I. Ciolli*
LE MODELE POLYCENTRIQUE DE DIVISION DU TERRITOIRE NATIONAL ET LES TRANSFORMATION EN DROIT CONSTITUTIONNEL*
Dans la première partie de cet article, j'essaierai de démontrer que les liens entre le droit constitutionnel et le territoire ont été modifiés et influencés par des décisions prises désormais ailleurs qu'au sein de l'État, car l'influence d'un modèle d'économie globale et d'un modèle d'organisation territoriale élaboré par l'Union européenne sur le droit constitutionnel est très forte.
La deuxième partie donnera un aperçu des collectivités et des autres institutions territoriales qui ont échappé d'une certaine manière aux règles de droit public et qui représentent pour l'essentiel un mélange de droit public et de droit privé.
Dans la conclusion, on prendra en considération les conséquences de ces profonds changements dans l'aménagement de ces territoires qui modifient les grandes catégories du droit constitutionnel, parce qu'ils bouleversent la manière d'interpréter la souveraineté, la représentation, l'intérêt public.
On a évoqué la souveraineté parce que on est convaincu que la souveraineté exclusive sur un territoire est désormais affaiblie: il existent, de plus en plus des territoires appartenant à plusieurs souverainetés. Les Régions transfrontalières en sont une démonstration. La représentation, par ailleurs, perd progressivement sa configuration politique pour se transformer en une représentation des intérêts économiques les plus forts. Cela signifie qu'il n'y a plus de filtres suffisamment forts qui puisse sélectionner les intérêts publiques; ce que les districts industriels démontrent.
Mots clés: la souveraineté des Etats, modèle polycentrique du territoire de l'Etat, droit public et droit privé des entités territoriales, la globalisation
Приводятся доказательства того, что теперь на конституционно-правовое регулирование национальной территории влияют решения, принимаемые за пределами отдельного государства. Последнее связывается с воздействием глобальной экономики и новой модели территориальной организации, разработанной в рамках Европейского союза. Автор исследует статус административно-территориальных единиц нового частно-публичного типа. В результате ученый приходит к выводу, что столь значительные перемены в территориальной организации европейских государств меняют представления о таких основополагающих категориях конституционного права, как суверенитет, территориальное представительство, публичный интерес.
Суверенитет государства над национальной территорией трансформируется: все чаще встречаются территориальные единицы, подчиненные нескольким суверенитетам, например трансграничные регионы. Территориальное представительство постепенно утрачивает качества исключительно политического института, все больше ориентируясь на местные экономические интересы. К тому же сейчас невозможно публичные интересы отделить от интересов иного порядка. Доказательством тому являются современные промышленные районы.
Ключевые слова: государственный суверенитет, полицентричная модель территории государства, частно-публичные территориальные образования, глобализация
The author proves that nowadays the constitutional legal framework of the national territory is influenced by the decisions taken beyond a state. This is because of the last trends of
' Chiolli Ines — researcher of constitutional law at the Faculty of Law at the Sapienza University of Rome (Università degli studi di Roma «La Sapienza») (Rome). E-mail: ines.ciolli@uniroma1.it.
** L'article a été présenté au VIII Colloques de l'Association française de Droit constitutionnel dans l'atelier «Champ de mutation de droit constitutionnel et aspects territoriaux».
global economy and the new model of the territorial organization elaborated under the auspices of the European Union.
The author researches also the status of the administrative entities of the new «public and private law» type. So the researcher comes to conclusion that such significant modifications of the territorial organization of the European countries predetermine the notion of the main categories of constitutional law — sovereignty, territorial representation, public interest. The sovereignty of state over its territory undergoes some transformations: more and more territorial entities are subject to a few sovereignties at the same time (like transboundary regions). The territorial representation loses its political institute features and becomes more directed towards local economic interests. Anyway now it's impossible to separate the public interests from the other concerns what is demonstrated by the scheme of industrial regions.
Key words: state sovereignty, polycentric model of state territory, «<public and private law» territorial entities, globalization.
PART I. Les mutations des territoires et le droit constitutionnel
La mutation en droit constitutionnel au sujet du territoire: la cohabitation avec l'économie globale et le droit communautaire
Une partie de la doctrine en droit international et en droit constitutionnel pense que le territoire national est désormais destiné à se fondre dans un espace juridique global1.
On considère que le problème des États est, en effet, qu'ils n'ont pas une structure institutionnelle et territoriale adaptée à l'intégration économique mondiale2. La fin des États nation coïnciderait donc avec la fin des territoires des Nations3.
Cette thèse, qui a eu le mérite d'expliquer maintes transformations politiques nationales et supranationales, ne tient pas compte de la complexité des événements les plus récents occasionnés par l'accélération de la mondialisation. Cette dernière réclame un enracinement sur le territoire dans lequel elle opère pour mieux gérer au niveau local les grandes décisions transnationales: l'économie globale et les institutions transnationales ont besoin du niveau local ainsi que d'institutions flexibles pour maintenir leur hégémonie4: d'une part il y a une expansion des marchés globaux, de l'autre côté on remarque une concentration des activités économiques et financières dans certaines grandes villes, qui représentent désormais des institutions totalement disjointes des États nationaux auquel elles appartiennent5. Les deux phénomènes ne se contredisent pas, parce que le franchissement des frontières nationales est nécessaire pour garantir la libre circulation des capitaux et demande une régulation au niveau local.
La première observation à faire à cet égard est que le territoire, tant national que supranational est toujours nécessaire pour exercer la souveraineté et le binôme souveraineté/territoire est encore en bonne santé6.
1 Cassese S. Lo spazio giuridico globale. Roma-Bari, 2003.
2 Habermas J. Die postnationale Konstellation: politische Essays. Frankfurt am Main, 1998 (édition française: Après l'Etat-nation. Une nouvelle constellation politique. P., 1998. P. 33 et s.).
