Сергиенко В.Ю.1
L'escadrille «Normandie-Niémen» dans las mémoire collective des Russes
Аннотация. Передающаяся из поколения в поколение коллективная память, присущая определенной группе индивидуумов, отражает ключевые события той или иной эпохи и, безусловно, не может считаться объективным источником передачи информации, так как на неё неизбежно оказывает влияние экономическая и политическая ситуация, а также произведения и высказывания писателей, историков, журналистов, политических и общественных деятелей. Легендарный полк «Нормандия-Неман», лётчики которого сражались бок о бок с советскими авиаторами против фашистской Германии в 1942-1945 гг., был и остается в коллективной памяти одним из важнейших символов дружбы и солидарности народов СССР и Франции. В Москве, Смоленске, Орле, Иваново, Калуге, Калининграде существуют музеи, школы, памятники, стелы, мемориальные доски, носящие имя авиационного полка «Нормандия-Неман». Некоторые из них были открыты в советскую эпоху, а некоторые - совсем недавно, что является ярким свидетельством желания сохранить и передать память об этом важном эпизоде в истории двух стран, а также развивать дружеские отношения в будущем.
Ключевые слова: Нормандия-Неман, коллективная память, вторая мировая война, Франция, СССР, лётчики, механики, места памяти, мемориалы, школы, музеи, франко-советская дружба
УДК 94"1941/45"+94(44).084
Abstract. The collective memory, shared by a certain group of individuals, reflects the memory of the crucial events and has by no means a certain degree of subjectivity. It could undergo the dramatic changes due to the strong influence of historians, writers, journalists, politicians and evolution of political and economic situation. In 1942-1945 during the World War 2 the French aviators of the famous air division known as «Normandie-Niemen» came to the USSR in order to fight side by side with the soviet pilots their common enemy - Nazi Germany. Many museums, schools, memorial sites, monuments in different Russian cities such as Moscow, Smolensk, Orel, Ivanovo, Kaliningrad, were dedicated to the history of the «Normandie-Niemen». Some of them were inaugurated at the time of the Soviet Union, others have been opened recently. This phenomena proves the willingness to maintain the important episode which has been always seen as the powerful symbol of the French-soviet friendship in the collective memory of the French and Russian people and develop good relationships between the two countries.
1 Сергиенко Владислава Юрьевна - кандидат исторических наук, доцент МГУ имени М.В. Ломоносова, преподаватель университета Ниццы София Антиполис. (e-mail: svladislava@yahoo.co.uk).
.Key words: «Normandie-Niemen», World War 2, aviation, pilots, France, the USSR, friendship between France and the USSR, memorial sites, museums, schools, collective memory
On se réfère à la mémoire collective en tant qu'un ensemble commun des informations conservées dans les mémoires individuelles d'un certain groupe. Compte tenu les changements rapides qui s'opèrent dans la vie politique, économique, sociale, scientifique et culturelle, ces pratiques de se remémorer le passé ont pour l'objectif de renforcer le sentiment de communauté. En même temps la mémoire collective ne reflète pas les événements historiques, elle comporte nécessairement un degré de subjectivité, puisque la manière de se souvenir du passé est influencé par la conjoncture économique, politique et sociale. Cette mémoire collective évolue au fil de temps et joue un rôle majeur dans la création de la perception du passé et dans la construction d'une société. Transmise d'une génération à l'autre, elle subit une influence considérable des historiens, des écrivains, journalistes, des hommes des lettres, des politiciens et peut être considerée en tant qu'une représentation emotionnelle et subjective des réalités historiques. La mémoire collective est constamment alimentée par les emotions individuelles et dans cette optique elle peut être consideré comme un mélange des expériences personnelles et des événements du passé2.
L'histoire de la deuxième guerre mondiale marque à jamais la mémoire collective de plusieurs générations. Malgrés les différents clivages politiques ou idéologiques l'histoire du «Normandie-Niémen», le seul régiment étranger en terre soviétique dans les années 1942-19453, la fraternité des pilotes français et des mécaniciens soviétiques restent les symboles importants de l'amitié franco-russe.
