4. The Tower Building, comparable with the Halicarnassus mausoleum, and more believable the ayazan Frahatakan mentioned in the ostraca;
5. The Square House, eventually used as a treasury but initially the building for royal feasts, according to A. Invernizzi's interesting suggestion.
Comparisons are based on the functions of the buidings located in the central part of Ay Khanum.
Key words: Nisa, Ay Khanum, Parthian art, ayazan
© 2015
M. Gelin
NOUVELLES RECHERCHES A TAKHT-I SANGIN1
Городище Тахт-и Сангин на юге современного Таджикистана и на севере древней Бактрии, расположено на правом берегу Амударьи на узкой полоске земли между горой Тешик Тош на западе и рекой на востоке. Раскопки на памятнике осуществляли несколько экспедиций, сосредоточившихся, главным образом, на храме Окса (III в до н.э. — II в. н.э.).
Французско-Таджикская Ассоциация (Институт истории, археологии и этнологии Академии наук Таджикистана и Национальный центр научных исследований Франции) осуществил предварительные исследования в 2014 для уточнения характера и эволюции городской территории, с целью получения дополнительных данных о бактрийских городах, из которых наиболее близкими географически и хронологически являются Бактры, Ай Ханум, Термез. Были предприняты топографические и геофизические исследованиясь, которые мы намерены продолжить, дополнив их геоморфологическими и геологическими исследованиями. Одновременно был осуществлен разведочный маршрут с целью последующих археологических раскопок на двух крепостных валах (наиболее близких к храму). Эти исследования находятся пока на ранней стадии, но они позволяют надеяться на хорошие результаты с продолжением наших исследований.
Ключевые слова: Тахт-Сангин, древняя Бактрия, храм Окса, городская территория, фортификация, геофизика
Gelin Mathilde — chercheuse, Centre National français de la Recherche Scientifique (CNRS). E-mail: [email protected]
1 Je tiens à remercier sincèrement M. Tura Khujageldiev, Chercheur à l'Institut d'Histoire, d'Archéologie et d'Ethnologie de l'Académie des Sciences du Tadjikistan (IHAET): nous nous devons de l'associer aux résultats présentés ici, au regard de son implication dans notre programme de recherche scientifique à Takht-i Sangin. En outre, sans son aide notre visite de 2013 et notre mission préliminaire de 2014 n'auraient pu se dérouler dans d'aussi bonnes conditions.
Je remercie également chaleureusement MM. Guénnadi Koshelenko et Vasif Gaïbov, Directeur et Chercheur à l'Institut d'Archéologie de l'Académie des Sciences de Russie, de m'avoir permis de publier dans ce numéro très particulier, qui me touche sincèrement.
Fig. 1. Localisation de Takht-i Sangin. © H. David-Cuny
Takht-i Sangin2 se situe au sud du Tadjikistan actuel dans le district de Kobadian, sur la frange septentrionale de la Bactriane3 (fig. 1). Sur la rive droite de l'Amou Darya, il se trouve à 5 km au nord du tépé achéménide de Takht-i Kobad et immédiatement au sud du confluent du Vakhsh et du Pandj, lesquels forment alors l'Amou Darya (fig. 2).
Takht-i Sangin se développe sur une étroite bande de terre entre la chaîne de montagne de Teshik Tosh à l'ouest4 et le fleuve à l'est. Il s'étire du sud au nord, sur près de 3 km5 et, d'est en ouest sur près de 600 m à l'origine6 (fig. 3). À l'est, le fleuve et ses méandres ont en partie érodé l'extrémité orientale du site et les fortifications qui bordaient vraisemblablement la rive ont disparu ou ont été recouvertes par les alluvions. C'est pourquoi, en l'état actuel des recherches, il n'est pas possible de restituer précisément l'étendue d'origine du site.
Dans les niveaux les plus profonds atteints par les fouilles archéologiques7, le sous-sol est recouvert de limons déposés par le fleuve. Par-dessus, entraînés depuis la montagne de Teshik Tosh, des épandages de colluvions se sont répandus en plusieurs
2 «Trône de pierre» ou «siège de pierre» ou encore «plateforme de pierre».
3 À proximité immédiate de la frontière avec l'Afghanistan.