3 Badie B. La fin des territoires. Essais sur le désordre international et sur l'utilité sociale du respect. P., 1995.
4 Sassen S. Cities in a world economy. Thousand Oaks, 1994.
5 Sassen S. The global city. New York, London, Tokyo. Princeton, 1991.
6 Du même avis J. Hickman (Hickman J. The new territorial imperative // Comparative Strategy. 2010. Vol. 29. № 5. Р. 405) qui soutient: «The prophesied decline of the sovereign territorial state did not occur. In the 1990s, constructivist international relations specialists joined postmodern political geographers theorizing about globalization in anticipating a brave new effectively borderless world in the which the sovereign territorial state would fade from the scene, supplanted by a variety of non-State entities, including multinational corporations, transnational networks, and separatist movements... Today, (however) the sovereign territorial state is in robust health and control of territory is as valuable as ever. Neither the sovereign state nor its arguably hardwired territorial imperative has been transcended in international affairs».
L'évolution se situe davantage du côté du territoire de l'État: à partir de la Paix de Westphalie jusqu'au XXe siècle. Pendant longtemps, l'État représentait surtout l'espace dans lequel s'exprimait la puissance nationale et il s'identifiait à une frontière qui s'imposait comme une limite infranchissable pour les autres États. Maintenant elles sont beaucoup plus perméables, elles ont pour fonction de délimiter des surfaces plus grandes qui sont celles des organisations économiques ou politiques internationales1.
La cohabitation de diverses institutions sur le même territoire est une nouveauté qui prend le nom de «multilevel governance» et qui est la preuve la plus patente tantôt de la «glocalisation»2, tantôt de la souveraineté partagée entre plusieurs institutions.
Une telle cohabitation apparaît, en d'autres termes, comme un mélange entre une représentation des espaces économiques transnationaux et des institutions locales. Plus précisément, la «glocalisation» est un phénomène qui tend à briser les territoires nationaux et à les reconstruire selon de nouvelles règles qui ne sont pas ni géographique, ni historique3.
Elle met en relation le monde global avec le niveau local et peut être définie comme une nouvelle «territorialisation» des espaces institutionnels agissant simultanément à différentes échelles géographiques.
Cette «glocalisation» a imprimé une accélération à certains phénomènes de transformation institutionnelle dans le domaine national en donnant une impulsion à la décentralisation, voire au fédéralisme, qui adapte le territoire de l'État aux exigences de l'économie globale4.
À partir de là, il faut signaler que la distinction entre fédéralisme et décentralisation est très faible et repose sur des éléments quantitatifs et non qualitatifs. C'est le degré d'autonomie que chacun des deux modèles confère aux collectivités qui fait la différence5. Le niveau de contrepoids que le pouvoir central peut mettre en place, est aussi important pour qualifier une forme d'État comme étant décentralisée ou comme étant fédérale.
À cet égard, le respect du principe d'unité et d'indivisibilité de la République peut représenter une limite au polycentrisme institutionnel et territorial émergent, la volonté centrale permettant de contrecarrer ces forces centrifuges plus sensibles aux décisions de l'économie globale6.
Dans les Constitutions française et italienne sont inscrits les principes d'unité et d'indivisibilité de la République. Cette référence peut constituer un fort contrepoids à une forme extrême de division du pouvoir et en particulier à la forme polycentrique qui tente de briser l'unité centrale pour mettre en place une forme de pouvoir non hiérarchique. Il en résulte une compétition entre des collectivités territoriales non soumises à un pouvoir central équivalent à celui de l'Etat.
L'idée dominante est qu'une plus profonde division du territoire pourrait entraîner davantage de démocratie. Autrement dit, quand les institutions se rapprochent des citoyens,
1 Rigo E. L'Europa di confine. Trasformazioni della cittadinanza nell'Europa allargata. Roma, 2007.
2 Swyngedouw E. Neither global nor local: «glocalization» and the politics of scale // Spaces of Globalization / ed. by K. Cox. N. Y., 1997. P. 137 et s.
3 Swyngedouw E. The mammon quest: «glocalization», interspatial competition and the monetary order: The construction of new scales // Cities and Regions in the New Europe / ed. by M. Dunford, G. Kafkalas. N. Y., 1992. P. 39 et s.
4 Brenner N. Globalization as reterritorialization: the re-scaling of urban governance in Europe // Urban Studies. 1999. Vol. 36. № 3. P. 431 et s.; en ce qui concerne l'Italie, les politiques de transformation du territoire imposées par l'Europe ont créé un système institutionnel proche d'un modèle polycentrique, et éloigné d'une décentralisation traditionnelle, voir Governa F., Salone C. Italy and European Spatial Policies: Polycentrism, Urban Networks and Local Innovation Practices // European Planning Studies. 2005. Vol. 13. № 2. P. 265 et s. Concernant le phénomène des transformations du territoire de l'Etat, on s'autorisera à renvoyer à Ciolli I. Il territorio rappresentato. Profili costituzionali. Napoli, 2010. P. 11 et s.
5 Luciani M. A mo di conclusione: le prospettive del federalismo in Italia // Pace A. (sous la direction de). Quale dei tanti federalismi. Padova, 1997.
6 Auby J.-B. at al. Droit des collectivités locales. IVème éd. P., 2008.
il est possible de garantir une meilleure et une plus grande participation à la «res publica». Mais déjà dans les années 70, Franz Neumann avait démontré que l'association entre proximité des décisions politiques et démocratie n'est pas toujours vraie1. Les motivations les plus profondes qui poussent à une division du territoire en plusieurs entités sont probablement d'une autre nature. Elles répondent non pas à un impératif démocratique, mais à une tentative d'améliorer l'allocation des ressources en termes économiques.
Quelle que soit l'explication la plus conforme à la réalité, il est évident que les plus récentes transformations territoriales illustrent les nouveaux liens entre le territoire et le droit, qui vont par-delà la sphère du droit constitutionnel.
