LA CRISE FINANCIÈRE INTERNATIONALE ET LA GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE: QUELS ENJEUX POUR LES PAYS MAGHRÉBINS?
A. Benabdennour, M. El Weriemmi
Université de Gabès Cité Riadh, Zerig 6072 Gabès
M. Ould Sidi Mouhamed
CMAP-Mauritanie
Ilot D lot N° 39 BP 1193 Nouakchott Mauritanie
La crise financière internationale a contribué à la dégradation des situations socio-économiques des pays maghrébins, en termes de chômage, de pauvreté et d'inégalités. Conjuguée avec la répression politique, cette dégradation a incité les peuples arabes a changé leurs destins.
Le mouvement de contestation libératoire et social qui a commencé de gagner la région MENA a pour objectif de mettre en place un nouveau système économico-socio-politique capable de garantir la dignité humaine et de favoriser la bonne gouvernance économique et politique.
La présente communication tente de montrer que la qualité de la gouvernance économique et politique, issue de ces mouvements de contestation, pourra constituer une source de prospérité socio-économique dans les pays du Maghreb.
Mots clés: Crise, indicateurs sociaux, pays maghrébins, gouvernance économique et politique, développement.
La crise financière et économique actuelle est la pire crise qu'ait connue le monde depuis la grande dépression. Cette crise, qui a débuté sur les principales places financières du globe, s'est propagée à toute l'économie mondiale avec d'importantes incidences dans les sphères économique, sociale et politique.
Pour les pays maghrébins, en particulier, les incidences de la crise sont plus marquées que ne le laissaient entrevoir nombre des prévisions faites initialement. En effet, du fait de la fragilité et de la volatilité des économies maghrébines et de la faiblesse de leurs ressorts internes de croissance, la crise a contribué à la dégradation des principaux indicateurs sociaux: aggravation du chômage, de la pauvreté et des inégalités. Il s'agit de la goutte qui a fait déborder le vase. En effet, sous la pression de la répression politique dans laquelle ils vivaient depuis des décennies et de l'accélération des inégalités socio-économiques, les peuples arabes ont décidé de changer le destin de leurs nations. En dépit de la diversité des pistes suivies (révolution ou simples manifestations), l'objectif des peuples est unique: mettre en place un système socio-économico-politique garantissant la dignité humaine et favorisant la bonne gouvernance.
Dans cette contribution, nous nous proposons de mettre l'accent sur trois points essentiels. Le premier concerne l'analyse des retombées sociales de la crise dans les pays maghrébins. Le deuxième point consistera à montrer la nécessité que le processus «révolutionnaire» entamé au Maghreb permette de mettre en place un nouveau système économico-socio-politique; enfin, dans le troisième point, nous essayerons de montrer comment une bonne gouvernance économique et politique pourra contribuer à favoriser le développement de ces pays.
Les retombées sociales de la crise. Bien qu'ils fussent épargnés par les effets directs de la crise, du fait de leur faible taux d'intégration financière, les pays maghrébins ne pouvaient pas échapper à ses effets indirects. Ces derniers se sont transmis vers ce groupe de pays suite à la récession économique des principaux pays partenaires. En effet, «le groupe des pays maghrébins a ressenti les effets de la crise sur son économie réelle dès le dernier trimestre 2008, période où la récession se propageait dans toute l'Europe» (Banque mondiale, 2009b).
Pour ce groupe de pays, les effets de la crise se sont transmis vers l'économie réelle suite à la chute des indicateurs socioéconomiques des pays avancés. Ces effets ont été amplifiés du fait de la volatilité et de la fragilité de leurs économies et de la faiblesse de leurs ressorts internes de croissance; en raison de la récession des économies avancées, les principaux leviers de croissance des pays maghrébins sont bloqués et leurs perspectives de développement sont détériorées (1).