4 La montagne de Teshik Tosh est bordée à l'ouest par la vallée du Kafirnigan, à l'est par la vallée du Vakhsh.
5 Du rempart visible le plus au sud jusqu'au rempart visible au nord du site à 1100 m du sanctuaire-citadelle ; un autre rempart est visible à environ 1,5 km plus au nord, mais, en l'état de nos recherches, nous n'avons pas distingué au sol de vestiges architecturaux le reliant à l'agglomération.
6 L'extension exacte à l'est n'est pas connue ; on la restitue ici en partie d'après des images satellites.
7 D'après les fouilles profondes précédentes, voir Drujinina, Bulletin of the Miho Museum 2006; 2009 et 2010.
Fig. 2. Vue aérienne de Takht-i Sangin et son proche environnement. Le nord est en haut. Image d'origine © Google Earth
«vagues» et à différentes périodes, jusque sur la rive de l'Amou Darya. En effet, face à la trouée de la montagne, les colluvions sont visibles en surface et des constructions ensevelies apparaissent dans un ravinement récemment creusé par les écoulements de pluies8: il est donc probable que, à un moment encore non déterminé dans l'Antiquité, d'importants épandages se sont produits. En revanche, si l'on voit actuellement ailleurs sur le site des colluvions amassées en certains endroits au pied du Teshik Tosh, les vestiges affleurant restent en général visibles sur l'ensemble de l'agglomération, ce qui laisse supposer que depuis l'Antiquité et l'abandon du site, celui-ci n'a pas eu à souffrir de nouveaux épandages.
Takht-i Sangin a été mentionné par des voyageurs russes dès la fin du 19e siècle et le début du 20e9, et des recherches archéologiques ponctuelles y ont été menées dès le 20e siècle: tranchées exploratoires par B. N. Deniké (Musée d'Art oriental) en 1928 et par A. M. Mendel'sham en 195610. De 1976 jusqu'à 1991, l'Expédition archéologique
8 Au moins deux maçonneries se distinguent de part et d'autre sur les parois du ravinement qui les a tranchées ; elles sont ensevelies sous environ 1 m de colluvions.
9 Voir notamment Litivinskii, Pichikian 1981, 134;1994, 47-48; 2000, 13-49.
10 Litivinskii, Pichikian 1994,48.
Fig. 3. Plan de Takht-i Sangin, assemblage des parties publiées dans © Drujinina, 2012. Le nord est à droite, les montagnes de Teshik Tosh en haut, l'Amou Darya, en bas ; le carroyage est de 100 m. Au centre, le sanctuaire. Noter les longues lignes parallèles orientées O-E, qui figurent les remparts, dont le plus septentrional est hors-plan
du Tadjikistan méridional, dirigée par B. A. Litvinskii (Institut d'Orientalisme, Académie des Sciences d'URSS), y a réalisé des fouilles régulières sous la direction de I. R. Pichikian: c'est principalement le temple qui a été l'objet de ces travaux. Enfin, de 1998 à 2008, une mission menée par A. Drujinina (Académie des Sciences du Tadjikistan) a repris les travaux sur le temple et fouillé plusieurs habitats dans l'agglomération.
D'après les fouilleurs, le site serait une fondation du 3e s. av. J.-C. attribuée à Antiochos 1er, alors que la Bactriane était sous domination séleucide. Elle aurait perduré jusqu'à l'époque kouchane, au 2e ap. J.-C., et aurait ainsi survécu aux invasions nomades. Enfin, le célèbre Trésor de l'Oxus, dont on ignore l'exact lieu de découverte, lui est souvent attribué.
Elle n'était pas isolée, car sa fourchette chronologique correspond à celles mises en évidence sur les sites d'Aï Khanoum, de Termez et de Bactres, trois villes importantes situées dans un rayon d'une centaine de kilomètres de Takht-i Sangin (fig. 1). Il est vraisemblable que des contacts ont existé entre ces fondations, dont les noms antiques font encore l'objet de débats11.
