УДК 0088181116
Е. В.Соловьева
кандидат филологических наук, доцент, кафедра фонетики французского языка,
факультет французского языка МГЛУ; e-maiL: soLoviova-eLena@rambLer.ru
ФИЛОСОФСКАЯ И ЛИНГВИСТИЧЕСКАЯ КОНЦЕПТУАЛИЗАЦИЯ ВО ФРАНЦУЗСКОЙ САТИРИЧЕСКОЙ ТРАДИЦИИ
Концептуализация является структуралистической деятельностью, предназначенной для систематизации данных функционирования предмета концептуализации, а именно сатиры, в ее историческом развитии и окончательном становлении как институциональной традиции, начиная с ХМ в. Родственные сатире концепты, такие как юмор, ирония, смех, комическое и т. д. являются следствием длительного исторического развития. В основе сатирической традиции лежат социально-политические и экономические особенности развития общественной мысли во Франции, проявляющиеся в свободомыслии, презрении к общественным и религиозным запретам, в критике властей и властной элиты, ответственных за негативные социально-экономические тенденции. Указанные особенности определяют прагматические функции семантической организации сатирических произведений, в основе которой лежит создание комического. Ирония является семантическим механизмом формирования всей структуры сатирического текста. Ключевые слова: сатира; ирония; смех; игра.
E. V. Solovieva
PhD (Philology), Associate Professor at the Department
of French Phonetics, Faculty of French, MSLU; e-mail: soloviova-elena@rambler.ru
PHILOSOPHICAL AND LINGUISTIC CONCEPTUALIZATION IN THE FRENCH SATIRIC TRADITION
Conceptualization is a structuralistic activity which aims to systematize the operating data of the object of conceptuaLization, satire in this case, in its historicaL deveLopment and finaL estabLishment as an institutionaL tradition beginning with the XII century. Concepts related to satire such as humour, irony, comedy, laughter etc. are the resuLt of Long historicaL deveLopment. SociaL, poLiticaL and economic pecuLiarities of pubLic thought deveLopment in France served as the basis for the satirical tradition. They manifest themselves in free-thinking, disregard to public and reLigious prohibitions, attacking the superiors of the French society who are responsible for negative social and economic trends. The given peculiarities determine pragmatic functions of the semantic organisation of satiricaL works the basis for which is creation of the comic. Irony is the semantic mechanism of forming the whoLe structure of a satiricaL text. Key words: satire; irony; laughter; play.
E. V. Solovieva
PhD (PhiLoLogy), Associate Professor at the Department of French Phonetics, Faculty of French, MSLU; e-mail: soloviova-elena@rambler.ru
CONCEPTUALISATION PHILOSOPHIQUE ET LINGUISTIQUE DANS LA TRADITION SATIRIQUE FRANCAISE
La conceptualisation est une activité structuraliste destinée à systématiser en concepts les données de fonctionnement de l'objet de conceptualisation, la satire en l'occurence, concept à côté de nombreux concepts apparentés tels que l'humour, l'ironie, le comique, le rire etc. qui soustendent tous ensemble la tradition satirique française. La tradition satirique française remonte au XII siècle. Les circonstances historiques, sociales et politiques, marquent l'esprit satirique français d'une tendance libératrice, du mépris des interdits, y compris religieux. Le trait libérateur du ridicule se manifeste le plus souvent dans les attaques des supérieurs de la société française, responsables des tendances sociales négatives. Le principal concept qui fait partie de la catégorie esthétique de comique est l'ironie qui est avant tout une opération mentale ne se réduisant pas aux moyens linguistiques. Les définitions de l'ironie qui existent en abondance dans la littérature se limitent généralement à ses moyens linguistiques de l'expression et dissimulent son essence gnoséologique. Ce concept représente une espèce d'activité ludique qui caractérise le mécanisme sémantique de l'expression du rire conformément à la loi universeUe de la nomination. L'ironie agit non seulement au niveau de la phrase isolée, mais au niveau du texte entier en exécutant le montage du texte et conditionnant le choix des moyens linguistiques.
Mots clés: satire; comique; rire; ironie; pragmatique; ludique; sémantique; microacte; macro-acte; iHocutoire.
La conceptualisation est une activité structuraliste destinée à systématiser en concepts les données de fonctionnement de l'objet de conceptualisation, la satire en l'occurence, concept à côté de nombreux concepts apparentés tels que l'humour, l'ironie, le comique, le rire etc. La conceptualisation est un phénomène diachronique, le corollaire d'un long développement évolutif.