Dans l'ensemble, les principaux canaux de transmission de la crise vers l'économie réelle des pays maghrébins se résument dans le reflux des capitaux étrangers et la détérioration de conditions de financement, le retour du commerce extérieur et la dégradation de termes de l'échange, la baisse des aides pour le développement et des transferts de fonds des travailleurs émigrés. Ces facteurs ont contribué à défavoriser la croissance et l'investissement, à augmenter le chômage et la pauvreté et à menacer l'accès à l'éducation et aux services de la santé (Banque mondiale, 2009a). La réalisation des objectifs nationaux de développement de ces pays et des objectifs de développement adoptés au niveau international, notamment les Objectifs du Millénaire de Développement (OMD), ont ainsi été mis en péril.
En raison de la crise, les pays maghrébins commencèrent assez rapidement à avoir des difficultés pour accéder au financement extérieur. A titre d'exemple, dès 2007, la Tunisie a été confrontée à des exigences très restrictives lors de sa tentative de lever des fonds sur le marché financier japonais (BAD, 2009). Le Maroc a enregistré, en 2008, une baisse de 7% de flux des entrées d'IDE (Nations Unies, 2009). Les effets de la crise sur les IDE peuvent être repérés par l'évolution du rapport du montant des IDE au PIB dans les pays maghrébins pour lesquels les données sont disponibles. Cette évolution est résumée dans le tab. 1.
Tableau 1
Part des IDE dans le PIB de deux pays maghrébins, 2006—2009
Pays Année
2006 2007 2008 2009
Algérie 1,53 1,24 — —
Maroc — 3,75 2,87 1,5
Source: Banque Mondiale, 2011.
La Tunisie a aussi enregistré une baisse des IDE, étant donné que, selon les statistiques financières de la Banque Centrale de Tunisie (2009), les entrées d'IDE ont atteint seulement 829,4 MDT durant les six premiers mois de 2009, contre 1300,3 MDT en 2008.
Pour les échanges commerciaux, il semble que les pays maghrébins sont durement affectés par la baisse de la demande extérieure et la chute des exportations comme l'illustre le tab. 2.
Tableau 2
Part des exportations dans le PIB dans les pays maghrébins, 2006—2009
Pays Année
2008 2009
Algérie 0,485 0,342
Libye 0,693 0,538
Mauritanie 0,563 —
Maroc 0,368 0,295
Tunisie 0,642 0,520
Source: UNCTAD, 2010.
Il est facile de constater que la baisse des exportations n'a même pas épargné les deux pays de la région exportateurs de produits énergétiques (pétrole et gaz), à savoir la Libye et l'Algérie. Au Maroc et en Tunisie, cet effet de la crise est plus inquiétant, surtout que leurs secteurs exportateurs (industries manufacturières, dont essentiellement le secteur Textiles Habillement et Cuir, et le secteur du Tourisme) sont les plus dotés en main d'œuvre que les secteurs exportateurs dans les autres pays. En Tunisie, et selon les statistiques de la Banque Centrale (2009), le taux de croissance des recettes touristiques est passé de 14.5% en mars 2008 à 2,9% en mars de 2009. De même, la Mauritanie est énormément touchée par la chute du prix du minerai de fer de 60%, depuis la crise (pour ce pays, ce minerai représente 50% des exportations) (BAD, 2009).
Les effets de la crise dans les pays maghrébins risquent de s'amplifier en raison de la baisse des transferts de fonds des migrants et de l'Aide Publique au Développement (APD). En effet, même si les envois de fonds par les travailleurs maghrébins à l'étranger ne représentent pas, dans l'ensemble des pays, une part importante du PIB, ils contribuent directement à financer la consommation des ménages et à réduire la pauvreté. On craint que ces transferts de fonds ne s'amenuisent sous l'effet du ralentissement économique à mesure que les travailleurs migrants perdront leur emploi. Pour l'APD, on s'attend à ce que ses flux baissent à cause de la crise financière. La baisse de cette aide aura un effet dévastateur sur les économies qui sont tributaires de cette aide dans la région comme la Mauritanie où l'aide extérieure représente 35% des recettes publiques et 90% des dépenses d'investissements publics (Perspectives Economiques en Afrique, 2009).
Cette crise financière internationale qui s'est transmise vers les pays en développement à travers les canaux susmentionnés a eu de profondes répercussions sociales, et plus généralement sur les conditions du développement humain.