Les deux premières répondent à une configuration de base semblable à celle de Takht-i Sangin, situées aux confluents de rivières avec l'Amou Darya (Kokcha pour Aï Khanoum, Vakhsh pour Takht-i Sangin, Sourkhan Darya pour Termez) ; elles exploitaient probablement les possibilités offertes par les vallées fertiles pour se constituer un arrière-pays. En revanche, leur fonctionnement intrinsèque semble moins similaire, pour ce qu'on en sait12: à Aï Khanoum, un pouvoir «grec» a mis en place la ville et, quelle que soit la population qui y vivait, les édifices officiels mis au jour permettent d'envisager un fonctionnement inspiré plutôt des modèles grecs. La ville n'a pas survécu à la vague des invasions nomades13. On sait que Termez aurait peut-être comporté un édifice religieux notable14 ; elle a été occupée jusqu'à aujourd'hui, qu'il y ait eu ou non rupture avec la citadelle à certaines périodes. À Takht-i Sangin, qui a perduré jusqu'à l'époque kouchane, il semblerait que la vie religieuse occupait une
11 Pour Litvinsky et Pichikian, Takht-i Sangin pourrait être l'antique Oxiana de Ptolémée et Strabon. Voir Litivinskii, Pichikian 1994, 47 ; voir aussi F. Grenet, C. Rapin, "Alexander, Aï Khanum, Termez: Remarks on the Spring Campaign of 328", Bulletin of the Asia Institute 1998/12,88.
12 Takht-i Sangin est encore peu fouillée: à l'exception de quelques habitats, on ignore quels types d'édifices co-existent sur le site. À Termez on connaît peu l'agglomération qui était liée aux niveaux gréco-bactriens atteints dans un sondage profond pratiqué sur la citadelle.
13 Voir les volumes Fouilles d'Aï Khanoum, Mémoires de la DAFA 1973-2013.
14 Voir Leriche, Sh. Pidaev, Termez sur Oxus. Cité-capitale d'Asie centrale 2008.
place prépondérante15, eu égard à la situation centrale du temple et à une véritable mise en scène lui conférant une position dominante.
Le temple de l'Oxus
Le temple de Takht-i Sangin se situe face à une trouée de la montagne de Teshik Tosh (flb. bk. 1, fig. 4) et est en partie fondé sur ses colluvions16. Il se trouve pratiquement au centre du site, plus précisément presque au centre de l'espace délimité par deux grands remparts orientés est-ouest, visibles à environ 550 m au nord et 400 m au sud.
Les niveaux inférieurs du temple et d'une maison située immédiatement au sud ont mis en évidence de la céramique et du matériel datés du début du 3e s. av. J.-C.17. qui ferait remonter la fondation à Séleucos 1er ou Antiochos 1er. L'édifice cultuel aurait fonctionné jusqu'au 1er s. ap. J.-C., une occupation kouchane y a été reconnue ; cette longévité attesterait la pratique d'un culte local bien intégré18.
L'édifice est directement cerné par une muraille en briques crues, qui correspond à un ajout tardif. Une autre enceinte, entourée d'un fossé et pourvue de tours d'angles, délimite un espace plus grand autour du temple, d'environ 180 m N-S x au moins 200 m E-O (la partie orientale n'est pas accessible, pas plus qu'elle n'est réellement visible19). Cet aspect défensif a permis d'interpréter l'ensemble comme la citadelle du site20, dont le temple était l'élément central. Les bâtiments fouillés à l'intérieur de cette enceinte seraient des constructions civiles, ce qui pourrait confirmer cette fonction non essentiellement religieuse. L'enceinte méridionale forme un coude d'une trentaine de mètres vers le sud et, à partir de ce point, semble demeurer sur cette nouvelle ligne21.
Le temple est connu sous le nom de Temple de l'Oxus. Il mesure environ 50 m N-S x 70 M E-O et son entrée est située à l'est (fig. 5). En l'état, son plan est composé de deux carrés accolés: la partie orientale comprend une cour centrale (qui, d'après les fouilleurs correspondrait à un ajout), avec un portique à colonnes, ou iwan22, qui la borde à l'ouest, prolongé symétriquement au nord et au sud de trois petites pièces et/ou couloirs. Une porte donne sur la partie occidentale, plus petite, qui comprend une pièce centrale dotée de quatre colonnes et, sur les côtés nord et sud, deux couloirs menant à des pièces longitudinales en forme de gamma qui bordent la salle à colonnes à l'est.
15 Dans la mesure où la ville est encore peu connue, cette hypothèse est formulée sous toutes réserves, en attendant de nouvelles études.
16 Voir les publications de Dujinina dans le Bulletin of the Miho Museum 2006; 2009; 2010, notamment Drujinina, Inagaki, Hudjageldiev, Rott ; voir aussi Drujinina, Linstrom.
17 Bernard 1994, 82. Il est à noter également qu'un niveau néolithique a été trouvé dans un sondage profond de la salle à colonnes.