Désormais on parle d'un espace global, d'un espace européen et d'une façon encore plus étonnante, on parle des espaces qui n'appartient pas entièrement au droit et qui semblent reproduire les conditions historiques de la frontière américaine, dans laquelle le binôme droit/territoire n'existait pas2.
Il est vrai qu'il reste une différence remarquable entre le terme «espace» et le terme «territoire». Dans le passé, le premier terme indiquait plutôt la surface n'appartenant pas à la Planète Terre, quelque chose qui n'était ni réglé, ni conditionné par le droit. En quelques sortes, on était proche d'une surface lisse, où les relations juridiques étaient absentes ou très fluides (au sujet des mers par exemple).
Le «territoire» évoque plutôt les institutions, quelque chose qui est déjà délimité et qui est saisi par le droit. Cette confrontation entre les deux termes est de nouveau à l'attention des juristes et des chercheurs grâce à une récente conversation entre un philosophe, Emanuele Severino, et un juriste, Natalino Irti. Ils ont essayé de déchiffrer cette différence se mettant finalement d'accord sur l'idée que «l'espace» représente quelque chose qui est fortement lié à la fluidité des temps modernes et qui s'adapte donc mieux à la technique et au monde de l'économie globale (ou bien de la finance).
Les transformations de la souveraineté qui correspondent au changement du territoire
Les spécialistes en Droit constitutionnel ont parlé souvent de l'affaiblissement de la souveraineté nationale face à la nouvelle répartition de l'Etat et ils ont fait référence à la thèse de la souveraineté partagée entre l'Etat en Régions et les institutions infra et supranationales. En tout cas, ils semblent d'accord sur l'existence d'un processus d'évolution ou de transformation de l'Etat et de sa souveraineté3.
Ce processus de séparation intérieure et extérieure du territoire national a été favorisé aussi par les politiques communautaires, qui ont conduit à un affaiblissement du pouvoir de l'État central4.
En défense d'un découpage territorial, qui tenait compte de l'histoire et des différences géographiques, on a même permis — sous certaines conditions — de justifier quelques modestes exceptions au principe d'égalité du suffrage5 et une surreprésentation de certaines collectivités territoriales, ce qui prouve que le territoire est un symbole culturel
1 Neumann F. L. The Democratic and the Authoritarian State: Essays in Political and Legal Theory (trad. it.: Lo Stato democratico e lo Stato autoritario). Bologna, 1973.
2 Turner F. J. The Significance of the frontier in American history. N. Y., 1921. P. 1—38.
3 Comme l'a nommé, par exemple. Faberon J. Y. La Nouvelle-Calédonie, pays à souveraineté partagée, Revue du droit public. 1998. № 3. P. 645 et s.; mais voit aussi Caravita B. Il tabù della sovranità e gli «istituti tipici di ordinamenti statuali di tipo federale in radice incompatibili con il grado di autonomia regionale attual-mente assicurato dal nostro ordinamento costituzionale» // Federalismi.it. 2007. 21 novembre.
4 Permann M. Construction of New Territorial Scales: A Framework and Case Study of the EUREGIO Cross-border Region // Regional Studies. 2007. Vol. 41. № 2. P. 253 et s. et Idem. Cross-Border Regions in Europe: significance and drivers of regional Cross-border cooperation // European urban and regional studies. 2003. № 10. P. 153 et s.
5 Conseil constitutionnel, Déc. n. 85—196 DC, 8 août 1985. Loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie, Considérant n.16 et Déc. n. 86—208 DC 1, 2 juillet 1986. Loi relative à l'élection des députés et autorisant le Gouvernement à délimiter par ordonnance les circonscriptions électorales, Considérant n. 21.
et surtout un vecteur d'identité nationale. L'idée de dessiner des frontières qui n'ont rien à voir avec l'histoire est encore choquante pour les citoyens des Pays de l'Europe.
Pour nous européens, le territoire représente encore un facteur d'intégration de la Nation, comme l'avait expliqué Rudolf Smend1. On ne pense pas au territoire dans un sens matériel, mais à un idée de territoire qui prend en considération la terre et ses habitants, qui représente l'identité et l'histoire d'un enracinement.
Après un tel changement, si profond, tout est à repenser en Droit constitutionnel. Il faut confronter les concepts classiques à ces nouvelles tendances. La naissance de nouveaux territoires reflète l'idée que les systèmes juridiques sont de plus en plus interconnectés. Il en résulte une perte d'influence du droit constitutionnel au profit d'autres disciplines.
L'espace territorial européen
L'évolution de l'espace européen n'a pas été suffisamment prise en considération par les juristes qui ont abandonné ce terrain aux politologues et aux spécialistes de géopolitique. En fait, peu de juristes se sont occupés du Traité de Potsdam de 1999 sur le développement de l'espace communautaire et de la cohésion sociale (SDEC).
Le parcours a été très long. Au cours des vingt dernières années2, la nécessité d'élaborer une stratégie de développement du territoire européen est apparue de plus en plus comme un sujet central dans l'agenda politique de l'Union européenne. Une série de réunions entre les Gouvernements des Pays membres a eu lieu, au cours desquelles des zones clé de coopération ont été identifiées en matière d'aménagement du territoire européen. Un premier projet de Schéma de développement de l'espace communautaire a été adopté par les ministres compétents à Noordwijk en juin 1997, puis la version finale a été approuvée à Potsdam en 1999.
La Commission a contribué à ce débat en favorisant l'accord SDEC dont l'objectif était double3: d'abord, susciter le débat autour des thèmes clé; ensuite, examiner les applications directes du SDEC dans les diverses zones de coopérations transnationales4.
Dans le document SDEC, le point principal est l'établissement du pluralisme institutionnel et de la différentiation des territoires. Ce dernier point est considéré comme étant
1 Smend R. Verfassung und Verfassungrecht. München; Leipzig, 1928 (trad it.: Costituzione e diritto costi-tuzionale. Milano, 1988).