Le ralentissement de l'activité économique constaté dans les économies en développement, dû à la crise, a engendré une baisse importante des recettes publiques, surtout dans les pays ne disposant pas de ressources naturelles et les pays à faible revenu. Ceci a engendré une détérioration du bien-être, étant donné que la réduction des dépenses totales a un effet sur les dépenses de santé et d'éducation.
A ce niveau, la réduction des dépenses totales a eu un impact sur la structure des dépenses consacrées à la santé, étant donné que, dans maints pays africains et arabes, on a préféré maintenir les salaires en choisissant de faire des économies au niveau des infrastructures et de l'équipement. Ainsi, les gouvernements de ces pays ont différé les
dépenses d'équipement en réduisant les dépenses d'entretien, les achats de médicaments ou les autres coûts de fonctionnement tels que ceux de la surveillance et de la supervision financière. Ces choix semblent avoir eu un effet immédiat et plus néfaste sur les services de santé offerts aux populations surtout les plus démunies qui dépendent des services publics.
De même, une étude faite par l'UNESCO (2009) (cité in Benhammou, 2009) indique que, dans de nombreux pays en développement, la crise menace les progrès réalisés dans le domaine de l'éducation étant donné que la baisse des recettes a rendu les budgets très serrés. Dans ces conditions, la qualité de l'éducation et l'égalité entre les classes sociales et les régions se trouvent aussi menacées. Dans certains pays à faible revenu, notamment ceux africains, l'étude précise que les compressions budgétaires ont poussé les gouvernements à prendre des mesures telles que la réduction du nombre des enseignants, celle de leurs salaires, ou les deux à la fois.
Les résultats en ont été évidemment une déqualification de la main d'oeuvre, des hausses des salaires nominaux à un taux inférieur à celui de d'inflation et une augmentation du rapport du nombre des élèves par enseignant. D'un autre côté, ces compressions budgétaires ont engendré une pénurie de matériel pédagogique et une dégradation des installations déjà existantes.
S'agissant des pays maghrébins, les seules données disponibles montrent que, dans le cas du Maroc, le rapport des dépenses d'éducation sur les dépenses publiques totales a enregistré une légère baisse en passant de 26.1%, en 2006, à 25.7%, en 2008.
Dans le domaine de l'emploi, la décélération du rythme de la croissance économique dans les pays en développement ne peut pas être sans effets sur l'emploi, et cela à deux niveaux. En premier lieu, la crise a engendré des licenciements suite à la baisse du niveau d'activité ou à la fermeture de nombreuses entreprises (nationales et étrangères). En deuxième lieu, des économies en crise semblent être incapables d'absorber la main d'œuvre additionnelle arrivant sur le marché de travail, notamment l'arrivée des jeunes, diplômés ou non.
En ce qui concerne les pays maghrébins, l'évolution du chômage peut être récapitulée dans le tab. 3.
Tableau 3
Taux de chômage dans les pays maghrébins, 2006—2009 (en pourcentages)
Pays Année
2006 2007 2008 2009
Algérie 12,3 13,8 11,3 —
Maroc 9,7 9,7 9,6 10,0
Tunisie 14,3 14,1 14,2 14,7
Source: Banque Mondiale, 2011.
Il ressort de ce tableau que, dans le cas du Maroc et de la Tunisie, les pays maghrébins les plus intégrés à l'économie mondiale, la décélération de leurs rythmes de croissance économique, suite à la baisse de leurs exportations, à celle des entrées
d'investissements directs étrangers, du tourisme et des transferts des émigrés, a engendré une dégradation du chômage. En Tunisie, le taux de chômage a retrouvé, en 2009, son niveau de 2002 et, même au niveau de la création additionnelle d'emplois, le pays a enregistré des contre-performances puisque le système productif n'a créé que 58000 nouveaux postes de travail alors que le 11ème Plan prévoyait la création de 82400 postes. Toujours en 2009, on a enregistré une perte de 38000 emplois dans les industries manufacturières en Tunisie. De même, au Maroc, et selon le Bureau International du Travail (2009), le nombre de chômeurs, au Maghreb, grimpera de 14 millions en 2008, à au moins 38 millions en 2009.