18 Litvinskii, Pichikian 1981, 163.
19 La partie orientale ne peut être étudiée dans de bonnes conditions: d'une part, la ligne de barbelés marquant la frontière nous interdit d'y accéder (elle se trouve entre le temple et la limite orientale du tépé marquant le «sanctuaire-citadelle») et ce, y compris au moment des fouilles de Pichikian (voir le plan publié dans Litvinskii, Pichikian 1994, fig. 1) ; d'autre part, les méandres du fleuve ont en partie érodé la partie orientale de l'enceinte, comme l'ensemble de la frange orientale du site. La solidité de l'enceinte du sanctuaire-citadelle lui a permis de résister davantage, mais la terre crue, dont l'enceinte est en partie bâtie, ne peut affronter sans dommages la puissance d'un fleuve. Il nous semble donc difficile d'affirmer que le temple est «ouvert du côté du fleuve», comme dans Francfort 2012, 121.
20 Litvinskii, Pichikian 2000.
21 Cette partie, inaccessible, n'a pas pu être fouillée, mais les vues aériennes fournies sur internet permettent de voir un alignement qui prolonge à cette déviation.
22 Litvinskii, Pichikian 1994, 48.
Fig. 5. Plan du temple, dans © Litvinskii-Pichikian, 2GGG
De nombreux éléments architecturaux en pierre de bonne qualité (tant par le matériau que par la taille) ont été retrouvés, dont des bases de colonnes reflétant l'art kouchan.
La petite pièce située au nord-ouest de la cour (pièce 7) comprenait une plateforme en briques crues et d'épaisses accumulations de cendres mêlées d'ossements animaux, interprétées par les fouilleurs comme un indice de la pratique d'un culte du feu ; cependant, la présence d'ossements dans ces cendres a fait dire à H.-P. Francfort qu'il ne pouvait s'agir d'un temple du feu, son culte en général produisant des cendres pures23. En revanche, la présence d'une canalisation et de puits, la proximité du fleuve et divers artefacts dédiés à Cybèle ou d'autres divinités comme le Marsyas, ont laissé penser que le culte qui y était pratiqué correspondait à des divinités aquatiques24.
L'agglomération de Takht-i Sangin
En ce qui concerne l'agglomération elle-même, elle représente probablement la partie résidentielle. Peu de choses ont été fouillées (principalement des habitats domestiques) au regard de ses dimensions, et les informations apportées demeurent relativement ponctuelles, comprises dans une fourchette chronologique proche de celle du temple (principalement gréco-bactrienne et kouchane). Sur les plans préalablement publiés (voir fig. 3), une orientation préférentielle des constructions relevées au sol se dessine, schématiquement nord-sud et est-ouest.
De manière générale, et en dépit de la présence d'architecture en terre crue en plusieurs endroits du site, une des particularités de Takht-i Sangin est d'abriter de nombreuses constructions en pierre, fait suffisamment inhabituel en Asie Centrale dans l'Antiquité pour mériter d'être noté. Il est probable que les pierres entraînées au bas de la montagne ont dû être employées de manière privilégiée.
Ainsi en surface, on voit notamment plusieurs longs murs d'au moins 3 m d'épaisseur, très vraisemblablement des remparts, tous bâtis en pierre25, soit de manière très lisible avec des parements évidents comme pour la muraille la plus au sud (fig. 6), soit sous forme de monticules de pierres mêlées à de la terre, comme pour les deux remparts les plus proches du temple ou le plus éloigné (fig. 7). Ces murailles sont implantées parallèlement, avec une orientation d'ouest en est (lignes noires sur le plan fig. 3), barrant le passage entre la montagne de Teshik Tosh qui plonge sur le site et le ferme à l'ouest, et l'Amou Darya et ses méandres qui le bordent à l'est. Nous avons pu en dénombrer sept.
En 2012, l'Institut d'Histoire, d'Archéologie et d'Ethnologie de l'Académie des Sciences du Tadjikistan (dir. R. Masov) a souhaité reprendre les fouilles archéologiques sur le site ainsi que sur le sanctuaire et a sollicité la Mission française d'Asie Centrale (dir. H.-P. Francfort) qui nous a sollicités à notre tour26. Une première visite de reconnaissance a eu lieu en 20 1 327 qui, combinée à l'étude du plan existant, nous ont permis d'évaluer les possibilités d'exploration de Takht-i Sangin et de définir plusieurs problématiques de recherche.