Soucieux de voir la France Libre représentée sur tous les fronts, le général de Gaulle songe à envoyer une division française en URSS pour combattre contre le même ennemi : l'Allemagne nazie. Sous les ordres du commandant Pouliquen le groupe de chasse est créé en septembre 1942. Constitué au Liban, il prend le nom de «Normandie». En novembre de la même année, les 60 volontaires de l'unité aérienne, pilotes et mécaniciens s'embarquent pour l'URSS, ils arrivent à la base aérienne de Ivanovo. Dès le mois de mars 1943, l'escadrille est engagé sur le front germano-soviétique. Incorporé dans la 1 re armée aérienne, «Normandie» commence à effectuer diverses missions de reconnaissance et ensuite est régulièrement engagée dans les opérations de combat : attaques de collonnes et d'aérodromes allemands. En juin-juillet, l'unité, intégrée à la 303e division aérienne de chasse sous les ordres du général N. Zakharov, reçoit de nouveaux pilotes. Lors de la bataille
2 Nora Pierre, les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 3 tomes : Tome 1. La République, 1984 ; Tome 2. La Nation (1987), Tome 3. Les Frances (1992) ; Rousso Henry, La hantise du passé, Paris , Textuel, 1998 ; Todorov Tzvetan, les abus de la mémoire, Paris, Arléa, 2004 ; Rioux Jean-Pierre, La France perd la mémoire, Paris : Perrin, 2006.
3 Histoire de l'escadrille Normadie Niemen en U.R.S.S. Journal de marche (22 mars 1942 - 20 juin 1945), Paris, Office français d' édition, 1946 ; Yves Courrière, Normandie Niémen. Un temps pour la guerre, Paris, Presses de la Cité, 1979 ; Alain Vezin, Régiment de Chasse Normandie Niemen, éditions ETAI, 2009 ; Roland de la Poype, L 'épopée du Normandie-Niémen, Paris, éditions Perrin, 2011; Serguei Dybov Normandie-Niemen. L'histoire complète d'un régiment légendaire, éditions Yaouza, Moscou, 2011.
d'Orel4 en juillet les pertes sont lourdes, ayant reçu un nouveau renfort, le «Normandie» se déplace vers Smolensk et accumule de nouvelles victoire aériennes. L'année 1943 se révèle particulièrement meurtrière pour les chasseurs français, après six premiers mois de combat, 21 pilotes sont morts, prisonniers ou disparus. En hiver 1943-1944 l'unité est réorganisée, 52 nouveaux aviateurs arrivent en renfort de l'Afrique du Nord. En juin le régiment participe dans l'offensive soviétique en Biélorussie et en Lituanie. Le mois suivant les pilotes français sont engagés dans la bataille de franchissement du Niémen, ayant pour objectif d'assurer la protection de l'armée soviétique5. Pour ses actions héroiques, «Normandie» reçoit du commandement soviétique le titre de «Régiment du Niémen» en devenant ainsi «Normandie-Niémen». En automne 1944 il prend part dans l'offensive de Prusse et en décembreles les pilotes français se rendent tous à Moscou pour rencontrer le général de Gaulle en visite officielle en URSS. Le commandant Pouyade et les «anciens» du «Normandie» rentrent en France. Placé sous les ordres du nouveau commandant Louis Delfino le régiment entame sa troisième campagne en Prusse orientale6. Après la capitularion de l'Allemagne le retour n'est plus qu'une question de jours. En 1940 les autorités soviétiques offrent à la France les 40 Yak 3 sur lesquels les chasseurs français ont volé durant leurs missions aériennes. En juin ils arrivent au Bourget où il reçoivent un accueil triomphal7.
En Russie les lieux de mémoire dédiés au «Normandie-Niémen» sont nombreux : des memoriaux, des musées, des écoles, des plaques commémoratives, à Orel, Smolensk, Ivanovo il y a des rues qui portent le nom du régiment .