2 Le débat sur l'aménagement du territoire, dans le cadre communautaire, a débuté à Nantes en 1989. Depuis lors, les réunions régulières des ministres chargés de l'aménagement du territoire dans les Etats membres ont clairement manifesté le besoin de développer une stratégie à long terme permettant une meilleure coordination des diverses activités publiques qui influencent l'organisation et l'utilisation du territoire européen. C'est dans ce contexte que les ministres chargés de l'aménagement du territoire ont pris la décision en novembre 1993, de mettre en chantier un Schéma de Développement de l'Espace Communautaire (SDEC).
3 La Commission dans son rapport du 1998 a constaté deux choses: 1) l'effacement des frontières à l'intérieur du marché unique donne l'occasion de relier les territoires et les économies de tout le Continent, 2) devant les enjeux de la mondialisation de l'économie, chaque partie de l'Union européenne doit reproduire un modèle territorial qui soit un défi pour la mondialisation. L'élargissement progressif de l'Union nécessitait l'adoption d'une démarche stratégique globale pour le développement de ce territoire vaste et divers ainsi que pour l'intégration des nouveaux Etats membres dans les différents réseaux trans-européens — qu'il s'agisse du système urbain européen, des réseaux de transports, d'énergie et de communication ou des espaces naturels d'importance communautaire. En d'autres termes, il faut s'adapter à la «glocalisation»; c'est pourquoi les contraintes budgétaires imposent une utilisation efficace des ressources publiques de plus en plus limitées et les interventions doivent s'adapter aux particularités territoriales.
4 Ces applications sont définies dans le cadre de l'Initiative communautaire INTERREG du Fonds européen de développement régional (FEDER) en faveur de la coopération entre régions de l'Union européenne (pour la période 2000-2006 il s'agissait de INTERREG III). L'objectif de la nouvelle phase d'INTERREG est de renforcer la cohésion économique et sociale dans l'Union européenne en promouvant la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale ainsi que le développement équilibré du territoire. Une attention particulière est accordée à l'implication des régions ultrapériphériques et des régions situées aux frontières externes de l'Union avec des pays candidats à l'adhésion.
nécessaire pour propager les structures politiques propres à l'Union qui n'ont rien à voir avec les collectivités des Etats1.
Cette thèse est étayée par un document ultérieur du juin 2006, issu de la rencontre informelle qui a eu lieu à Luxembourg en 2005 sur les politiques régionales et la cohésion territoriale2. Le document considère prioritaire la réalisation d'un modèle polycentrique et le renforcement des grandes villes3.
À travers ce modèle polycentrique, l'Union européenne a contribué à l'affaiblissement de l'Etat, phénomène qui est accentué par les politiques de financement des Régions transfrontalières (ou cross-border regions) qui sont en concurrence avec les États centraux dont elles font partie. Le degré d'autonomie administrative et financière à l'égard de l'Etat augmente proportionnellement en fonction de la richesse de ces nouvelles institutions subventionnées par l'Union européenne.
Dans tous les cas, il y a d'autres types d'institutions territoriales en Europe construites dans le but de ne pas coïncider avec les frontières nationales4. Les politiques relatives au développement des nouveaux territoires sont confiées à l'Union et non plus aux Etats membres. Dans la meilleure hypothèse on a donc des territoires qui sont en concurrence avec l'espace étatique. Comme l'avait bien souligné Faloudi, on est passé très vite d'un développement géographique de l'Union à une politique territoriale qui, pour le moment, se limite à la compétence partagée entre l'Union et les Pays membre en faveur de la cohésion territoriale5. Cette compétence a été reconnue par le Traité de Lisbonne à l'art. 46.
Déjà le document SDEC en 1999 parlait de cohésion économique et sociale, plus tard on se réfère dans le document du 2005 (peu avant le Traité de Lisbonne) aux priorités en matière de territoire en indiquant le polycentrisme et la promotion d'activités d'initiative et de promotion (économique) dans des «clusters» territoriaux outre que le renforcement de «networks trans-europeans». Il est évident que le mot-clé est celui de démarrer une politique qui soit adhérente à une économie globale et c'est beaucoup plus raisonnable de
1 L'intention de créer de nouvelles institutions a été clarifiée par le point 2 du document SDEC. Quand ce dernier parle du territoire politique, il dit: «l'entrée en vigueur de l'Union Economique et Monétaire (UEM) contribue considérablement à l'intégration européenne. Parallèlement aux progrès de l'intégration économique et sociale, les séparations causées par les frontières intérieures tendent à s'estomper. Des relations et des interdépendances plus étroites apparaissent entre les villes et les régions des Etats membres. Cela signifie, entre autres, que des projets réalisés au niveau régional, national ou communautaire dans un certain pays, et dont la portée dépasse celle du territoire où s'exerce son autorité, peuvent avoir des répercussions considérables sur la structure spatiale et urbaine d'autres États membres. En mettant en œuvre les politiques communautaires, il s'agira dorénavant de mieux prendre en compte à temps leurs effets spatiaux, étant donné qu'à l'avenir les différences de productivité ne pourront plus être compensées, par exemple par des adaptations nationales des taux de change. Cela contribuera à éviter de creuser davantage les disparités régionales».
2 The Territorial State and Perspectives of the European Union Document. Towards a Stronger European Territorial Cohesion in the Light of the Lisbon and Gothenburg Ambitions // URL: http://www.qec-eran.org/ documents/errn/EU_Territorial_Agenda.pdf.
Voir aussi: Document des Conclusions de la présidence pour la réunion informelle des ministres de l'UE au sujet de la Cohésion territoriale — 20 et 21 mai 2005 à Luxembourg // URL: http://www.eu2005.lu/fr/actua-lites/documents_travail/2005/05/20regio/Min_DOC_2_MinConcl_fin.pdf.