23 Francfort 2012, 124.
24 Bernard 1994, Francfort 2012.
25 À ce jour, nous n'avons encore repéré aucune trace d'outil, y compris au cours de nos premières fouilles sur les remparts.
26 Nous remercions très sincèrement les professeurs R. Masov et H.-P. Francfort pour leur aide et la confiance qu'ils nous ont témoignée.
27 Membres de l'équipe: T. Khujageldiev et F. Kurbanov (Institut d'Histoire, d'Archéologie et d'Ethnologie, Académie des Sciences du Tadjikistan), H.-P. Francfort, M. Gelin et P.-M. Blanc (CNRS France) et un chauffeur de l'IHAET.
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Fig. 6. Le rempart le plus au sud, vue vers l'ouest. © M. Gelin
Les nouvelles recherches franco-tadjikes: programme et méthodologie
Une brève mission préliminaire a suivi en septembre 20 1 428, afin de procéder à des premiers travaux. Ceux-ci nous ont offert de solides bases qui complètent et affinent ces problématiques et précisent de futures recherches.
En premier lieu, le site étant d'une grande superficie, il nous est apparu qu'il était exclu de le fouiller sans avoir au préalable tenté de préciser la nature, l'organisation et l'évolution de l'agglomération, en fonction des résultats d'études préliminaires. En effet, à la seule observation du plan et du terrain, la multiplicité des remparts et les grandes dimensions de l'établissement éloignent la possibilité d'une création ex-nihilo sur toute son étendue. De plus, la position centrale du temple de l'Oxus a probablement joué un rôle prépondérant dans l'évolution du site.
Ainsi, outre leur fonction défensive, les remparts ont pu jouer le rôle de barrage et de contrôle de l'unique passage entre le fleuve et la montagne ; ils peuvent aussi marquer l'extension progressive de l'agglomération hellénistique jusqu'à l'époque kouchane ; ou encore, certains pourraient être le témoignage d'installations plus anciennes qui auraient pu servir de points d'attraction pour une implantation postérieure, ce que pourrait confirmer la présence de céramique achéménide découverte en prospection pédestre29. Enfin, ils auraient également pu contribuer à orienter l'épandage des colluvions de la montagne sur le site.
La principale question est donc de savoir comment l'agglomération a évolué: les deux remparts les plus proches du temple (F1 au nord, F2 au sud, ^.bk. 2, fig. 8), séparés d'un peu plus de 1000 m, représentent-ils les limites d'une première installation liée à l'édifice cultuel ? Les murailles suivantes (une à environ 520 m au nord du rempart du secteur F1 puis une à 1500 m au nord de ce dernier, et celles au sud à environ 1200, 1350 et 1400 m du rempart du secteur F2), représentent-elles les limites d'extensions successives ?
Connaissance préalable du site par des moyens non intrusifs
Takht-i Sangin, tel qu'on le voit aujourd'hui, est le reflet de l'évolution des différentes occupations qui s'y sont succédé, et l'on ignore quel était son premier faciès. Afin de percevoir le mieux possible ces étapes et son apparence première, nous souhaitons dans un premier temps appliquer une méthodologie de la recherche qui l'aborde «par l'extérieur», au moyen de méthodes ne touchant pas, ou peu, à son intégrité: recherche des raisons de son implantation en ce lieu précis, étude de sa morphologie et des modalités de cette implantation, recherche de son contenu grâce à la géophysique, prospection sur le matériel. C'est notamment en fonction des résultats obtenus et de nos problématiques scientifiques, que nous pouvons ensuite déterminer où implanter des fouilles archéologiques étendues. Cette première approche a débuté, en partie seulement, au cours de notre mission préliminaire.
28 Membres de l'équipe: T. Khujageldiev and F. Kurbanov (IHAET), H.-P. Francfort, M. Gelin, P.M. Blanc (CNRS France), B. Aslan, géophysicienne, R. Schwerdtner, topographe et deux chauffeurs de l'IHAET.
