, signalons que la société que nous voulons pour l'Afrique est celle-là même qui doit pouvoir s'affirmer indépendamment des tutelles coloniales. Son identité culturelle sera donc une identité qui ne reflète ni l'assimilation étatsunienne ni l'interculturalisme québécois, ni tout autre modèle importé ou imposé. En fait, si l'Amérique ou l'Europe ne sont pas parvenues à unifier leurs cultures pur en faire un code unique, il serait difficile pour l'Afrique d'en avoir un au regard de sa trop grande diversité. Dans la nouvelle Afrique à construire, il ne devrait avoir ni communautés minoritaires ni communautés majoritaires, ni nouveaux arrivants ni premiers occupants car cela renverrait à la question de domination alors que notre souci est de susciter une union de poids. Toutefois, même si les modèles que nous avons examinés ne
peuvent pas s'appliquer à l'Afrique dans leur entièreté, certains de leurs aspects sont utiles dans le processus de création de cette identité continentale. La démocratie par exemple qui garantit leur stabilité et crée un climat propice pour l'épanouissement des populations.
Le pluralisme culturel tel qu'il existe aux États-Unis ou au Québec est déjà un fait en Afrique. Comme nous l'avons démontré dans la première partie de ce travail, le continent est un vaste espace culturel. La construction d'une identité culturelle proprement africaine réside donc dans le type de rapports que les différentes cultures doivent entretenir entre elles. L'interculturalisme tel que nous l'entendons pour l'Afrique est un projet politique qui doit œuvrer pour que les différences, loin d'empêcher le vivre-ensemble, enrichissent le continent et renforcent les liens entre les peuples. Il doit développer entre ces derniers une appartenance et une solidarité de groupe. Dans cette perspective, ce qui tient la nouvelle société africaine n'est pas la citoyenneté mais la prise de conscience par les Africains, de leur expérience commune de sujets dominés ou construits, de leur retard sur les autres continents alors que le leur est de loin considéré comme celui qui regorge le plus de ressources. Cela suppose que les sociétés édictent et acceptent, dans un effort d'ensemble, des règles communes qui ne concernent pas le mode de vie, les mœurs, l'appartenance religieuse, les valeurs, la langue, mais les modalités de dialogue et la reconnaissance d'une citoyenneté au-delà du national, du régional, prioritaire à toute action (politique, économique, sociale, idéologique, religieuse...). En clair, la relation entre les sociétés doit être basée sur le consensus, l'idéologie partagée et l'action concertée pour une plus grande efficacité. Ce faisant, les disparités s'éclipsent pour faire place à une union qui apparait comme un moyen efficace pour résister à la domination des grandes puissances.
Ce projet politique d'une Afrique débarrassée des disparités trop prononcées fait poindre ce que Michel Maffesoli appelle «l'être-ensemble»:
L'être-ensemble est à mon sens une donnée de base. Avant toute autre détermination ou qualification, il est cette spontanéité vitale qui assure à une culture sa force et sa solidarité spécifiques. Par la suite cette spontanéité peut s'artificialiser, c'est-à-dire se civiliser et produire des œuvres (politiques, économiques, artistiques) remarquables (1988, 148-49).
L'être-ensemble, c'est aussi la conscience collective ou la
coexistence sociale. Les Africains gagneraient à cultiver une conscience collective d'un devoir de protection de tout ce qui est propre à l'Afrique, une idéologie de l'africanisme qui diffère fondamentalement du protectionnisme ou de l'individualisme du monde occidental.