3 Dans le document sont indiquées les villes importantes retenues en Europe pour ce qui concerne les infrastructures et l'attractive en matière de travail et de capitaux. P. 29. Des chercheurs ont appelé cette action de re-localisation de ville «glurbanisation process of state restructuring of urban space» voir Deas I., Lords A. From a new regionalism to an unusual regionalism? The emergence of non-standard regional space and lesson for the territorial reorganisation of the State // Urban Studies. 2006. № 43. P. 1848.
4 Brenner N. Global cities, glocal States: global cities formation and State territorial restructuring in contemporary Europe // Revue of international political economic. 1998. № 5. P. 1 et s.
5 Faloudi A. From European Spatial Development to Territorial Cohesion Policy // Regional Studies. 2006. Vol. 40. № 6. P. 667.
6 Dans la version consolidée du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, à la Première Partie, Titre I, dédiée aux catégories et domaines de compétences de l'Union, l'art. 4 se réfère aux compétences partagées. Il comprend au point c) «la cohésion économique, sociale et territoriale».
penser que l'action communautaire est visée à rejoindre un niveau majeur de compétitivité des Régions européennes, ainsi entre elles.
Les raisons officielles de la publication de ce document reflètent une volonté de protéger les différenciations territoriales dans le respect de la culture de la différence, et de défendre les zones rurales. Vues de cette perspective, ces politiques énoncées pouvaient représenter un moment d'opposition à une «glocalisation» débridée et sans règles. Au contraire, le fait d'avoir statué que la coopération territoriale se servira d'un modèle polycentrique avec trois niveaux d'intervention: l'échelon communautaire, le transnational/national et l'échelon régional/local1. Cela signifie, de mon point de vue, remettre en cause le vieux modèle de souveraineté étatique sur un territoire.
Dès lors, le concept de développement polycentrique devrait être considéré comme étant un principe directeur fondamental. Au niveau spatial, cela signifie penser surtout à une compétition entre territoires dont le but serait d'assurer en priorité la desserte des zones d'intégration économique d'importance mondiale que l'on veut développer tout en garantissant leur rattachement à l'économie mondiale2. La croissance économique impose une idée de recomposition territoriale basée sur des grandes villes qui n'appartiennent plus entièrement aux États. Londres, New York ou Tokyo ne sont pas seulement des capitales nationales, elles sont aussi mondiales3. On parle dans le SDEC du «Pentagone», c'est-à-dire des cinq villes les plus importantes en Europe. Le polycentrisme est fait pour le renforcer et non pour créer une vraie différentiation géographique et économique4.
PART II. Les nouvelles collectivités territoriales: des institutions entre droit public et droit privé
Le modèle polycentrique italien
En vérité, l'Italie a adopté une division territoriale polycentrique pour des raisons historiques, bien avant l'impulsion donnée par les instances communautaires.
L'histoire communale a des racines très profondes et le modèle régional a toujours eu des difficultés à s'imposer parce que les Régions italiennes ne disposaient d'aucune tradition républicaine.
De plus, la Région italienne n'est pas le résultat d'un processus historique ou économique, mais elle correspond à de vielles circonscriptions administratives, ou plus précisément au découpage utilisé pour des raisons statistiques5.
Au bout du compte, les Régions ont été dessinées par le constituant, même si les attributions Législatives qui leur ont été conférées ont manqué longtemps d'effectivité6. Les Régions ont acquis dans la Charte constitutionnelle des compétences législatives concurrentes à celles de l'État, même si ces compétences sont énumérées dans la Constitution et portent sur des matières liées aux exigences locales (la chasse, la pêche etc.).
En revanche, la reforme constitutionnelle n. 3 du 2001, qui a modifié le Titre V de la Constitution italienne, a remis en cause ce modèle unitaire qui semble céder la place à un modèle polycentrique7. En effet, la nouvelle formulation de l'art. 114 de la Constitution semble fournir une égale dignité aux autorités locales indiquées dans l'article et d'autre
1 Document SDEC. P. 42.
2 M. P. 33.
3 Sassen S. The global city. New York, London, Tokyo.
4 Deas I., Lords A. Op. cit. P. 1858.
5 Rotelli E. L'avvento della Regione in Italia: dalla caduta del regime fascista alla Costituzione repubblicana 1943-1947. Milano, 1967.
6 La mise en œuvre de la législation relative aux régions s'est produite uniquement avec le D.P.R. (Décret du Président de la République) du 24 juillet 1977, n. 616.
7 Ainsi défini par la doctrine, voir à ce propos Muro G. de. Art. 114 // Bifulco R., Celotto A., Olivetti M. (sous la direction de). Commentario alla Costituzione. Torino, 2006.
part, il pourrait être entendu comme une légitimation de la parité de toutes les collectivités territoriales y mentionnées avec l'Etat1. Les communes, par exemple, ont une compétence réservée dans le Statut et seule la Cour constitutionnelle a essayé de reconstruire une fonction unitaire de l'État, convaincue de l'importance d'un moteur dans le polycentrisme.
Les régions transfrontalière et les districts industriels: des nouvelle entités qui ne sont pas des institutions publiques
La nouvelle vague de la décentralisation de l' État a ainsi d'autres fabricants: le Traité de Maastricht légitime la subsidiarité horizontale et verticale. L'une est influencée par l'autre, parce que le fédéralisme et l'intervention du domaine privé dans l'Etat ont été considérés nécessaires pour construire un modèle pluraliste de démocratie. De ce point de vue, il est possible de mieux comprendre la politique de transformation du territoire unitaire: le pluralisme doit briser le monolithe de la souveraineté sur un territoire unique et inventer une idée nouvelle de souveraineté partagée. Cette intention correspond au dessin des Régions transfrontalières qui sont des nouveaux territoires appartenant à plus Etats.