29 Jusqu'à présent, aucune occupation achéménide n'a été mise en évidence sur le site.
Étude morphologique
Ce type d'étude nous paraît indispensable pour une bonne compréhension du site, notamment en ce qui concerne la chronologie et l'étendue des épandages successifs qui se sont accumulés entre la montagne de Teshik Tosh et l'Amou Darya. Ceux-ci ont apparemment une incidence directe sur la conception de la muraille entourant la «citadelle-sanctuaire» placée face à la trouée de la montagne (la zone la plus exposée). En effet, cette enceinte est particulièrement résistante, puisque, jusqu'à aujourd'hui, elle a pu affronter les écoulements de pluie venus des montagnes, et que sa partie orientale n'a pas totalement disparu sous les effets de l'érosion du fleuve quand les constructions voisines ont été ensevelies ou emportées. De plus, le fait que, des constructions de l'agglomération ont pu être recouvertes par les colluvions dans l'Antiquité même, a apparemment pu conditionner l'implantation des bâtiments postérieurs (par exemple, au sud-ouest du temple, il semblerait qu'aucun édifice n'a été bâti au-dessus de l'épaisse couche de colluvions qui a enterré des murs antérieurs).
L'étude géomorphologique serait évidemment couplée avec une étude géologique du site et de son environnement direct.
Relevé topographique
L'étude du plan topographique, combinée à celle des vestiges visibles en surface ou dégagés par la fouille, pourrait nous permettre d'établir notamment si certains secteurs ont pu être privilégiés pour l'implantation de zones urbaines ou de leurs limites, comme les remparts30. De même, l'approvisionnement en eau de l'agglomération dépend du relief et une carte topographique précise pourrait nous aider à découvrir et suivre les canaux, soit d'arrivée depuis le fleuve et/ou la rivière, soit de récupération depuis les montagnes. Dans tous les cas, il s'agit d'un outil indispensable à l'étude de ce site archéologique.
La première opération à réaliser est donc un plan précis ; il existe des plans topographiques antérieurs, réalisés par les missions Pitchikian-Litvinskii31 et Drujinina32, mais publiés sous un format réduit qui ne nous permet pas de travailler en détail. Ainsi, le plan publié par les premiers offre une bonne indication du relief ainsi que divers tracés de constructions apparaissant en surface ; de ce point de vue, le plan de Drujinina est à ce jour le plus complet. Cependant, certains vestiges apparents en surface ne sont pas tous figurés (par exemple au nord du rempart F2), d'autre part des architectures sont souvent représentées par un simple trait dont on ne peut déterminer s'il s'agit d'un vestige clairement vu au sol ou restitué. En revanche, sur les deux plans, l'absence de constructions au sud-ouest du temple atteste le recouvrement de la zone par les colluvions de la montagne.
Au cours de notre mission préliminaire, une partie du site a déjà pu être relevée et des sections dessinées.
30 Par exemple, on sait que l'étude du relief a joué un rôle important à Cyrrhus en Syrie, où il a été donné à la mission libano-syrienne de restituer l'implantation de la première muraille grecque par la seule étude de la topographie, restitution confirmée ensuite par les fouilles et la prospection géophysique.
31 Litivinskii, Pichikian 1994, fig. 1 à 3.
32 Drujinina 2012.
Prospection géophysique
Lorsque la prospection géophysique est associée à la topographie et à l'étude archéologique, les résultats peuvent permettre de percevoir la façon dont les constructions sont implantées et donc, la nature de l'urbanisme. Si le plan hippodamien apparaissait, son origine grecque serait alors évidente. Même si un tel cas ne se présente pas, l'évolution chronologique de l'implantation par secteurs peut être déterminée si des quartiers se distinguent, certains ayant des édifices pouvant «couper» des bâtiments d'un autre quartier, d'autres implantés selon un type de plan d'urbanisme différent, etc...
À Takht-i Sangin, la plupart des constructions est bâtie au moyen d'une fondation de pierre, majoritairement des moellons ou du tout-venant, pour ce que nous avons pu constater, et des élévations de terre crue33 apparaissent parfois. Ces techniques de construction sont en général très bien perçues par les appareils de prospection géophysique, ainsi qu'on a pu le voir à Cyrrhus ou à Doura-Europos en Syrie, où les plans des secteurs non fouillés sont apparus très clairement: on a ainsi pu déterminer, à Cyrrhus, une partie de l'implantation du premier rempart, la rue principale bordée de boutiques, des églises, etc... À Doura, ce sont les îlots délimitant les rues et les maisons les composant qui sont le mieux ressortis.