Le premier monument en hommage du «Normandie-Niémen» est inauguré à Kaliningrad le 9 mai 1984. Le sculpteur Oleg Salnikov choisit le granit noire pour contraster avec les avions en bronze et l'emblème du régiment. Le revers du monument reprsénte le parcours des pilotes français, de Ivanovo jusqu'à Elbing en Prusse Orientale. Suite au vandalisme le monument a été sérieusement endommagé mais restauré en octobre 2007 et désormais classé monument historique.
4 Icare N°63 Revue de l'aviation française, Normandie Niémen. Tome II: La bataille d'Orel, les mécaniciens, retour à Toula, Paris, automne-hiver 1972.
5 Icare N°65 Revue de l 'aviation française, Normandie Niémen. Tome IV: La Campagne 1944, la Biélorussie, la bataille du Niémen, Paris, printemps, 1973.
6 Icare N°67 Revue de l'aviation française, Normandie Niémen. Tome V: La Campagne 1945 en Prusse Orientale, Paris, hiver-printemps 1974.
7 Icare N°70 Revue de l ' aviation française, Normandie Niémen. Tome VI: La Victoire, le retour en France, Paris, automne-hiver 1974.
Image 1. Monument au «Normandie-Niémen» à Kaliningrad près du lac Nijnee (Tirée par le site http://vfl.ru).
En 2007 le président de la République Française Nicolas Sarkozy inaugure avec son homologue russe le monument qui glorifie la fraternité des aviateurs français et des mécaniciens soviétiques et se dresse dans le square Krasnokoursantsky à Moscou. L'endroit n'a pas été choisi au hasard, au cimetière Vedenskoye à Lefortovo il y avait des tombes des pilotes français péris lors des combats aériens sur le front germano -soviétique, dans les années 1950-1960 leurs dépouilles ont été rapatriées en France.
Image 2. Monument aux aviateur du régiment de chasse français «Normandie-Niémen» au Square Krasnokoursantsky à Moscou (Tirée par le site http://www.rutraveller.ru).
Image 4. Memorial aux pilotes du «Normandie-Niémen» au cimetière Vedenskoye à Moscou
(Tirée par le site http://www.museum.ru).
Image 5. Tombe d'un pilote français inconnu du régiment de chasse «Normandie-Niémen» au cimetière de la Présentation à Moscou (Tirée par le site http://www.visit-kaluga.ru).
Le 5 avril 1943 à Polotniani Zavod, près de Kalouga, l'escadrille commence à remporter ses premières victoires. Ayant pour mission d'escorter des bombardiers soviétiques, elle est attaquée par une patrouille de chasseurs. Lors du combat deux pilotes français, Durand et Preziosi, descendent chacun un Focke-Wulf 190, grace au soutien des aviateurs du «Normandie», les bombardiers soviétiques rentrent à la base sans avoir subi aucune perte. Ces victoires sont commémorées en 2009 par un nouveau memorial au «Normandie-Niémen» à Kalouga.
Image 6. L'inauguration du monument au régiment de chasse «Normandie-Niémen» à Kalouga en 2009 (Tirée par le site http://www.visit-kaluga.ru).
A Ivanovo, à 250 km au nord-est de Moscou, en hiver 1942-1943 les pilotes français commencent leur entraînement sur le matériel soviétique dans les conditions climatiques très rudes. C'est la première base aérienne qui a accueilli les aviateurs du «Normandie» portant volontaires en terre soviétique. En 2015 la ville de Ivanovo voit l'inauguration du monument destiné à immortaliser la fraternité des pilotes français et des mécaniciens soviétiques. En juillet 1944 le chasseur du «Normandie-Niémen», Maurice de Seynes, refuse de suivre l'ordre de sauter en parachute à la suite d'une fuite d'essence dans la cabine, il ne veut pas quitter son avion par solidarité avec son mécanicien Vladimir Bielozoub qui voyage avec lui mais ne dispose pas d'un parachute. Il s ' écrasent tous les deux au sol lors de la dernière tentative d ' atterrissage, ils sont enterrés dans une tombe commune. Sur le monument, édifié d'après le projet de V. Sourovtsev et V. Syaguine, on peut voir les noms de tous les pilotes français qui ont participé aux combats aériens près de Ivanovo.