On pense, par exemple, à la Région transfrontalière Transtirolia, qui appartient à l'Italie, à l'Autriche et à la Suisse (bien que la Suisse ne fasse pas partie de l'Union européenne)2. La collaboration entre ces Régions n'est pas seulement de type administratif.
L'accord mentionne une convention qui ressemble à un pacte de droit privé et qui ne comprend pas seulement des institutions, mais aussi des organisations industrielles, les Chambre des commerce et les Syndicat des hôteliers. D'un point de vue constitutionnel, il y a une difficulté à insérer ces nouvelles entités territoriales dans les catégories déjà connues: nous ne savons pas si l'intérêt général joue encore un rôle poursuivant des objectifs.
Encore plus étrange apparaît la Région Euradia, comprenant une partie de la Région à Statut spécial Friuli-Venezia Giulia, qui est dans le territoire italien très riche et très avancée du point de vue industriel, la Région découpée par des seules raisons statistiques (et non institutionnel) de Obalno-kraska en Slovénie et d'une façon telle pour avoir une sortie à la mer, la Région di Goriska et celle de Notranjsko-Kraska. Ces domaines sont hétérogènes entre eux, il y a des unions géographiques des communes, des régions statistiques et des simples surfaces qui sont attractives parce qu'elles ont un débouché sur la mer. L'historie et la culture de la différence que la Communauté européenne dit vouloir protéger n'est jamais prise en considération si ce n'est que pour des résultats économiques.
Sont partenaires de la Région Euradia aussi bien des ministères, que des associations syndicales, de même que les représentants des entreprises. Le public travaille avec le privé mais les rapports sont réglés par des contrats et non pas par les sources de droit public.
La France est partie de plusieurs Régions transfrontalières, dont EuresChannel est la plus connue, grâce au Tunnel de la Manche. Elle comprend aussi la Belgique et le Royaume-Uni (les régions nationales qui participent sont le Hainaut, le Nord-Pas-de-Calais, la Flandre occidentale et le Kent).
Cette Région a récemment publié (1999) une Nouvelle réglementation (il ne s'agit pas d'un règlement mais d'une source plus flexible) sur le statut fiscal de frontalier qui est qualifié comme un «avenant», terme qui n'a jamais fait partie du lexique du droit constitutionnel.
1 Le nouvel art. 114 alinéa 1, récite: «La Repubblica è costituita dai Comuni, dalle Province, dalle Città metropolitane, dalle Regioni e dallo Stato». La position non plus de type hiérarchique de l'Etat vers le Région a été mis en évidence par voir Caravita B. La Costituzione dopo la riforma del Titolo V. Stato, Regioni e autonomie fra Repubblica e Unione europea. Torino, 2002. P. 30 et s.
D'une manière plus critique s'exprime Mangia A. Il federalismo della «descrizione» e il federalismo della «prescrizione» // Giurisprudenza costituzionale. 2007. Vol. 52. № 6. P. 4045 et s.
2 URL: http://www.eures-transtirolia.eu/eures_tt_intro_content.html.
Le fondement normatif qui est plutôt de type contractuel s'avère néanmoins très efficace pour régler la question entre les trois Pays1.
La source juridique qui est utilisée, nous rappelle la prolifération des «contrats sans loi»2 pouvant se reconduire à la «lex mercatoria» qui n'a pas de lien étroit avec l'État de droit3. Il s'agissait d'un droit crée par les «mercatores» et qui trouve son origine et sa validité dans le droit coutumier et dans le contentieux sur le commerce.
On est donc revenu à un pluralisme territorial qui n'est pas sans rappeler la période du Moyen âge décrite par Otto Brunner4. À cette époque, Il n'existait pas une unité politique et institutionnelle dans le territoire où coexistaient plusieurs seigneurs, plusieurs forces et puissances politiques ainsi que de nombreuses sources de droit.
Les districts industriels n'ayant jamais eu des institutions publiques
La notion de «district industriel» a été mise en place par Alfred Marshall5 qui avait dit: «Généralement l'agrégation d'un grand nombre de petits ateliers, comme la création de quelques grandes usines, permet d'atteindre les avantages de production à grande échelle... Il est possible de couper le processus de production en plusieurs segments, chacun pouvant être réalisé avec le maximum d'économies dans un petit établissement formant ainsi un district composé d'un nombre important de petits établissements semblables spécialisés pour réaliser une étape particulière du processus de production»6.
Presque un siècle plus tard Giacomo Becattini reprend cette notion tout en la précisant: le district industriel est donc défini comme «Une entité sociale et territoriale caractérisée par la coexistence active d'une communauté ouverte d'individus et d'une population segmentée d'entreprises.»7.
En Italie le district est devenu très important et il a été étudié pour longtemps étant l'atout du succès du Nord Est. Plus tard l'Italie entière a eu ses districts artisanaux représentant partout un certain modèle italien de production (le «made en Italy»). Les lois n. 317 du 1991, n. 140 du 1999 et enfin la loi n. 266 du 2005 régissent les districts qui sont définis «libres agrégations d'entreprises» articulés sur le plan territorial et fonctionnel poursuivant le but de favoriser le développement des domaines et des secteurs dont il font partie ainsi que d'améliorer l'efficacité de l'organisation et la production selon le principe de la subsidiarité verticale et horizontale. Ils représentent aussi la manière de collaborer avec les associations des entrepreneurs8. La même loi de l'État a établi la discipline administrative qui doit être appliquée aux districts.
Par ailleurs, une série des lois régionales régissent les compétences des collectivités locales en matière de programmation et de financement des districts9.
1 Le texte peut être consulté à l'adresse électronique suivant (URL: http://www.eureschannel.org/docs/ Fran-Avenant-2-fr.pdf).