Au cours de notre mission préliminaire, nous avons commencé à prospecter des secteurs définis, proches de ceux où nous avons pratiqué des études archéologiques (secteurs F1 et F2). La prospection géophysique a été réalisée au moyen de matériel électro-magnétique, sur deux jours et sur des surfaces restreintes (50 m de côté au nord, 25 m de côté au sud), mais les résultats sont prometteurs: des réponses claires sont apparues, à différentes profondeurs, et certaines peuvent déjà être interprétées comme des alignements (up. bk. 2, fig. 9). Cependant, la faible surface prospectée cette fois-ci ne permet pas d'extrapoler davantage34.
Connaissance historique, chronologique et matérielle par les moyens
archéologiques
Parallèlement aux méthodes non intrusives et de manière complémentaire, les seuls moyens d'obtenir des informations générales sur la chronologie du site sont la prospection pédestre et la fouille archéologique ciblée.
Prospection pédestre
Dans l'agglomération, nous avons découvert en prospection pédestre de la céramique achéménide, principalement dans les secteurs au nord du temple ; quelques tessons de l'âge du Bronze sont apparus dans nos chantiers. On sait par ailleurs que des niveaux gréco-bactriens et kouchans ont caractérisé certains habitats. Outre le temple, le site atteste donc plusieurs occupations appartenant à des époques différentes.
33 Briques crues ou pahsa, sorte de pisé pour la mise en place duquel on n'utilise pas de banches ni de pison (la viscosité de la terre est suffisante pour permettre la tenue des couches successives).
34 Les prospections géophysiques pouvant être réalisées au moyen de différents types de matériel, cette mission a servi de test préalable servant à déterminer si l'appareil employé était ou non adapté. C'est pour cette raison que le temps consacré à cette prospection a été relativement court et, de fait, les surfaces traitées, peu étendues.
La prospection pédestre, que nous avons débutée en 2013 et en 2014, doit être poursuivie sur l'ensemble du site ; elle permettra de préciser encore quelles sont ces époques et, dans l'éventualité d'une concentration d'un type de matériel dans un secteur donné, de resserrer la localisation de certaines de ces occupations.
Fouille du «sanctuaire-citadelle»
De manière générale, les fondations urbaines hellénistiques prennent un soin particulier à l'implantation et à la réalisation d'une citadelle, qui devient un élément fondamental de la défense et de la représentation de la fondation.
C'est pourquoi, il nous a paru nécessaire de travailler sur ce que nos prédécesseurs ont nommé citadelle, c'est-à-dire l'espace délimité par l'enceinte cernant le temple et les constructions autour. Il n'est pas à l'ordre du jour de reprendre la fouille du temple lui-même, déjà au centre de plusieurs études antérieures. En revanche, la zone protégée par les murailles qui l'entourent et en font une place-forte, conserve encore plusieurs parties intactes qu'il est possible d'étudier. Cette étude nous permettrait à la fois de confirmer si l'on a bien là affaire à une citadelle ou à un sanctuaire35, et de relier les niveaux découverts à l'enceinte.
Cette opération s'inscrit dans la recherche d'informations permettant de déterminer si l'agglomération proche du temple a pu lui préexister, si elle lui est associée ou postérieure. Notre objectif est donc d'inclure l'étude du sanctuaire-citadelle en le replaçant dans son contexte immédiat, c'est pourquoi le travail serait prolongé par la mise en évidence d'une partie de sa muraille et par un sondage à l'extérieur, dans les niveaux situés contre son enceinte, afin de déterminer la chronologie de leur implantation par rapport à celle du temple36.
Par ailleurs, une piste qui traverse le site a tranché il y a plusieurs années le mur d'enceinte au nord et à l'ouest et le nettoyage des parois de ces tranchées permettrait d'obtenir rapidement une vue incomparable de la maçonnerie, avec ses éventuelles réfections ; le matériel associé pourrait permettre d'en proposer une date. Les informations obtenues fourniraient une indication précieuse sur la chronologie et l'évolution de cette enceinte.
Fouille des remparts
Les fortifications représentent un élément majeur pour la connaissance du site: elles peuvent parfaitement refléter la chronologie générale37 ou un changement de limites de l'implantation. Par ailleurs, en fonction de leurs relations stratigraphiques avec les niveaux à l'intérieur de l'établissement qu'elles protègent, elles peuvent apporter également des informations utiles sur la chronologie de cette agglomération.