Les marqueurs de l'identité culturelle africaine à construire sont entre autres, la solidarité, l'hospitalité, le respect des valeurs traditionnelles, le partage. A travers ces marqueurs, les Africains devraient pouvoir se démarquer de l'individualisme des pays développés, un individualisme qui malheureusement prend de plus en plus de l'ampleur sur le continent. Aujourd'hui, il n'est pas rare de voir dans beaucoup de capitales ou grandes villes africaines un individu affronter seul ses problèmes sans que son entourage daigne l'assister. Les mécanismes d'intensification ou de renforcement de ces marqueurs identitaires sont les structures étatiques telles que les écoles, les appareils politiques, économiques, juridiques, les organisations régionales ou sous-régionales qui doivent être chapeautées par l'organisation continentale: l'Union Africaine (UA). Notre intention n'est pas de voir le fonctionnement de ces organisations mais plutôt le rôle essentiel qu'elles devraient jouer dans l'élaboration d'une culture africaine qui place l'Africain au cœur du débat sur son propre développement et son propre avenir. Par exemple, l'UA devrait édicter les grandes orientations politiques à répercuter au niveau des populations. Cette formation à la base peut être renforcée par le biais des télévisions et radios nationales, souvent en langues locales, même si beaucoup d'efforts se font déjà à ce niveau.
L'interculturalisme africain devrait également pouvoir libérer les héritages qui enferment. Il devrait servir à franchir les frontières fixées par l'appartenance, à savoir décloisonner les frontières culturelles qui enferment les populations dans des pratiques et comportements dont l'essentiel est de montrer sa différence. Cette posture exige de l'Africain la culture d'une idéologie d'appartenance et non de rejet.
Le formatage de la conscience collective des Africains en vue de construire une identité culturelle passe également par la nécessité de revisiter l'histoire du continent. Par exemple, les Africains devraient avoir une lecture différente des actions des anciens leaders tels que Soundiata Kéita, Chaka Zoulou, Behanzin Sékou Touré. Contrairement à la critique euro-centrique et impérialiste qui perçoit ces leaders comme des tyrans et des sanguinaires, ils devraient les considérer comme des héros, des symboles d'une Afrique qui veut s'assumer et qui refuse la soumission. Ces héros et leurs combats devraient désormais être
placés dans le contexte d'une Afrique qui veut se développer par elle-même même si elle a besoin des autres continents pour se positionner dans un monde où les enjeux géopolitiques et géostratégiques semblent à notre sens créer plus de problèmes qu'ils n'en résolvent. Cette posture de célébration peut aider à construire cette identité culturelle africaine. Car en fait, il s'agit pour l'Afrique d'écrire ou de réécrire sa propre histoire et non de la subir en laissant le soin à d'autres peuples de le faire. La notion d'identité culturelle ne renvoie plus à la façon de faire uniquement référence aux traditions et coutumes mais au développement, à l'élaboration d'une nouvelle conception et d'une nouvelle idéologie africaine.
En définitive, pour la nouvelle identité culturelle, il s'agit de former les populations à la chose «africaine» en vue de vivre une identité groupale. Il conviendrait de les amener à prendre conscience du retard de l'Afrique sur les autres continents et aussi à comprendre que son développement ne peut se réaliser que par ses fils et non par les autres même si ces derniers peuvent l'aider dans un contexte de développement mondial. Ceci revient à éviter ce que nous appelons «l'hypocrisation» mondialisée, c'est-à-dire une hypocrisie généralisée qui consiste à maintenir les Africains dans la paupérisation et la mendicité tout en leur faisant croire que leur développement est un enjeu majeur et une préoccupation mondiale.
Conclusion
Ce travail visait à voir le (multi/inter)culturalisme et la reconnaissance identitaire et leur enjeu pour le continent africain. Dans un premier temps, nous avons analysé la diversité culturelle africaine comme une richesse pour le continent. Cependant, bien qu'elle soit un atout, la trop grande diversité culturelle génère des écueils qui hypothèquent l'éclosion d'une identité africaine restée coincée dans les carcans assimilationnistes liés à la colonisation. En second lieu, nous avons examiné l'enjeu de la construction d'une identité culturelle africaine en définissant quelques-uns des marqueurs de cette identité à construire et les stratégies ou mécanismes de sa construction. Ainsi avons-nous vu que cette construction identitaire passe par la nécessité pour les Africains de revisiter leur histoire, notre histoire, et surtout de développer une culture qui place l'Africain au cœur de tout projet politique. Toutefois, des défis majeurs subsistent pour que l'Afrique évolue vers une culturelle unifiée qui serait un gage de renforcement de ses capacités à résister à la vague culturelle imposée par le biais des
centres culturels euro-américains qui éclosent sur le continent.
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