2 Beaucoup de chercheurs avaient mis en évidence l'extension progressive de rapports entre particuliers et des relations juridiques qui n'ont pas plus de lien étroit avec la loi générale et abstraite, désormais substituée par des pactes ou des contrats. Il y a des marchés qui ne sont plus gouvernés par la loi dont les règles juridiques sont admises seulement après des accords de droit privé. À ce propos voir Baldassarre A. Globalizzazio-ne contro democrazia. Bari, 2002. P. 11—23.
3 Galgano F. Lex mercatoria. Bologna, 1976, réed. 1993. P. 9 et 31.
4 Brunner O. Terra e potere. Milano, 1983. Pour quelques indications à l'égard de l'unité territoriale du Moyen Age voir Schiera P. Introduzione Unità di cultura e costituzione in Europa. Tre esempi storici / Verfassung und kulturelle Einheit Europas. Drei historische Beispiele. Napoli, 2005; Brunner O. Op. cit. XXV.
5 Marshall A. Principles of Economics. L., 1890.
6 Actes d'un colloque de IGPDE (Institut de la gestion publique et du développement économique) du 5 et 6 février 2004 // La mobilisation du territoire: Les districts industriels en Europe occidentale du XVIIe au XXe siècle. La Documentation française, Collection Histoire économique et financière de la France. P., 2007.
7 Becattini G. Le District industriel: milieu créatif // Restructurations économiques et territoires, espaces et sociétés. 1989. № 66/67. P. 159.
8 Loi n. 266, 23 décembre 2005 au article 1, alinéa 366.
9 Voir, par exemple les lois de la Région Lombardia du 22 février 1993 et celle du 5 janvier 2000.
Concernant la nature incertaine des districts, la Cour constitutionnelle est intervenue durant un conflit d'attribution entre les Régions et l'État (surtout en soulevant la question de légitimité de l'art. 1, alinéa 368, lett. b) de la loi n. 266 du 2005 (loi de finance 2006). Autorisant le district à se conduire comme une autorité administrative qui vérifie donc si les entreprises possèdent les qualités requises, cette loi prévoyait l'accomplissement des exigences de simplification1. De toute façon la Cour a déclaré qu'une telle loi n'est pas en contraste avec la Constitution. Elle a aussi mis en évidence que le district à une fonction de représentation des entreprises et qu'il peut conclure des accords de droit privé au nom des entreprises. Dans ce contexte, le district finirait par exercer des fonctions administratives sans être un organisme public. Au reste, en violation de l'art. 97 de la Constitution, ces fonctions sont attribuées à un sujet partial2.
Ce cadre va au-delà de l'idée du fédéralisme qui s'est glissée à travers l'Europe et qui a trompé les citoyens en promettant une démocratie plus efficace3.
L'impression est qu'il y a une tentative de substituer le manque d'un pluralisme institutionnel avec un pluralisme territorial qui tente de résoudre surtout les questions pratiques et économiques au-delà du domaine du droit public.
Les «comunità montane»
D'autres territoires nationaux sont représentés en Italie par les «comunità montane».
Elles sont des unions des communes de la montagne qui peuvent aussi appartenir à différents départements et elles ont le but de valoriser les zones en altitude et elles peuvent exercer fonctions propres, fonctions déléguées ou fonctions en association des communes.
La «comunità montana» a son propre organe représentatif dont les membres sont élus par les conseils communaux des communes qui en font partie et un organe exécutif composé par les maires et les conseillers des communs participants. Le président de cette communauté est choisi parmi les communes qui composent l'union.
Leur existence a été mise en cause par la réforme constitutionnelle n. 1 du 2001 parce que l'art. 114 renouvelé de la Constitution ne les prévoyaient pas quand énonce les collectivités locales qui font partie de la République.
Une partie de la doctrine avait interprété l'absence de mention dans la Constitution comme une autorisation à l'éliminer dans le système de collectivités territoriales.
En effet, la liste des collectivités contenues dans l'art. 114 peut être considérée exhaustive, pourtant elles n'ont pas une place dans le nouveau système de collectivités territoriales4.
1 Padula C. Principio di corrispondenza chiesto-pronunciato, principio di sussidiarietà e distretti produttivi: una sentenza che desta perplessità // Le Regioni. 2007. № 5.
2 Sacrestano V. A. Poca chiarezza sull'aggregazione // URL: http://www.ilsole24ore.com.
3 Beaud O. Fédéralisme et souveraineté // Revue du droit public. 1998. № 1. P. 94—98. L'A. soutient que la démocratie et le fédéralisme ont été trop souvent considérés comme étant synonymes: «cette assimilation du fédéralisme à la démocratie tend à gommer sa spécificité. Il est vrai certes que les deux idées se sont historiquement rejointes, comme on aura l'occasion de le montrer à propos de la notion de fédéralisme constitutionnel. Mais il n'empêche qu'elles ne sont pas synonymes». «La démocratie — a-t-il ajouté — est un régime politique, tandis que le fédéralisme est plutôt une forme d'Etat et leur unique point en commun est l'idée du pluralisme, qui est nécessaire pour l'existence de toutes les deux».
Georges Burdeau, lui aussi, distingue le fédéralisme de la démocratie: «sans doute le principe démocratique vise-t-il le même objectif (le pluralisme) puisqu'il tend à associer individus à la formation des décisions par lesquelles ils seront liés. Mais, dans la démocratie il ne s'agit que d'une association d'individus. L'idée fédérale cherche à faire prévaloir une association de groupes», voir Burdeau G. Traité de science politique. T. II: L'Etat. P., 1980. P. 493.
4 Rescigno G. U. Sul fondamento (o sulla mancanza di fondamento) costituzionale delle Comunità montane, nota a Corte costituzionale n. 244 del 2005 // Giurisprudenza costituzionale. 2005. № 2. P. 2120.
En revanche, la Cour constitutionnelle italienne a statué leur compatibilité avec la reforme1, bien qu'elles ne sont pas mentionnées en Constitution, elles étaient prévues par la loi (mais de l'Etat) bien avant la Réforme du Titre V de la Constitution2.