Dans le cas de l'Algérie, les ressources naturelles dont dispose le pays (qui ont enregistré une augmentation plus que spectaculaire de leurs prix, ces dernières années), l'importance du secteur public ainsi que le type d'IDE (essentiellement dans les secteurs d'exploitation de ces ressources) et le rôle négligeable du tourisme ont fait que le pays n'a pas souffert, en termes d'emploi, de la crise économique internationale.
En résumé, il est évident que la crise financière devenue réelle puisque elle n'a pas été combattue, a eu un coût humain important dans les pays en développement, notamment dans les pays maghrébins, à travers ses effets sur l'emploi, la santé, l'éducation et bien d'autres variables sociales. Le résultat est un accroissement des inégalités entre les classes sociales et les régions, et une dégradation des indicateurs de pauvreté.
La reconstitution du système économico-socio-politique en vue d'une meilleure gouvernance. La dégradation des indicateurs socio-économiques dans les pays maghrébins, accélérée par la crise financière, a été «la goûte qui a fait déborder le vase». En effet, les pays maghrébins se trouvent, depuis des décennies, pénalisés par la présence de régimes totalitaires. Ces régimes étant un champ fertile pour la violation des droits et de la dignité humains, ont également, contribué à la mise en place d'institutions économiques et politiques favorisant la corruption et la non responsabilisation des décideurs.
En effet, les données publiées par Kaufmann, Kraay et Mastruzzi (2009) montrent une détérioration continue des indicateurs de la gouvernance dans l'ensemble des pays Maghrébins. Comparée à certains pays développés, la qualité de la gouvernance dans les pays maghrébins s'avère inquiétante (tab. 4).
Tableau 4
La qualité de la gouvernance dans les pays maghrébins (2)
Pays Voix et responsabilité Efficacité du gouvernement Respect des règles et des lois Contrôle de la corruption
2004 2008 2004 2008 2004 2008 2004 2008
Algérie -0,79 -1,05 -0,45 -0,50 -0,66 -0,70 -0,60 -0,44
Libye -1,75 -1,90 -0,69 -0,84 -0,51 -0,65 -0,77 -0,81
Mauritanie -1,21 -0,92 -0,26 -0,97 -0,67 -1,01 -0,14 -0,80
Maroc -0,55 -0,70 -0,08 -0,09 0,06 -0,11 -0,08 -0,26
Tunisie -0,81 -1,26 0,44 0,35 0,29 0,24 0,34 -0,04
France 1,43 1,24 1,67 1,54 1,43 1,40 1,42 1,43
Allemagne 1,52 1,34 1,57 1,65 1,66 1,72 1,88 1,77
Source: Kaufmann, Kraay et Mastruzzi (2009).
L'ensemble de conclusions pouvant être tirées du tableau ci-dessus est partagé par certains observateurs (de la société civile et des institutions internationales). L'exemple de la Tunisie qui dispose d'une qualité de gouvernance supérieure à celle des autres pays maghrébins est illustratif (tableau 4) (3).
On note que, par rapport aux pays arabes, la Tunisie s'est distinguée par ses succès dans les domaines macroéconomiques, de la croissance, de la santé, de l'éducation et du droit des femmes (4). Une partie de ces performances est due à la grande stabilité du pays. Cette stabilité a été maintenue au prix d'une profonde régression politique. En effet, le régime tunisien, au cours des décennies passées, était un des plus autoritaires de la région.
En présence du régime autoritaire, la Tunisie s'est distinguée par d'importantes lacunes en matière de droits politiques et de libertés civiques. La Tunisie avait l'un des pires environnements médiatiques du monde arabe en 2010 et le gouvernement recourait à tout un arsenal juridique, pénal et économique pour ramener au silence les voix dissidentes (Freedom House) (5). Le régime autoritaire tunisien a contribué à mettre en place un système de corruption flagrante au sein des plus hautes instances décisionnelles. Cette corruption a conduit au développement d'un empire financier fondé sur des biens mal acquis, et sans précédent en Tunisie. Ces empires se sont installés dans tous les domaines, notamment les médias, les transports, les banques, les télécommunications et le tourisme. Ces acquisitions douteuses se sont accélérées pendant le programme de privatisation, tout comme l'octroi de prêts bancaires à de très faibles taux d'intérêt. La Global Financial Integrity Foundation a estimé le coût de la corruption dans le pays à environ un milliard de dollars par an (BAD, 2011).