L'article poursuit l'objectif d'examiner les traits philosophiques et linguistiques des concepts apparentés de la satire qui soustendent la tradition française résultant des circonstances socioculturelles historiques.
Le « Dictionnaire des termes littéraires » résume la signification de la satire à partir de l'antiquité : la censure des oeuvres publiques, l'attaque des vices et des ridicules, la critique des comportements [Manoli 2017].
La tradition satirique française remonte au XII siècle. Les circonstances historiques, sociales et politiques, marquent l'esprit satirique français d'une
tendance libératrice, du mépris des interdits, y compris religieux. Par contre en Russie dans des oeuvres littéraires anciennes le rire était incompatible avec la religion et, plus tard dans l'histoire, avec des dogmes idéologiques. Néanmoins en Russie des oeuvres satiriques existent, mais la tendance satirique est absente, interrompue par le triomphe des dogmes. Pourrait-on imaginer la parution aujourd'hui d'une oeuvre poétique, pareille au conte de Pouchkine sur un pope au front de farine d'avoine ?
La satire, tout le long de son existence, fait voir sa grande vulnérabilité : Voltaire, Rousseau, Montesquieu, Diderot ont subi le contrecoup du pouvoir.
L'esprit satirique français s'est surtout manifesté aux moments historiques cruciaux où le développement économique et social inefficace formait un obstacle au progrès de la civilisation.
Henri Bergson souligne la signification sociale du rire qui reflète les besoins et les espoirs de la vie du peuple [Bergson 2012]. Et c'est le rire spécialement conçu, cela veut dire intentionnellement créé, qui attire l 'attention du philosophe. Le rire constitue ainsi le but esthétique de la création littéraire et de l'art en général.
Les fabliaux, vestiges les plus anciens de la littérature satirique française du XII au milieu du XIV siècle, prennent l'essor au moment de la naissance de la bourgeoisie, plus progressiste par rapport aux féodaux. Les personnages des fabliaux représentent un statut social dont les travers sont dénoncés par le rire.
Les esthéticiens de comique soulignent le côté libérateur du ridicule qui s'attaque le plus souvent aux supérieurs, responsables des tendances sociales négatives : prêtres, seigneurs, chevaliers. La satire s'établit comme un genre important de la littérature française lorsque le régime social existant se trouve en conflit avec le progrès. Cette tendance séditieuse s'accentue avec le temps pour venir à contourner la censure, pour parodier les phénomènes culturels sérieux : parodie, par exemple, des paroles de la Marseillaise, moqueries à l'égard du clergé. La satire se positionne comme défenseur qui plaide la cause du peuple. Si les autorités se taisent c'est la satire qui rend justice. L'impacte satirique devient alors beaucoup plus fort losque le pouvoir se montre le plus agressif et tous les constituants de la satire s'intensifient.
Les média satiriques affrontent courageusement la censure : « la censure du pouvoir royal avant la Révolution, la censure du Comité de salut
public sous Robespierre, la censure légale sous les différentes républiques. Car il va de soi que la presse satirique et pamphlétaire est dans son essence dénonciatrice des systèmes politiques en place » [Guyard 2015].
Les événements tragiques du massacre dans la rédaction de Charlie Hebdo ont soulevé dans la société française, et aussi internationale, une quantité de questions sur la liberté d'expression de la satire. Les accusations adressées aux dessinateurs après l'attentat sinistre mettaient en cause la légitimité des attaques des valeurs sacrées. Le massacre dans la rédaction de Charlie Hebdo a soulevé dans le monde entier la question sur le pouvoir moral de la satire dans le monde.
Cependant l'esprit satirique français se montre résistant aux interdictions sacrales, soutenu par la majorité de la population. Des manifestations de solidarité avec les journalistes ont révélé l'unanimité de la majorité de la population française sur l'incompatibilité de l'esprit satirique avec les interdictions sacrales.
L'appréhension adéquate de la satire par le grand public demande un certain degré du développement sociopolitique de la société. La satire est un phénomène culturel institutionnel, incorporé dans la société, qui exige la reconnaissance sine qua non de toute la société.
Malheureusement, actuellement la satire est presque bannie de la société russe. Par contre, l'opinion publique française est sûre que réprimée, encouragée, aimée ou détestée la satire est entrée dans la tradition française.