La non mention en Constitution a été interprétée comme si les communautés ne sont pas des organes «nécessaires» et par conséquence -en conformité avec l'art. 117, comma 2, lett. p) que circonscrive la compétence de l'État en matière de collectivités locales à celles qui sont explicitement mentionnés dans la Constitution — elles sont soumises aux compétences régionales et au pouvoir résiduel des Régions ex art. 114 de la Constitution, alinéa 4, et ce sont les Régions qui identifient la limitation des domaines des communautés et c'est le Président de l'exécutif régional (la Giunta regionale) qui les mettre en place.
La question la plus brûlante en droit constitutionnel au sujet de l'aménagement du territoire est celle qui concerne la répartition de compétence entre l'Etat et la Région à propos des communautés de montagne.
La loi régionale établit la procédure d'approbation du Statut de la Communauté, les rapports qu'elle doit entretenir avec les autres collectivités sur le territoire et la répartition entre les communautés de montagne des financements régionaux et de l'Union européenne.
La compétence en matière de communauté est donc de la Région, mais la loi de l'Etat qui l'avait disciplinée avant la Révision constitutionnelle du Titre V reste en vigueur pour le respect du principe de continuité, jusqu'à sa substitution par les lois régionales3.
En revanche, la question qui remet en cause les compétences est la puissance financière4. À travers sa propre compétence en matière de coordination des finances publiques l'État revendique l'organisation et surtout la réduction des nombres des communautés en niant le financement ou bien en établissant comment ce financement doit être dispensé dans les collectivités.
La compétence sur la coordination de la finance publique légitime intervention incisive sur matière de compétence des régions5 et grâce à cette compétence l'État peut amplifier son intervention. Bien qu'une lecture attentive de la Constitution semble justifier seulement une action de l'État vouée à établir seulement des limites générales et non détaillés à l'égard de l'utilisation des ressources financières destinées aux communautés dans les faits la Cour constitutionnel à trouvé des solutions bien plus audacieuses qui justifient l'intervention du pouvoir central en créant un principe de «prevalenza» à travers lequel on introduit un principe de supériorité de l'Etat à l'égard des Régions6.
Pour ce qui est des compétences, la question centrale est de réduire les coûts des établissements publics en général et des collectivités en particulier qui touchent tous les Pays d'Europe. En effet, ce n'est pas un hasard si l'aménagement du territoire et la réorganisation des collectivités ne sont pas faites pour une implémentation des droits, mais plutôt pour contenir le coût des finances publiques. En Italie il y a un affrontement entre l'exigence de contenir les dépenses publiques tout en garantissant l'autonomie des régions7.
1 Cour constitutionnelle. Dèc. n. 244 et 456 du 2005 et ensuite déc. n. 397 du 2006.
2 Art. 27 del D.lgs 18 août 2000, n. 267 (T.U. enti locali).
3 Viceconte N. Comunità montane e Corte costituzionale: nuovi nodi da sciogliere? // Rivista AIC. 2010. № 2. P. 3.
4 Cour constitutionnelle, déc. n. 91 du 21 mars 2011. Sur ce sujet, voir Viceconte N. La Corte chiarisce sulle comunità montane. Nota a Corte cost. 21 marzo 2011, n. 91 (e a margine della sentenza n. 326 del 2010) // Rivista AIC. 2011. № 2.
5 Cour constitutionnelle, déc. n. 27/2010.
6 Bin R. Prevalenza senza criterio // Le Regioni. 2009. № 3—4. P. 619; selon lequel ce critère peut être considéré un remaniement de l'intérêt national. Du même avis, Cosimo G. di. C'erano una volta le materie residuali // URL: http://www.forumcostituzionale.it. P. 2. Sur le même sujet, on s'autorisera à renvoyer à Ciolli I. La «Supremacy clause all'italiana». Regioni e strumenti finanziari derivati davanti alla Corte costituzionale // Rivista AIC. 2010. № 1. P. 4.
7 La legge dispone provvedimenti a favore delle zone montane.
Il faut également rappeler l'art. 5 de Constitution italienne, qui garantit une priorité de l' État et la présence d'un modèle d'organisation territoriale qui n'est pas du tout conforme à un modèle polycentrique. Et d'ailleurs quand on essaie de l'appliquer, la confusion règne, la Cour constitutionnelle laissant entendre — entre les lignes — que ce modèle-là n'est pas en harmonie avec l'organisation constitutionnelle, et qu'il faut reconduire au centre, à l'organisation étatique, les décisions les plus importantes afin de sauver les institutions de l'État central1.
Quelques mots conclusifs
Quelles sont les conséquences de ces profonds changements dans l'aménagement du territoire?
L'agglomération des communes, les «comunità montane» et la constitution des Régions frontalières entrainent un affaiblissement de l'institut de la Représentation politique: il n'y a pas des mécanismes d'élection directe de ces collectivités, qui ne répondent pas aux électeurs. Bien qu'elles aient des compétences spécifiques, le pouvoir politique exercé par ces collectivités ne dérive pas des citoyens. De plus, elles peuvent établir des taxations supplémentaires et donc échapper au principe cardinal du droit constitutionnel qui est résumé par la maxime «no taxation without representation».
Il y a une autre question qui est centrale pour le droit constitutionnel: l'unité et l'intégration de l'État et de son peuple constituent les fondements de ce droit et l'unité assume une position centrale pour la fondation du pouvoir légitime. Je ne veux pas dire que la décentralisation n'est pas légitime, mais qu'une excessive décentralisation qui ne reconnaît pas un centre de pouvoir et qui voit l'État simplement comme l'un des sujets territoriaux et politiques au même niveau que les autres, ne contribue pas à la création d'un vrai pluralisme ni territoriale, ni institutionnel, mais plutôt à une forme chaotique où le pouvoir n'est ni limité, ni régit par les citoyens.
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IX
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