Sous la pression de la répression politique et la dégradation des indicateurs sociaux, le peuple tunisien a décidé de changer son destin (6). Rappelons que la Tunisie a été le premier pays arabe à avoir aboli l'esclavage (1846), à s'être doté d'une Constitution (1861) et à adopter un code de statut personnel (1956). Il n'est donc pas étonnant que la Tunisie soit le premier pays arabe qui a conduit une révolution (décembre 2010 et janvier 2011). Cette révolution, qui a déclenché une sonnette d'alarme dans l'ensemble de la région MENA, vise à mettre en place un régime démocratique garantissant la dignité humaine et favorisant la bonne gouvernance politique et économique.
En effet, la Tunisie de 2011 se prépare pour installer la deuxième république. Cette dernière devra donner la priorité, entre autres, à la construction démocratique, au respect des droits de l'Homme, au développement régional et à l'emploi. Elle devra, également, se préoccuper de la mise en place d'institutions économiques et politiques favorisant la transparence, le respect des lois, la lutte contre la corruption et la responsabilisation des décideurs, et elle devra fournir un appui important aux organes de la société civile.
Dans l'ensemble, le système socio-économico-politique des pays arabes est comparable à ce qu'était celui de la Tunisie. Ainsi, le mouvement de contestation libératoire et social a commencé à gagner d'autres pays arabes, l'Egypte, la Libye, le Yémen, la Syrie, la Jordanie, Bahreïn, le Maroc, l'Algérie... etc.
Pour ces pays, bien que les pistes suivies en vue du changement soient différentes (révolutions ou bien manifestations), les peuples n'ont qu'un seul objectif: mettre en
place un système socio-économico-politique garantissant la dignité humaine et favorisant la bonne gouvernance. Le mouvement libératoire arabe pourrait nous rappeler de celui de l'Europe du Sud: l'Espagne suite à la mort de Franco (1975), la Grèce après la chute du régime des Colonels (1974), le Portugal, lors de la Révolution des Oeillets (1974) et l'Italie qui a été le berceau du fascisme.
La question qui se pose, donc, la suivante: dans quelle mesure les mouvements libératoires qui gagnent l'ensemble des pays arabes, sont-ils capables de dynamiser la modernisation et le développement de ces pays?
Nouvelles modalités de gouvernance et perspectives de développement. Les grandes institutions internationales, régionales et nationales, reconnaissent les liens existant entre la «bonne gouvernance» (7), la démocratie et le développement économique et social. Partout, il existe un consensus selon lequel la bonne gouvernance fait progresser la représentation politique, les libertés et le respect de la constitution et accroît la transparence et l'obligation de rendre compte. Ces bases élémentaires de la démocratie renforcent, de fait, la légitimité de l'Etat, ce qui à son tour promet la paix et la stabilité qui sont cruciales pour l'investissement et la relance économique.
La bonne gouvernance est présentée comme solution universelle permettant de générer la confiance nécessaire à la croissance économique (Meisel et Ould Aoudia, 2007). Son objet est d'améliorer la gestion des affaires économiques, publiques et privées, grâce à des institutions, des mécanismes et des procédures connues. Cette bonne gouvernance se définit comme la manière dont les autorités en exercice doivent gérer les ressources économiques et sociales d'un pays, d'une communauté ou d'une institution en faveur de son développement, à travers un ensemble de principes: le respect du droit et des droits humains, la transparence et l'efficacité de la gestion des affaires, la lutte contre la corruption, la promotion de la démocratie et le développement participatif et durable.