Image 7. Le monument aux pilotes de l'escadrille «Normandie-Niémen» à Ivanovo. Sur son inauguration en 2015 (Tirée par le site http://tvkultura. ru).
Image 8. La première plaque commémorative aux chasseurs français a été inaugurée à Moscou sur le quai Kropotkinskaya en 1956 (Tirée par le site http://lemur59.ru).
En 1965 l'école numéro 1216 ouvre le premier musée qui est consacré au souvenir de l'épopée «Normandie-Niémen». Sa mission est de présenter la coopération franco-soviétique à l'époque de la deuxième guerre mondiale et montrer le rôle des interprètes dans la vie quotidienne du «Normandie-Niémen». En mars 2012 l'école fait une demande de prendre le nom du héros de l'Union Soviétique Marcel Léfevre, cette initiative a été soutenue par l'Ambassade de France et l'administration de Moscou. Tous les ans l'école numéro 1216 reçoit le Congrès des musées, consacrés au «Normandie-Niémen», ayant pour l'obejctif de coordonner les efforts et de lancer de nouveaux projets pour la transmission de la mémoire de cette célèbre unité aérienne8.
Image 9. Le Musée Normandie-Niémen à l'école №1216 à Moscou (Tirée par le site http://www.expozit.ru).
8 http://www. xn-- 1216-43d3dhx2g. xn--p1ai/Normandiy-Neman/koncepciy. htm
Le musée à l'école numéro 29, créé en 1967, a pris l'initiative de collaborer avec d'autres musées, tous les ans il organise la semainé dédiée au «Normandie-Niémen», aucours de laquelle il y a toute une série de manifestations : les rencontres avec les vétérans, le concours des dessins et des affiches au sujet du fameux régiment de chasse. Ce musée entame de même des recherches pour repérer des vestiges des avions qui ont été abattus durant des combats aériens.
Image 10. Musée «Normandie-Niémen» à l'école №29 à Ivanovo (Tirée par le site http://normandy-neman.iv-schools.ru).
En 2003 à l'école numéro 19 à Kalouga a été inauguré un autre musée en souvenir du «Normandie-Niémen». Il existe surtout grace aux efforts de Maria Kouzmina, qui connaissait les pilotes et les mécaniciens de l'escadrille et qui, malgré son age, fait toujours des visites guidées.
Image 11. Maria Kouzmina dans le musée du «Normandie-Niémen» à l'école № 19 à Kalouga
(Tirée par le site http://www.sova19.ru).
Le musée de l'école numéro 712 à Moscou est devenu le musée le plus visité par les délégations françaises. Les élèves et les enseignants de l'école participent de la manière très active à toutes les manifestations et commémorations liées au «Normandie-Niémen». En octobre 2015 ils sont venus à Nice à l'occasion de la cérémonie d'hommage sur la tombe du général Delfino, au cimitière Caucade, et l'inauguration de l'exposition «Commémoration des 70 ans du Régiment de Chasse Normandie-Niémen et Hommage au général Delfino».
Image 12. Les élèves de l'école 712 dans le musée du «Normandie-Niémen» (Tirée par le site http://sch712.mskobr.ru/).
Or, les lieux de mémoire du «Normandie-Niémen» sont liés avec son parcours sur le front germano-soviétique, les habitants de Ivanovo, Orel, Kalouga sont soucieux de conserver et de transmettre l'histo ire de cette unité aérienne. La création de nouveaux musées, l'organisation du Congrès des musées et de différentes manifestations de commémoration autour du fameux régiment, des projets historiques et culturels illustrent la volonté de mettre en avant cette épisode unique du «Normandie-Niémen» qui reste dans la mémoire collective des russes en tant qu'un témoignage important de la lutte commune des français et des soviétiques contre le régime nazi, destinée à renforcer les liens entre les deux peuples.