À Takht-i Sangin en 2014, nos fouilles ont été implantées sur les deux remparts les plus proches du sanctuaire ^b. bk. 2, fig. 8), afin de déterminer s'ils sont associés au temple: ils ont révélé à la fois une occupation sur la longue durée montrant un remploi
35 Les fouilles de nos prédécesseurs ont mis au jour des constructions civiles, voir Drujinina 2012.
36 Les informations récoltées par la mission Drujinina au sud du temple seront un bon point de comparaison.
37 Date de construction, éventuelles dégradations (attaque brutale, usure), réfections (ponctuelles ou grand programme de rénovation).
de la fortification d'origine (F1)38, et une date gréco-bactrienne avancée a caractérisé le niveau de fonctionnement du rempart au sud (F2, voir цв. вк. 1, fig. 10), épais de 2,10 m. Cette recherche sur les différents remparts devrait être poursuivie au cours de prochains travaux.
À l'est, on ne sait rien des murailles qui bordaient vraisemblablement le site et devaient en même temps le protéger des montées des eaux; il est probable que ce secteur, au-delà de la ligne de la frontière, ne pourra pas être atteint par nos travaux. Côté ouest, la montagne jouait probablement le rôle de moyen de défense.
Conclusion
La mission préliminaire de 2014 comportait une dimension d'évaluation et de programmation scientifique et matérielle. Les résultats nous permettent aujourd'hui d'affirmer la nécessité de poursuivre les études alors débutées (relevé topographique, prospection géophysique, prospection pédestre, fouilles ciblées sur les remparts) et d'en mener de nouvelles (géomorphologie, fouille sur le sanctuaire-citadelle). À l'aide de ces diverses recherches, nous espérons mieux comprendre la chronologie des phases historiques, en lien avec la mise en place du temple de l'Oxus et de l'agglomération.
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38 Cette fouille n'a pas pu être terminée en 2014.
NEW RESEARCH ON TAKHT-I SANGIN. THE GENERAL CONTEXT OF THE
LOCATION
M. Gelin
Takht-i Sangin, in the south of modern Tajikistan and in the north of ancient Bactria, is located on the right bank of Amu Darya River, on a narrow land between Teshik Tosh Mountain in the west, and in the east of the river. The excavations were carried out by several expeditions which mainly concentrated on the Oxus Temple (the 3rd century BC to the 2nd century AD). French-Tajik Association (Institute of History, Archaeology and Ethnology, Sciences Academy of Tajikistan and French National Centre for Scientific Research) has done preliminary researches in 2014, to clarify the nature and the evolution of the urban area, in order to obtain additional data on the Bactrian cities of which the closest geographically and chronologically are Bactria, Ai Khanum, Termez. Topographical and geophysical surveys were made, which we intend to continue expanding their geomorphological and geological studies. At the same time exploration was carried out in order to follow the route of archaeological excavations on two ramparts (closest to the temple). These studies are still at an early stage, but they allow us to hope for good results with the continuation of our research.
Key words: Takht-i Sangin, Ancient Bactria, Oxus Temple, urban area, fortifications, geophysics
© 2015
J. D. Lerner
MITHRIDATES I's CONQUEST OF WESTERN GREEK-BAKTRIA*
В статье предложен возможный маршрут вторжения Митридата I, который вторгся в Греко-Бактрию, вслед за более ранними подобными кампаниями Александра Великого и Антиоха III. Это позволяет автору выяснить, какие регионы страны и у кого были захвачены. Полученный результат дает ключ к новой реконструкции парфян-ско-бактрийских отношений во II в. до н.э.
Ключевые слова: Митридат I, Греко-Бактрия, Евкратид I, Александр Македонский, Антиох III
There is a great deal that we do not know about Mithridates' campaign in western Greek-Baktria. What little information we do have is gleaned from just a few scattered sources. It appears that when Mithridates I ascended the throne upon the death of his brother, Phraates I, the Parthian kingdom included Khorasan, Gorgan, and southwestern Turkmenistan. According to Justin (41.6.1-3), at about the same time that he began his reign, Eukratides I usurped the Greek-Baktrian throne from Demetrios, the last of the Euthydemids. (Eodem ferme tempore, sicut in Parthis Mithridates, ita in Bactris Eucratides, magni uterque viri, regana ineunt.) Of the two, the Parthians prospered,
Lerner Jeffrey D. — professor Department of History, Wake Forest University. E-mail: [email protected]
* I would like to thank Marek J. Olbrycht and J. Clark for their many valuable comments on a draft of this article, although any shortcomings and failings remain that of the author.