Nous devons noter qu'un système de gouvernance national inclut différentes composantes et procédures qui déterminent comment l'Etat acquiert et exerce son autorité pour fournir des biens et des services publics. Ce système concerne, entre autres, les trois domaines suivants:
— la gouvernance politique, qui peut être définie comme l'ensemble des modalités de détermination, ou de choix, du régime politique, d'appropriation et d'exercice du pouvoir politique, recouvre le type de régime, la stabilité du système politique, le mode de sélection des responsables politiques, la représentation des hommes et des femmes, la crédibilité du système électoral, la répartition et l'équilibre des pouvoirs, le respect de l'Etat de droit;
— la gouvernance économique et financière porte sur l'environnement macroéconomique et le cadre réglementaire, le mode de détermination des priorités du développement, la mobilisation, l'affectation et la gestion des ressources publiques, l'efficacité du système monétaire et financier, les politiques d'appui au développement du secteur privé et les politiques de développement régional;
la gouvernance administrative renvoie à la manière dont les lois et les règlements sont appliqués, aux modalités de prise des décisions, à la responsabilisation et à l'efficacité des institutions chargées de faire respecter l'obligation de rendre des comptes dans le secteur public, à la transparence et à l'intégrité des agents de l'administration publique,
à la qualité et à l'accessibilité des services publics, à l'absence (ou tout au moins au faible niveau) de la fraude et de la corruption.
Avec une «bonne gouvernance», les administrations publiques devront être capables de montrer en quoi leur action et leurs décisions sont conformes à des objectifs précis et convenus (obligation de rendre compte). Les autorités publiques doivent faire appliquer les lois, la réglementation et les codes en toute légalité et en toute transparence (primauté du droit). L'action, les décisions et la prise de décision des administrations publiques devront, dans une certaine mesure, être ouvertes à l'examen des autres secteurs de l'administration, du Parlement, de la société civile et parfois de Partenaires Techniques et Financiers (PTF) extérieures (problème de la transparence). Les administrations publiques devront s'attacher à une production de qualité, notamment dans les services rendus aux citoyens, et veiller à ce que leurs prestations, de par leur efficacité, répondent à l'intention des responsables de l'action publique (efficience et efficacité). Les autorités publiques doivent (devront) anticiper les problèmes qui se posent à partir des données disponibles et des tendances observées, et élaborer des politiques qui tiennent compte de l'évolution des coûts et des changements prévisibles (démographiques, économiques, environnementaux, etc.), suite à des études de prospective et à l'élaboration de visions stratégiques).
Le contenu de ce que doit être une bonne gouvernance, tel qu'il vient d'être présenté, met en évidence l'existence de liens étroits entre celle-ci, la démocratie et le développement économique.
Sur le plan politique, l'une des caractéristiques importantes de la révolution récente dans pays maghrébins réside dans la capacité à s'approprier rapidement les meilleures pratiques démocratiques. Le changement, dans ces pays, ouvre une voie possible pour la gouvernance et le changement institutionnel, mobilisant de nouvelles capacités de gouvernance orientées davantage vers le service de la croissance et le développement économique et social.
Conclusion. La crise financière internationale a eu des effets négatifs sur l'économie réelle des pays maghrébins. Les canaux de transmission de la crise vers cette région sont fondamentalement le reflux des IDE, la chute des échanges commerciaux, la baisse de l'APD et des transferts des émigrés. De ce fait, la crise a engendré une dégradation de l'emploi et une augmentation de la pauvreté et des inégalités entre les clases sociales et entre les régions.
En d'autres termes, la crise a crée un environnement caractérisé par un paroxysme des souffrances, des contradictions et des incertitudes, contribuant ainsi au déclenchement des révoltes et des manifestations dans ces pays. Ces différentes formes de contestations réclament essentiellement de la démocratie, du respect des droits de l'Homme et de la bonne gouvernance économique et politique. La réunion de ces éléments constitue une source du développement économique et social.
REFERENCES
(1) Nous devons noter que les pays en développement, constituant un groupe très hétérogène, ne présentent pas les mêmes types de vulnérabilité par rapport à la crise. Ceux-ci varient selon les spécificités de leurs propres processus de développement.
(2) A chaque indicateur de gouvernance est attribué un score entre (+2,5) et (-2,5). A mesure que le score augmente, la gouvernance s'améliore.
(3) Notons, toutefois, que ces données ont été établies (et publiées) avant la «révolution tunisienne», à la suite de laquelle de nombreux «experts» commencent à mettre en doute la crédibilité des statistiques officielles relevées avant cette «révolution»...