Les dogmes, la mentalité bornée, l'esprit de clocher servent souvent de cible de la moquerie chez les écrivains français. Les dogmes constituent un énorme danger pour le développement démocratique de la société et sont le corollaire de son conservatisme. Les empires entiers se ruinent par suite des dogmes. Le dogme, accusé par Camus dans « L'étranger », se résume ainsi par l'écrivain : « Dans notre société tout homme qui ne pleure pas à l'enterrement de sa mère risque d'être condamné à la mort » [Camus 1965].
D'un côté, les dogmes s'alimentent et s'affermissent par le reigne de l'ignorance dans la société et d'un autre, eux-mêmes, ils renforcent l'ignorance. Les dogmes atteignent le sommet de la puissance quand le pouvoir a besoin de manipuler la conscience de la population permettant aux autorités d'atteindre leurs objectifs.
Les philosophes des lumières ont compris le pouvoir de la connaissance et de la science dans l'aspiration au progrès social, c'est pourquoi leurs
oeuvres ont subi les interdictions de publication et les philosophes ont encouru le danger de prison ou d'exil.
Par ailleurs, certaines oeuvres comiques produisent un effet psychologique bénéfique sur le moral commun. Les années après la guerre en Europe, les années très difficiles à cause de la pauvreté et la privation, sont marquées par l'épanouissement du cinéma comique. Le rire était le souci des gouvernements préoccupées d'encourager et aider le peuple à surmonter des difficultés. L'oeuvre de grands acteurs comiques français tombe sur cette époque. H. Bergson compare le rire avec une anesthésie momentanée du coeur [Bergson 2012]. Le philosophe souligne la signification sociale du rire qui reflète les besoins et les espoirs de la vie du peuple [ibid. 2012]. Et c'est le rire spécialement conçu, cela veut dire intentionnellement créé par l'oeuvre, qui attire surtout l'attention du philosophe.
D'un côté, le rire constitue le but esthétique de la création artistique, et d'un autre, il acquiert une importance « fascinative », cela veut dire la propriété du signal physique d'augmenter la quantité de l'information sémantique.
L'article s'inscrit dans le cadre de l'activité structuraliste, qui a pour but de créer l'image satirique du monde. Les concepts socioculturels de la satire déterminent ses valeurs pragmatiques et linguistiques.
Le métalangage de la catégorie esthétique de comique, en français ou en russe, compte beaucoup de termes: comédie, rire, parodie, ridicule, ironie, humour, satire, trait d'esprit, moquerie, raillerie, sarcasme, dérision etc, ainsi que des verbes dérivés. Les termes peuvent avoir chez différents chercheurs un emploi presque synonymique sans avoir de grandes différences stylistiques malgré bien des nuances de sens relevées par les dictionnaires.
Ce métalangage comique n'a qu'une utilité pragmatique, qui consiste à déterminer des rapports diverses entre le signe et ses usagers. P. ex., il explicite l'attitude du locuteur : expression de gaieté, joie, divertissement, humeur, colère, critique, encouragement et beaucoup d'autres.
Le métalangage est également destiné à exprimer l'intention du sujet parlant de produire un effet sur l'interlocuteur, cela veut dire le faire agir : rire ou agir conformément au rire.
La pièce comique, la comédie, la raillerie, la moquerie, le persiflage, le sketch, le pamphlet, la plaisanterie, la satire, l'humour, l'insulte etc définissent le genre du message envoyé par un sujet parlant à son interlocuteur. Parfois un seul terme peut avoir une signification pragmatique
multiple. « Le comique » comme terme métalinguistique, est une catégorie esthétique, autrement dit, il signifie tout ce qui appartient à la comédie : auteur comique, roman, pièce ; « le comique » est aussi un acteur, chargé de jouer des personnages comiques ; un personnage qui suscite la dérision ; « le comique » signifie le principe de rire, le genre comique, donc tout ce qui provoque le rire : un phénomène, une personne, une chose etc. [Petit Robert 2009].
Dans la conceptualisation structuraliste du rire il y a des termes comme parodie, grotesque, absurde, sarcasme qui indiquent plutôt la façon de la trasmission du signe par son usager.
Le grand humaniste Rabelais exerce par son oeuvre satirique un pouvoir énorme sur toute la littérature prosaïque française. Il communique, selon M. Bachtine, une attitude parodique à toutes les formes idéologiques de la parole : philosophique, morale, scientifique, rhétorique, poétique et même à la mentalité linguistique [Бахтин 2012]. L'esprit gaulois pénètre toute la littérature française, même les oeuvres qui ne sont pas carrément satiriques.
Le grotesque, ensemble avec le sublime, constitue, selon Victor Hugo, le réel de la vie et de l'art [Hugo 1968]. Pour lui le grotesque est la comédie qui fait partie de l'art.
Dans la catégorie esthétique de comique il y a un terme qui dépasse sa signification métalinguistique ordinaire. C'est l'ironie, et dans sa théorie il y a beaucoup de problèmes discutables, notamment les rapports de parenté de l'ironie avec d'autres termes métalinguistiques. Il y a des auteurs qui ne voient pas de différences entre eux et l'ironie. Les définitions de l'ironie, qui existent en abondance dans la littérature, se limitent généralement à ses moyens linguistiques de l'expression. Généralement chacune des définitions se réclame d'un seul moyen de l'expression de l'ironie interprété comme son sens.
Dans la plupart des ouvrages linguistiques ainsi que philosophiques et esthétiques, on utilise la définition antiphrasique de l'ironie, estimée « millénaire » et bien contestée parce qu'elle s'exprime par différents moyens stylistiques en dehors de l'antiphrase [Berrandonner 1981]. Il y a des chercheurs qui expliquent le principe sémantique soustendant l'ironie par la notion de contradiction, d'opposition, de paradoxe, d'ambivalence, d'équivoque. Toutes ces notions signalent la diversité de l'image sémantique du monde proposée par l'ironie, c'est pourquoi elles
s'inscrivent plutôt dans la définition du trope, bien que le trope ne soit pas sufisamment étudié.
Dans des cas multiples de traitement de l'ironie on observe l'approche textuelle car l'ironie agit non seulement au niveau de la phrase isolée, mais au niveau du texte entier en exécutant le montage du texte. L'ironie ne se limite pas aux segments isolés du texte, elle empreint tout le texte, caractérisant la conduite communicative générale du sujet parlant [Kerbrat-Orecchioni 1980a ; Kerbrat-Orecchioni 1980b].
Le rôle de l'ironie dans le montage du texte, est découvert encore dans la rhétorique classique. Dans l'article de B. Allemann « De l'ironie en tant que principe littéraire » l'auteur souligne l'incapacité de l'ironie de se réduire aux mots isolés, et qu'elle n'est pas la somme des phrases ironiques. Le texte peut être au plus haut point ironique sans avoir aucune remarque ironique [Allemann 1978].
P. Bange, soulignant la ressemblance structurale de l'ironie avec le roman, fait noter que l'ironie et le roman polyphonique représentent deux formes du principe dialogique de la recherche de la vérité, principe décelé par M. Bakhtine et qui tient ses origines dans l'esprit carnavalesque [Bange 1978].
Le regard sur l'emploi textuel de l'ironie amène inévitablement à la nécessité d'envisager la valeur pragmatique du texte entier qui ne se manifeste pleinement que dans le texte. A la suite des chercheurs allemands le philologue français P. Bange définie l'ironie comme acte illocutoire indirect [Bange 1978]. Selon F. Recanati cet acte illocutoire indirecte s'accomplit par l'énoncé contenant une marque associée non pas avec cet acte, mais avec un autre [Recanati 1980]. Dans la littérature il y a beaucoup de données sur la valeur illocutoire de l'ironie qui s'interprète différemment chez bien des auteurs. L'absence d'unanimité dans le traitement illocutoire de l'ironie témoigne plutôt au profit de sa multiple diversité illocutoire.
Le problème des fonctions communicatives de l'ironie, autrement dit, de ses valeurs pragmatiques, telles que bienveillance ou agressivité, satire ou humour, sa modalité, font l'objet de larges discussions.
Les philosophes R. Escarpit, ainsi que R.-M.Albérès, considèrent l'ironie comme principe de création de l'image du monde [Escarpit 1960; Albérès 1973]. Et ce principe peut carectériser non seulement la comédie mais aussi la tragédie. D'après Victor Hugot la comédie est fondue dans la tragédie [Hugo 1968]. Les intentions comique ou tragique, différenciant
pragmatiquement les oeuvres, dépendent finalement de la volonté de l'auteur de donner la priorité au comique ou au tragique. Si le récit de Guy de Maupassant « Le rosier de madame Husson » représente une oeuvre satirique ridiculisant l'esprit de clocher qui amène finalement au drame, l'adaptation cinématographique du récit accentue le côté humoristique avec une fin heureuse.