(4) Nous devons noter que les succès tunisiens, surtout en matière de modernisation de la société, ont été le résultat des décisions stratégiques prises dès le début des années soixante du vingtième siècle.
(5) Dans BAD (2011) page 4.
(6) Au début, les manifestations avaient pour objet de protester, face à la dégradation de la situation socio-économique; elles se sont rapidement muées en manifestations de nature politique, dans la mesure où les racines de ces troubles sont en fait politiques.
(7) Selon le vocabulaire consacré par la Banque mondiale.
BIBLIOGRAPHIE
[1] Ayadi R., Colombo S., Pacillo M. et Tocci N. 2011. «La révolution tunisienne: une opportunité pour une transition démocratique». Perspectives méditerranéennes, 21 janvier 2011.
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[3] Banque Africaine de Développement. 2009. «L'effet de la crise financière mondiale sur l'Afrique». Working Paper Series. n°96. Mars 2009.
[4] Banque Centrale de Tunisie. 2009. Rapport annuel de la Banque Centrale de Tunisie.
[5] Banque mondiale. 2011. World Development Indicators, en ligne.
[6] Banque mondiale. 2009a. La crise économique et les objectifs du développement pour le millénaire. 24 avril.
[7] Banque mondiale. 2009b. Questions-réponses sur la crise économique mondiale au Moyen-Orient et Afrique du Nord. 23 avril.
[8] Benabdennour A. et Ould Sidi Mohamed M. 2009. «La Crise financière internationale et les pays maghrébins: effets prévisionnels et politiques de gestion». Colloque international organisé par l'Université Moulay Ismaïl Meknès-Maroc. Novembre 2009.
[9] Benhammou M. 2009. L'impact de la crise économique internationale sur le développement économique et social en Afrique. Tanger. Novembre.
[10] Commission économique pour l'Afrique. 2009. Rapport sur la gouvernance en Afrique II.
[11] Congo et PNUD. 2006. Gouvernance, cohésion sociale et développement humain en république du Congo. Rapport de synthèse. Brazzaville. Juin.
[12] Kaufmann D., Kraay A. et Mastruzzi M. 2009. «Governance matters VIII: aggregate and individual governance indicators 1996—2008». Policy Research Working Paper n°4978. Banque mondiale. June 2009.
[13] Mauritanie. 2005. Rapport du Comité Interministériel Chargé de la Bonne Gouvernance.
[14] Mauritanie. 2001. Cadre général du Programme National de Bonne Gouvernance. Document présenté au 4ème Groupe Consultatif pour la Mauritanie. Paris. 17—19 décembre.
[15] Meisel N. et J. Ould Aoudia. 2007. «La bonne gouvernance: est-elle une Bonne Stratégie de Développement?». Documents de travail de DGTPE. n°2007/11.
[16] Nations Unies. 2009. Situations et perspectives de l'économie mondiale.
[17] Perspectives Economiques en Afrique, 2009. Disponible sur. URL: http://www.africaneconomicoutlook.org/fr/data-statistics
[18] UNCTAD. 2010. Disponible à l'adresse. URL: www.uncted.org
МИРОВОЙ ФИНАНСОВО-ЭКОНОМИЧЕСКИЙ КРИЗИС: ВЫЗОВЫ ДЛЯ СТРАН МАГРИБА
А. Бенабденнур, М. Эль Вериемми, М. Ульд Сиди Мухамед
Университет г. Габа
Международный финансовый кризис способствовал ухудшению социально-экономического положения стран Магриба: росту безработицы и уровня бедности, повышению социального расслоения в обществе. Эта ситуация вкупе с политическими репрессиями привела к многочисленным народным волнениям в этих странах.
Освободительное движение в странах Среднего Востока и Северной Африки имеет целью внедрение новой экономико-социополитической системы, способной гарантировать гражданские свободы и повысить качество управления странами.
Авторы считают, что качественное управление может являться источником социально-экономического благополучия в странах Магриба.
Ключевые слова: кризис, социальные показатели, страны Магриба, экономическое и политическое развитие.