Les valeurs illocutoires peuvent s'imbriquer, s'entremêler et concurrencer dans la trame du texte, formant un certain tissu sémantique de l'oeuvre. Elles résultent du sens des phrases du texte ainsi que de leur combinaison dans le texte et portent dans la pragmatique le nom de micro-actes de langage (illocutores ou perlocutoires). Ces micro-actes n'épuisent pas le sens global du texte parce qu'il y a un macro-acte de langage caractérisant le texte entier et qui ne constitue pas la somme des micro-actes.
L'idée qu'un énoncé contient un système hiérarchique d'actes de langage qui est d'autant plus compliqué lorsqu'il s'agit d'un texte, structure d'un niveau supérieur qu'un énoncé, appartient à C. Kerbrat-Orcchioni [Kerbrat-Orecchioni 1980b]. L'idée est partagée par les auteurs considérant le texte comme une hiérarchie de buts illocutoires avec l'existence de la valeur pragmatique globale qui amène directement à la notion de macro-acte.
Nous croyons que le terme de satire et d'humour ne sont rien d'autre que deux genres littéraires provenant des significations différentes de leurs macro-actes. Dans la réalité il y a des formes mixtes : l'oeuvre peut être à la fois satirique et humoristique.
L'examen détaillé des approches de l'ironie, qui occupe une place à part dans la littérature scientifique, témoigne de son caractère multiforme et polyfonctionnel. L'ironie dépasse de loin le cadre du phénomène langagier, car n'importe quelle oeuvre d'art peut être ironique. Par exemple, l'ironie empreint les jardins du Baroque [Лихачев 1998].
La diversité philosophique, esthétique, sémantique et pragmatique de l'ironie pose une question légitime sur la possibilité de son traitement univoque révélant son noyau gnoséologique fondamental.
On pourrait réunir tous les constituants de l'ironie ensemble à l'aide de la notion culturelle de jeu permettant une vision philosophique globale de l'ironie dévoilant ses origines gnoséologiques.
Pour la prémière fois, la comparaison de l'ironie avec le jeu est faite par F. Shlegel [Bourgeois 1974]. Le jeu pénètre toute la structure de l'oeuvre romantique où s'affirme la conscience du jeu.
Plus tard l'idée de jeu s'est répandue dans la théorie de l'ironie. Le célèbre chercheur de la culture J. Huizinga ne réduisait pas le jeu seulement à l'art [Huizinga 1988]. Il affirmait que le jeu est un phénomène qui traverse tout le domaine intellectuel de l'homme et que le jeu représente une forme d'activité pourvue de sens. J. Huizinga affirmait la parentait du jeu avec le rire, la plaisanterie, le comique.
Le trait commun de la conduite esthétique ludique réside dans la dualité de la perception du spectateur, quant sa conscience contient en même temps deux aperceptions : réelle et illusoire [Фаусек 1911; Лотман 2002]. Le destinataire du message se rend compte de la fiction et en même temps il y réagit comme si c'est tout à fait réel.
Pour mieux comprendre le principe sémantique du jeu il convient d'emprunter les notions utilisées par le célèbre psychologue russe A. N. Léon-tiev dans sa description du jeu d'enfant : « значение предмета игры », « игровой смысл », «расхождение игрового смысла со значением предмета игры » [Леонтьев 1959]. Le décalage entre la signification de l'objet de jeu et le sens ludique constitue le principe sémantique du montage du texte de fiction. Chez le garçon jouant au cheval avec un bâton, le bâton est l'objet de jeu, le cheval est le sens ludique. Les différents jeux d'enfants avec des objets duvers illustrent la pensée de J. Huizinga sur la richesse du sens du jeu. Le jeu peut poursuivre énormément de buts pragmatiques. Le joueur peut produire avec un objet de jeu des actions inimaginables. On connait bien les cas où l'écrivain introduit dans l'oeuvre un phénomène fantastique. L'auteur peut se servir de n'importe quelle chose en tant qu'objet de jeu. L'imagination et l'ingéniosité de l'auteur conditionnent les valeurs artistiques et finalement la réussite pragmatique de l'oeuvre. Comme tout jeu qui est riche de sens, l'ironie ne poursuit pas le but en soi. L'effet comique cherche, à son tour, à atteindre d'autres buts appropriés aux oeuvres d'art et notamment aux oeuvres littéraires. Des buts esthétiques, philosophiques, politiques et bien des autres servent à reconstituer ou recréer l'image du monde. La satire, à côté de l'humour, est envisagé comme enjeu pragmatique de l'activité structuraliste ludique visée à créer l'image du monde conformément à la tradition culturelle française.
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